Un documentaire revient sur un génocide méconnu en Namibie
Diffusé dimanche 27 mai sur France 5, Namibie : le génocide du 2e Reich relate l’histoire du massacre des Hereros et des Namas, qui présente des points communs avec la Shoah.
L’histoire est méconnue, enfouie dans les sols desséchés de Namibie. Diffusé dimanche 27 mai sur France 5, Namibie : le génocide du 2e Reich la fait ressortir de terre. En 52 minutes, ce documentaire réalisé par Anne Poiret raconte l’extermination par l’Allemagne de la moitié des Namas et des trois quarts des Hereros en Namibie, aux premières heures du XXe siècle.
Camps de concentration, trafic macabre de crânes, ordres d’extermination : de troublants points communs apparaissent avec la Shoah, et c’est l’un des intérêts du film que d’interroger les parentés entre les deux génocides. « La Shoah n’est pas une copie, mais oui, il y a bien eu une influence », dit Andreas Eckert, historien de l’université Humboldt, à Berlin, interrogé à plusieurs reprises.
Une bataille pour « l’avenir de la race blanche »
Quand, en 1904, les Hereros se rebellent contre le colonisateur allemand – présent en Namibie, le « sud-ouest africain », depuis 1884 –, ce qui commence comme un conflit colonial dégénère alors en une « bataille pour l’avenir de la race blanche ». Berlin dépêche sur place un funeste général, Lothar Von Trotha, qui rédigera cet ordre d’extermination : « À l’intérieur des frontières allemandes, chaque Herero, avec ou sans armes, avec ou sans bétail, sera abattu. Je n’accepte aucune femme, aucun enfant, qu’ils s’en aillent ou je laisserai mes hommes leur tirer dessus. »
Puis l’ordre sera levé, et les rebelles parqués dans des camps de travail. La moitié périra d’épuisement. Dans le camp de concentration de Shark Island, les Namas connaîtront le même sort. L’Allemagne ne s’arrêtera pas là : des médecins feront des études sur les crânes des victimes, les comparant avec ceux de la « race blanche » et concluant à la supériorité de cette dernière.
Ayant recours à des images d’archives ainsi qu’à des témoignages d’historiens, le film s’attache aussi au présent. Aujourd’hui en Namibie, le génocide ne fait pas l’objet d’un travail de mémoire officiel. Après la Première Guerre mondiale et la défaite allemande, le pays est devenu un protectorat sud-africain et l’est resté jusqu’en 1990.
Des excuses officielles de l’Allemagne en 2004
« Le régime d’apartheid a couvert le crime du 2e Reich », explique Anne Poiret dans le film, qui suit des descendants de victimes se débattant, souvent seuls, pour honorer la mémoire de leurs ancêtres et faire connaître le crime. Le gouvernement allemand a quant à lui présenté des excuses officielles en 2004, lors du centième anniversaire du soulèvement des Hereros.
Mais les descendants des victimes veulent plus : des réparations pour les terres confisquées à l’époque du génocide et l’identification des crânes, encore nombreux Berlin. Le film montre la restitution de vingt d’entre eux lors d’une émouvante cérémonie, en septembre 2011, dans la capitale allemande.
David Frederiks, descendant d’un chef nama décapité, fait partie la délégation namibienne : « Parmi les crânes, il n’y a pas mon ancêtre, ils n’ont pas mis de nom sur les crânes, ils n’ont pas été identifiés, déplore-t-il. Le gouvernement allemand n’en a pas fait assez. » Vieille de plus de cent ans, l’histoire n’est pas terminée.
Namibie : le génocide du 2e Reich, 52 minutes, réalisé par Anne Poiret, dimanche 27 mai, 22 heures, sur France 5.
Presse civilisatrice (Marianne Meunier, la-croix.com, 25 mai 2012)