Rwanda : des missiles qui pointent Paris
Un document, daté de 1994 et dont Libération publie la teneur, révèle la présence d’armes françaises dans l’arsenal rwandais et relance le débat sur les auteurs de l’attentat du 6 avril.
Une fois de plus, elle ressurgit : l’une des plus grandes énigmes de l’histoire récente n’en finit pas de se rappeler régulièrement à notre mémoire à coups de nouveaux éléments, indices oubliés, pistes négligées. Qui a tué le président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, lors d’un attentat spectaculaire resté non revendiqué ? Depuis dix-huit ans, cette question suscite des débats passionnés. Car même si l’attentat est le déclencheur et non la cause du génocide de la minorité tutsie, programmé de longue date, l’identité des commanditaires pèse forcément sur la lecture des événements.
Lynchage. Longtemps, c’est la thèse d’un attentat fomenté par les rebelles tutsis du FPR qui a dominé. Elle s’impose même dans les minutes qui suivent l’explosion de l’avion de Habyarimana dans le ciel de Kigali. Dès l’annonce de l’attentat, les proches du chef de l’État assassiné, sa famille et les barons du régime vont mettre en cause les rebelles et « leurs alliés naturels » au sein de la population, ainsi que les Belges, qui constituaient alors le principal contingent de Casques bleus occidentaux présents dans le pays. Résultat : après le lynchage de dix d’entre eux, les Casques bleus belges quittent le pays, livré du coup aux ultras du régime rwandais qui déciment systématiquement les Tutsis du pays. 800’000 morts en trois mois : c’est le plus fulgurant massacre jamais recensé. On comprend dès lors que l’attentat « déclencheur » suscite autant de curiosités. Et de blocages.
Hasard. C’est presque par hasard, dans le cadre d’une recherche historique, que Linda Melvern, journaliste britannique, tombe sur la fameuse liste évoquant la présence de missiles Mistral, dans les archives de l’ONU. Le document avait été adjoint et noyé au milieu d’un autre rapport. Pourquoi est-ce si important ? Parce que, depuis 1994, les anciens officiers rwandais inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda n’ont cessé d’affirmer qu’aucun des leurs ne pouvait être mêlé à cet attentat, car ils ne possédaient pas de missiles. Les autorités françaises, qui les ont trop longtemps soutenus, formés et équipés, ont suivi le même raisonnement : sans arme, pas de crime possible. Mais alors, que viennent faire ces Mistral dans les stocks de l’armée rwandaise ? Et qui savait ?
Presse complice des génocidaires (Maria Malagardis, Libération, 31 mai 2012)