[« Antiterrorisme »] Les espions travaillent (3)

Des précisions sur la mystérieuse glace sans tain du Palais de Justice

La présidente du Tribunal de grande instance de Paris a obtenu des éclaircissements sur la salle des témoins où s’était dissimulée une policière du renseignement pour photographier le public d’un procès sans être vue.

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Le 22 mai, Les Inrocks assistaient au dernier jour du procès dit de “la mouvance anarcho-autonome francilienne” au Palais de Justice de Paris. Dans l’après-midi, un petit événement met en émoi les journalistes présents, rapidement au courant via Twitter.

Dans la salle d’audience voisine de la nôtre, la présidente Sauteraud apprend la présence d’une intruse dans sa salle des témoins. Alors que ceux-ci s’apprêtaient à se réunir, ils surprennent une femme qui prend des photos à travers la vitre. Elle shoote le “plateau correctionnel” où sont rassemblés les soutiens des supposés “anarcho-autonomes” en procès. Le soir même, le journaliste d’Owni Jean-Marc Manach raconte l’incident :

“La mystérieuse photographe expliqua qu’un gendarme l’avait faite entrer, par l’autre porte — qui donne sur un couloir du tribunal —, s’excusa, rangea son paquetage, et s’éclipsa.

Sur le moment, nous ne réalisions pas la portée de cette intrusion. Quelques minutes plus tard, un gendarme entra par la porte extérieure — celle qui donne sur le couloir, et par laquelle était sortie la mystérieuse photographe — et nous demanda gentiment s’il pouvait éteindre la lumière.

Interloqués, il nous expliqua que les grandes baies vitrées de cette salle des témoins étaient recouvertes par un miroir sans tain, et qu’il serait donc préférable d’éteindre la lumière, afin de ne pas révéler l’existence de ce miroir sans tain…”

Branle-bas de combat et articles de presse : la préfecture de Police met moins de 24 heures à admettre l’identité de la photographe, une policière de la Direction du renseignement chargée de surveiller les militants d’extrême-gauche venus ce jour-là.

Pourquoi cette salle bénéficie-t-elle d’une vue imprenable (et discrète) sur le plateau correctionnel ? Est-elle régulièrement utilisée par les services de renseignement pour observer le public des procès “sensibles” ? Pour en savoir plus, le président du Syndicat de la magistrature (classé à gauche) a envoyé un fax à la présidente du Tribunal de grande instance de Paris, Chantal Arens, le 31 mai. Demandant des explications, Matthieu Bonduelle écrit :

“Il s’agit là d’une grave atteinte aux valeurs qui doivent gouverner les missions du service public de la justice, au sein même d’un tribunal qui ne saurait devenir un lieu dédié à l’espionnage des citoyens venus assister à un procès.”

La semaine dernière, Chantal Arens a répondu après avoir mené une enquête interne. Elle précise que d’après les archives du tribunal, la salle des témoins de la 17e chambre dispose d’une “vitre fumée” (et non d’une “glace sans tain”), “installée il y a une vingtaine d’années” pour permettre aux témoins “de bénéficier de la lumière naturelle en provenance de la salle des pas perdus”. Le dispositif n’aurait donc pas été conçu pour servir de studio photo incognito…

Pour éviter toute intrusion à l’insu des autorités judiciaires, la présidente du TGI compte condamner l’un des accès à la salle des témoins, débouchant sur un couloir :

“Avec Monsieur le Procureur, nous avons décidé de remplacer cette serrure. Le seul accès désormais possible se fait à partir de la saìle d’audience, sous le contrôle du président d’audience et de l’huissier audiencier.”

Après ce mini-scandale, les fonctionnaires du renseignement devront trouver d’autres cachettes. Et, si possible, ne pas se faire prendre en flag.

Presse terroriste (Camille Polloni, LesInrocks.com, 12 juin 2012)

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