Égypte : une manifestation de femmes attaquée place Tahrir, au Caire
Des femmes manifestant contre le harcèlement sexuel sur la place Tahrir, au Caire, ont été attaquées vendredi soir par un groupe d’hommes qui ont sexuellement agressé plusieurs d’entre elles, ont indiqué des témoins à l’AFP.
Quelques dizaines de femmes, accompagnées par des hommes venus les appuyer et les protéger, avaient décidé de se rassembler sur la place pour dénoncer des agressions sexuelles récentes.
Au même moment, des milliers d’Égyptiens manifestaient pour exiger la disqualification d’Ahmad Chafiq, dernier Premier Ministre de Hosni Moubarak qui doit affronter le Frère musulman Mohammed Morsi au second tour de l’élection présidentielle la semaine prochaine.
Mais alors qu’elles traversaient la place, elles ont été attaquées par des hommes « plutôt jeunes » selon l’une d’elles.
« On marchait en rang et les volontaires qui étaient là pour nous protéger ont formé des cordons autour de nous », a raconté à l’AFP l’une des participantes, qui souhaite rester anonyme. « On avait nettement le sentiment d’une forte hostilité », a-t-elle poursuivi.
« Tout à coup, plein d’hommes se sont rués sur nous. Ça s’est passé très vite. J’ai senti une main ou deux, mais j’ai eu de la chance, un homme m’a extirpée de là très vite. Mais la plupart (des autres femmes) ont été victimes d’attouchements », a-t-elle ajouté.
« L’une de mes amies a tenté de trouver refuge dans un magasin proche, mais les hommes qui le tenaient ont baissé le rideau » en la voyant arriver, a-t-elle dit.
D’autres ont été poussées contre des grillages et ont subi des attouchements plus prolongés, tandis que les volontaires se battaient avec les agresseurs.
Nombreuses sont les femmes, Égyptiennes ou étrangères, voilées ou non, qui se plaignent d’attouchements ou de remarques obscènes au quotidien dans les lieux publics.
La question avait été médiatisée à l’étranger lorsque l’une des principales correspondantes à l’étranger de la chaîne américaine CBS, Lara Logan, a raconté avoir été victime pendant une quarantaine de minutes d’une agression sexuelle le jour de la chute de M. Moubarak le 11 février 2011, menée par 200 à 300 hommes.
Un film de l’Égyptien Mohamed Diab, Les femmes du bus 678, mettant en scène des femmes luttant contre le harcèlement sexuel en Égypte et pour la dignité des femmes est actuellement diffusé, notamment en France.
Publié par des ennemis de la révolution (Agence Faut Payer, 9 juin 2012)
Égypte : une manifestation contre le harcèlement sexuel attaquée
Des femmes qui protestaient contre les agressions sexuelles dont elles sont victimes ont été molestées. Récit.
La place Tahrir crie souvent au loup. Un signe inquiétant, un slogan bizarre, la foule s’effarouche, court sans savoir où ni pourquoi. Et très vite, les manifestants se reprennent, refluent sur les lieux pour protester d’autant plus fort que la panique a été grande. Ce sont les cavalcades de Tahrir.
Vendredi, la place n’était pas dans ses bons jours. Après quelques jours de manifestations exceptionnelles, certaines comparables à celles qui ont précédé la chute du régime, la mobilisation s’essoufflait. Dans ces moments-là, de Commune révolutionnaire, la place se transforme en marché du Temple, et beaucoup de manifestants, en badauds désœuvrés.
Pour les femmes, les petites agressions sont courantes. « C’est toujours le même schéma, explique une manifestante. Le soir, les filles se font agresser au début de la rue Mohamed-Mahmoud (théâtre des émeutes de novembre 2011, NDLR) et se font attirer dans les petites ruelles. Les agresseurs vont de plus en plus loin. » D’autant plus loin qu’ils restent impunis. Le mot était passé parmi les manifestantes : éviter le début de la rue Mohamed-Mahmoud, ne pas s’approcher des ruelles. Et continuer, pourtant, surtout, à protester contre le régime.
Chaos
Vendredi, quelques activistes avaient appelé à une mobilisation contre le harcèlement sexuel, véritable fléau en Égypte. Sally Zohney, révolutionnaire de longue date et graffeuse à ses heures, faisait partie des organisatrices : « Ça devient de pire en pire. J’ai été agressée la première fois le 8 juillet 2011. Depuis, ça n’arrête pas. On a atteint le point où les femmes sont déshabillées dans la foule. » Si les autorités laissent faire, voire participent au harcèlement, il faut montrer que les femmes ne restent pas sans réagir. L’idée est de manifester sur le lieu précis où les agressions sont les plus nombreuses.
Pendant une heure, la manifestation se déroulait normalement, malgré une hostilité palpable dans la foule très masculine, d’après une manifestante. Et vers 20 heures, alors que la rue Mohamed-Mahmoud plongeait dans l’obscurité, la mobilisation s’est transformée en marche vers l’une des artères adjacentes à Tahrir. La cinquantaine de femmes, accompagnées de solides compagnons, n’a pas même le temps d’atteindre son but. « Quelqu’un a commencé à agresser l’une d’entre nous, explique Sally Zohney. Celle-ci a répondu en giflant son agresseur et, en quelques secondes, ça a dégénéré en chaos. On a été coincées contre une barrière, battues, déshabillées. »
Espoir
Personne ne sait d’où viennent les assaillants. Les femmes sont extraites les unes après les autres de la mêlée. Sur la place, une cavalcade surprend tout le monde. Certains assurent avoir entendu des coups de feu. Probablement une fausse alerte. Quant aux agresseurs, avant même que la riposte ne s’organise, ils avaient disparu.
« Le harcèlement, c’est social… c’est politique… c’est compliqué », tranche Sally, amère le lendemain de l’agression. Mais elle ne perd pas espoir : « Il faut nous mobiliser, plus forts, plus nombreux, contre le harcèlement. Je suis sûre qu’il y aura d’autres marches contre ces agressions. » Pour les femmes de Tahrir, la meilleure défense, c’est l’attaque.
Publié par des ennemis de la révolution (Samuel Forey au Caire, LePoint.fr, 9 juin 2012)