Togo, Gabon: condamner la répression pour marquer enfin le changement
Depuis plusieurs jours, la mobilisation des populations gabonaise et togolaise face aux clans qui les oppriment depuis 45 ans prend une ampleur énorme. Malgré les discours de façade sur la démocratisation en marche qui ont suivi les successions dynastiques à la tête du Gabon et du Togo, la seule réponse des autorités reste la répression. L’association Survie soutient les peuples togolais et gabonais dans leur lutte et demande au nouvel exécutif et au prochain Parlement français de condamner publiquement la répression ordonnée par deux régimes surannés de la Françafrique.
Au Gabon, les autorités ont tenté d’empêcher un contre-forum de la société civile la semaine dernière [Voir notre communiqué du vendredi 8 juin] et la police détient et maltraite depuis lundi une vingtaine de leaders de manifestations étudiantes qui ont le tort de réclamer le versement des bourses universitaires et le respect des droits des étudiants. Jeudi matin, alors que d’autres étudiants tentaient d’accéder au tribunal pour dénoncer le simulacre de procès en préparation, la répression est montée d’un cran avec l’annonce de l’ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants s’ils tentent d’accéder à l’audience.
Au Togo, le Collectif « Sauvons le Togo », qui regroupe depuis avril dernier dix-sept organisations de défense des droits humains, associations de la société civile et partis politiques d’opposition, a initié mardi un vaste mouvement populaire de protestation. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont ainsi descendues dans la rue pour exiger l’application des recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation et refuser la récente modification du code électoral qui renforce la suprématie du clan au pouvoir. Là aussi, la réponse brutale du pouvoir ne s’est pas fait attendre, avec le déploiement de l’armée pour quadriller la capitale et étouffer la contestation. En dépit d’une répression violente, la mobilisation ne faiblit pas et se cristallise désormais autour de revendications qui mettent en péril le régime.
Quels sont les autres points communs entre ces deux situations ?
Par une triste coïncidence, les clans au pouvoir au Gabon et au Togo ont été installés en 1967. Ils ont toujours pu compter sur le soutien de la France, à travers une coopération militaire et policière particulièrement active. Qui a formé et équipé les forces de l’ordre qui répriment aujourd’hui violemment ces manifestations ?
Dans ces deux pays, la mort du « dictateur ami de la France » a été suivie d’une succession dynastique immédiatement avalisée par la France, malgré les contestations populaires. Au Togo, Faure Gnassingbé a hérité du pouvoir de son père Gnassingbé Eyadéma en 2005, au terme de violences qui ont fait 500 à 1000 morts et 40’000 réfugiés selon l’ONU. Au Gabon, Ali Bongo a confisqué le résultat de l’élection présidentielle après la mort d’Omar Bongo en 2009, entraînant des manifestations réprimées dans le sang. Qui, dans le nouvel exécutif français, peut nier que ces chefs d’État ont usurpé leur accession au pouvoir ?
Au Gabon comme au Togo, les manifestants qui font aujourd’hui face aux forces répressives craignent que la diplomatie française ne continue à soutenir les régimes en place. Qui peut oublier qu’en pleine campagne présidentielle, Laurent Fabius avait justement été reçu par les despotes Faure Gnassingbé (le 8 décembre 2011) et Ali Bongo (le 13 février 2012) ? Il est maintenant temps que le nouveau ministre des Affaires Étrangères défende les aspirations des peuples à la démocratie, au Gabon et au Togo comme partout ailleurs.
L’association Survie attend de l’Élysée et du Quai d’Orsay la condamnation publique de la répression dans ces deux pays, et espère que la nouvelle Assemblée nationale qui sortira des urnes dimanche se saisira de ce double exemple de plus pour faire enfin l’examen critique de la politique de coopération policière et militaire française avec les régimes autocratiques [Plus largement, l’association rappelle les 5 engagements qu’elle demande au nouveau gouvernement].
Paris, le 15 juin 2012
Contact presse : Stéphanie Dubois de Prisque, Chargée de communication – Contact au Gabon : Bruno Oondo Mintsa, du mouvement « Ça Suffit Comme ça ! » – Contact au Togo : André Afanou, Directeur exécutif du CACIT (Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo)
Photos amateurs : au fond d’un « cachot » avec les étudiants grévistes de Libreville (Gabon)
Depuis lundi dernier, une vingtaine d’étudiants grévistes de l’Université Omar Bongo (UOB) de Libreville sont enfermés dans une cellule exiguë de la gendarmerie pour avoir tenu tête aux forces de l’ordre lors d’un rassemblement. Profitant de leur incurie, ils ont réussi à faire sortir une vidéo et des photos de leurs conditions de détention, simplement sordides.
