Des fiches secrètes sur des salariés de la Sécu
Des salariés de la CPAM ont découvert qu’ils faisaient l’objet d’un fichage confidentiel : pauses-café, trajets, comportement sont recensés par les cadres de leur service. Direction et syndicats ont tenté de régler l’affaire en interne.
Une vingtaine d’employés de l’unité des Délégués de l’Assurance maladie (DAM) de Haute-Garonne ont découvert, il y a plusieurs mois, qu’ils étaient fichés par les cadres du service. Pour certains de ces visiteurs médicaux, les informations consignées remontent à 2008. Aucun d’entre eux n’avait été informé par les managers. En décembre dernier, une indiscrétion révèle le pot-aux-roses.
Certains documents, dont La Dépêche a pris connaissance, révèlent que les fiches renseignent à divers niveaux. En plus d’extraits de conversations orales ou par mail entre salariés et encadrants, l’on y apprend par exemple qu’un salarié « a apporté une boîte de chocolats », ou qu’un autre « annule ses rendez-vous quand son enfant est malade ». Un délégué aurait montré « une attitude désintéressée pendant la réunion technique » ; un de ses collègues serait venu « s’excuser sur le décalage entre son attitude […] et ce qu’il ressentait à ce moment-là ». Les pauses-café de certains salariés sont recensées et apparaissent sous le nom d’« anomalies ». Il y est parfois mentionné des révélations, ou « dénonciations » de la part de collègues. Aucune fiche n’est composée de la même manière. Certaines font une page quand d’autres pèsent une dizaine de feuilles et sont complétées au quotidien. En revanche toutes sont informatisées et disposées sur le serveur interne de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
« On travaille de la meilleure manière possible, et c’est cela que l’on récolte. L’ambiance actuelle est très tendue ; le climat nauséabond. Les managers n’ont pas eu l’impression de faire quelque chose de mal, mais ce sont des techniques de management scandaleuses », dénonce un salarié. En décembre, des syndicats de salariés ont été informés. Depuis, les différentes parties tentent péniblement de régler l’affaire en interne. « Nous avons demandé à ce que le fichage soit stoppé tout de suite et que le contenu des fiches soit révélé individuellement aux personnes concernées. Car elles n’étaient pas au courant et n’avaient aucun moyen de se défendre. D’autant que certaines rubriques n’ont rien à voir avec l’efficience professionnelle. Le salarié est complètement mis sur le gril. Et les éléments mentionnés peuvent peut-être influencer la notation ou l’avancement », argumente Jean-Yves Delagrange, délégué syndical FO à la CPAM. Certains salariés envisagent peut-être de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, organisme qui instruit sur plainte et peut enquêter sur le caractère abusif et illégal d’un tel fichage. Sollicitée, la direction de la CPAM de Haute-Garonne a indiqué qu’elle s’exprimerait ultérieurement.
Leur presse (Pauline Croquet, LaDepeche.fr, 30 juin 2012)