C’est au cours d’une assemblée générale tenue le 11 juin pour sensibiliser leurs camarades à leurs revendications syndicales que 21 étudiants grévistes de l’UOB ont été interpellés par la gendarmerie. Refusant de mettre un terme à leur réunion, les frondeurs se sont alignés devant les forces de l’ordre, préférant se constituer prisonniers plutôt que de renoncer à leur mouvement. Embarqués dans une fourgonnette au siège de la Direction générale des recherches (DGR), un service de la gendarmerie, les jeunes sont, depuis, détenus dans une étroite et sombre cellule en attendant d’être présentés au procureur. Deux d’entre eux, dont notre Observateur, ont été libérés. Selon eux, leur état de santé aurait inquiété les gendarmes.
Les étudiants ont réussi malgré les fouilles à garder un téléphone portable avec lequel ils se sont filmés et pris en photo entassés torse nu dans leur cellule, où ils ont entamés une grève de la faim. Sortis des murs, les clichés circulent depuis mardi sur Facebook, suscitant une vague d’indignation. Aux yeux de l’abbé Bruno Ondo Mintsa, un leader de la société civile gabonaise joint par FRANCE 24, elles dévoilent les « méthodes dictatoriales » du régime : « Ce qui est inadmissible, c’est qu’ils ont été arrêtés pour troubles à l’ordre public, alors qu’ils étaient à l’intérieur du campus ». Selon lui, les jeunes toujours incarcérés ont été torturés par les gendarmes à la suite de la diffusion de ces images.
[Nous cherchons à joindre la gendarmerie et le ministère de la Défense à Libreville. Nous publierons leur déclaration une fois que nous aurons une réponse].
À l’origine de la révolte étudiante, une réforme du système universitaire votée en 2010 mais que beaucoup n’acceptent pas. Les étudiants en grève demandent, notamment, la suppression de la limitation d’âge pour l’accès aux bourses (27 ans) et une harmonisation du système LMD (Licence-master-doctorat). Depuis janvier, de nombreux accrochages entre jeunes grévistes et forces de l’ordre ont éclaté, si bien qu’à la demande du recteur, des unités anti-émeutes ont été déployées à l’intérieur du campus.
Edvine Ballack Obama, 22 ans, est étudiant à l’Université Omar Bongo. Il fait partie des 21 grévistes arrêtés lundi et détenus à la DGR. Il est sorti de la cellule mercredi après-midi.
« Quand nous sommes arrivés à la DGR, ils nous ont demandé de nous déshabiller. Moi, j’ai d’abord refusé, alors j’ai été giflé et j’ai reçu un gros coup à l’oreille. Quand on leur disait que la Constitution interdisait ce genre de mauvais traitements, les hommes répondaient par des gifles. Puis, ils nous ont emmenés dans un trou noir, une cellule où il y avait de la chiure et de l’urine sur les murs, et énormément de moustiques.
Deux étudiants étaient asthmatiques. Or, dans le cachot, il n’y avait pas de fenêtre, donc pas d’air. Ils ont réussi à négocier avec les hommes de la DGR de ne pas passer la nuit en cellule. Ils pouvaient donc rentrer au campus pour dormir mais étaient contraints de revenir le matin pour passer la journée au cachot. Dès le deuxième jour, on leur a donné les photos que l’on avait prises avec nos portables pour qu’ils les mettent sur Internet et alertent l’extérieur de la situation.
Chacun de nous a été interrogé individuellement. Ils ont posé à chaque fois les mêmes questions : ‘De quelle ethnie êtes vous ?’, ‘Qui est derrière vous ?’. Ils voulaient savoir si on était fang, parce qu’ils pensent que nous sommes soutenus par André Mba Obame [figure de l’opposition gabonaise depuis la mort d’Omar Bongo et candidat malheureux à la présidentielle de 2009. Il est fang, l’ethnie majoritaire du Gabon que le pouvoir associe à l’opposition, NDLR]. Nous, on répondait qu’on voulait simplement revendiquer nos droits d’étudiants. Ils nous ont aussi demandé de signer un procès-verbal disant qu’on mettait fin à notre mouvement à l’université. Aucun d’entre nous n’a signé.
Mardi après-midi, j’ai commencé à me sentir très mal. Je n’arrivais pas à respirer, les mauvaises odeurs et les piqûres de moustiques m’ont fait faire un malaise [un premier étudiant avait été libéré quelques heures plus tôt souffrant, selon Edvine, de problèmes respiratoires, NDLR]. Les autres ont frappé à la porte pour qu’on vienne me chercher. Les agents m’ont sorti de là mais ils m’ont ensuite abandonné par terre pendant près d’une heure. Finalement, on m’a transporté dans une infirmerie de Gros-Bouquet [quartier de Libreville] où on m’a fait une perfusion pendant une heure et ensuite, l’agent m’a ramené au cachot. Hier, vers 15h, ils sont venus me chercher dans la cellule et m’ont libéré au motif que je devais aller me faire soigner. Mais moi, je n’ai pas d’argent pour aller à l’hôpital, je suis donc retourné au campus.
Depuis que je suis sorti, les agents de la DGR n’arrêtent pas de m’appeler sur mon portable. Ils me demandent de revenir en cellule, ils doivent avoir peur que je raconte des choses. Je ne réponds plus maintenant, mais j’ai peur qu’ils viennent me chercher à l’université. »
Leur presse (Edvine Ballack Obama avec Peggy Bruguière, journaliste à France 24, observers.france24.com, 14 juin 2012)
Gabon : libération de dix-neufs étudiants contestataires
LIBREVILLE — Les dix-neuf étudiants de l’Université Omar Bongo (UOB) de Libreville interpellés lundi sur le campus ont été libérés dans la nuit de jeudi à vendredi mais sont convoqués la semaine prochaine chez le juge d’instruction, a-t-on appris de sources concordantes vendredi.
« Nous sommes en liberté conditionnelle » a a affirmé à l’AFP Firmin Ollo, un des leaders des étudiants arrêtés.
Quatre étudiants avaient été libérés dans la journée de jeudi et les autres ont été libérés en fin de soirée.
« Ils sont accusés de trouble à l’ordre public et sont convoqués chez le juge la semaine prochaine, certains lundi d’autres mardi et mercredi », a affirmé l’avocate des étudiants, Me Gisèle Eyue Bekalé.
Ces étudiants avaient été interpellés alors qu’ils essayaient de faire cesser les cours à l’UOB. Selon un étudiant, Célestin Mito-Mito « certains des étudiants arrêtés se sont eux-mêmes constitués prisonnier ».
Les conditions de détention de ces étudiants ont été dénoncé, notamment sur les réseaux sociaux par des membres de l’opposition et de la société civile.
Leur grève a été entamée en janvier pour réclamer des bourses et la suppression d’une restriction liée à l’âge (27 ans). Depuis janvier des heurts se produisent régulièrement avec les forces de l’ordre.
Leur presse (Agence Faut Payer, 15 juin 2012)
Togo : la marche pacifique du Collectif « Sauvons le Togo » tourne au drame
Les Togolais ont massivement répondu à l’appel de marche pacifique lancé par le Collectif « Sauvons le Togo » ce mardi 12 juin. Au menu des revendications, la mise œuvre des recommandations de la Commission nationale des droits de l’Homme sur la torture, les réformes constitutionnelles et institutionnelles, la réouverture de radio X Solaire, le rétablissement dans leurs droits des neuf députés exclus.
Ils étaient plus de 100’000 à battre le pavé pour cette cause qui leur est commune, sous la fine pluie qui arrosait Lomé ce mardi matin. Cette marche suivie d’un sit-in a connu son point de chute au carrefour de Dékon à Lomé où tout semblait si bien aller au point que l’un des responsables de la Confédération syndicale des travailleurs (CST), Me Zeus Ajavon, très surpris, a déclaré : « Je sais que le divorce entre le pouvoir et les populations est profond, mais je ne savais pas que les Togolais allaient répondre aussi massivement à notre appel ».
Malgré la rencontre qui a eu lieu entre les ministres de la Sécurité et de l’Administration territoriale et les responsables du Collectif « Sauvons le Togo », malgré la sortie médiatique de ses dirigeants sur la chaîne nationale togolaise rassurant les populations que la manifestation serait encadrée conformément aux règles, tout a dégénéré lors du sit-in à Deckon, lorsque les manifestants ont été violemment dispersés par des grenades lacrymogènes, les conduisant ainsi à riposter.
« Les manifestants ont dépassé le seuil de l’admissible en agressant les forces de l’ordre », indique une source policière.
On dénombre plusieurs blessés parmi les forces de l’ordre mais aussi parmi les journalistes, ainsi que Agbéyomé Kodjo, le Président du parti politique OBUTS qui, après avoir été légèrement blessé a déclaré, « je suis sain et sauf et plus que jamais déterminé à en finir avec le despotisme archéologique qui régente la vie des Togolais. Alors que rien ne prédisposait à la résurgence de la violence, des soldats anti républicains, au service des conservateurs, ont ouvert le feu des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre les manifestants à cent mètres du Carrefour de Dékon. Poursuivi, j’ai dû me retrancher dans une maison où un soldat a eu l’outrecuidance de me poursuivre en tirant à ma suite des coups de gaz lacrymogène. Il a fallu trouver un autre refuge, et je me suis découvert des qualités d’un athlète olympique en franchissant non sans risques et blessures un mur très haut. »
Des dizaines d’autres ont été arrêtés et détenus dans les commissariats et sont privés de visite et de nourriture, d’après le communiqué du CST sorti la nuit du mardi. La pluie a cessé dans l’après midi et la nuit est tombée sur la capitale togolaise ce mardi 12 juin. Mais la détermination des manifestants est toujours intacte. Malgré les blessés et les arrestations, les manifestants se sont maintenus sur le lieu du sit-in pour la suite des manifestations jusqu’à satisfaction totale des revendications.
Ce mercredi 13 juin sera encore pour le Collectif « Sauvons le Togo », une nouvelle page de lutte pour des élections équitables et démocratiques, la mise en œuvre des recommandations de la CNDH sur la torture, la réouverture de radio X Solaire et le rétablissement dans leurs droits des neuf députés exclus.
Leur presse (Daniel Messan Koffi, Afrik.com, 13 juin 2012)
Togo : Poursuite de la répression sur fond d’accalmie relative
TOGO – LOMÉ LE 14 JUIN 2012 – Au troisième jour de la série de manifestations organisée par le Collectif « Sauvons le Togo » (CST), les jeunes sont toujours mobilisés malgré la violente répression de la veille. De leur côté, les miliciens en appui aux forces de sécurité, procèdent à des arrestations dans les quartiers chauds de la capitale.
En trois jours, l’ampleur de la violence qui a occasionné selon le CST 119 blessés et 79 arrestations, tout comme celle de la mobilisation populaire également, continue par surprendre les observateurs. Ce jeudi matin, les forces de sécurité quadrillent toute la ville. Le carrefour Deckon, lieu où le Collectif « Sauvons le Togo » a fait un sit-in de mardi à mercredi avant la violente dispersion et Bè-Gakpoto, lieu de départ de la manifestation, sont quadrillés par des gendarmes.
Les leaders du Collectif ont été empêchés de rallier Deckon où ils ont prévu de rééditer le sit-in. Mais des groupes de jeunes mobilisés, sont massés dans les environs du carrefour. Idem au niveau de Bè-Gakpoto où la mobilisation était également visible.
À Bè-Kpota, on a encore noté des fumées. Sur les rues, les manifestants n’ont pas manqué d’imaginations pour ériger des barricades.
Les forces de sécurité essaient de dégager les barricades, mais peine perdue, ils reviennent à la charge peu après.
« Nous exigeons le départ du pouvoir de Faure Gnassingbé. Ils pillent le pays avec ses amis », lance un des manifestants. « Nous demandons que les leaders nous donnent les moyens pour en découdre avec ces sauvages », renchérit un autre. « Les auteur de tortures doivent être punis », exige son collègue qui n’oublie pas non plus la fermeture de radio X Solaire. Le petit cercle de profiteurs qui privent la majorité des ressources est aussi dénoncé. Des revendications qui rejoignent celles contenues dans la plate-forme du CST.
Contrairement aux deux précédents jours, les activités commerciales ont repris dans l’ensemble.
La plupart des boutiques sont ouvertes de même que les marchés. Les voitures circulent y compris au boulevard Deckon voire dans le quartier Bè paralysés pendant deux jours. Mais dans les ruelles, la chasse aux manifestants se poursuit.
Circulant dans des véhicules banalisés, ou dans les véhicules de la Police, des miliciens et des forces de sécurité procèdent à l’arrestation des manifestants.
Le Collectif a annoncé pour demain vendredi 15 juin, un mot d’ordre « Togo mort ». Une manifestation qui sera suivie d’une autre série de marches les mardi 19 et mercredi 20 juin à Lomé. Des marches suivies de sit-in qui seront généralisées à l’ensemble du territoire national les 21, 22 et 23 juin. « Ce que nous venons de commencer, nous irons jusqu’au bout », a martelé le Pr Komi Wolou. À peine libéré la veille, le SG de la LTDH, Me Célestin Agbogan le visage tuméfié a rejoint le groupe.
Leur presse (Aghu, Koaci.com, 14 juin 2012)
Bonjour,
Superbe Travail !
Nous en voulons encore plus !!!!
Merci!
Mathieu CICHOCKI en lutte contre l’Impérialisme !