[Mauvaises intentions] Impressions sur trois jours sur le procès des six

Pour cette première journée il y avait beaucoup de monde devant cette dixième chambre avec ce lot de gendarmes et de RG. Mais aussi pas mal de caméras globes disposées à l’entrée de ce tribunal. Le soutien entre dans la salle d’audience et les six s’installent juste devant le bureau de jugement.

D’emblée la présidente du tribunal demande à chacun d’entre eux de décliner leurs identités, ainsi de que leurs professions. Tous bénéficient du RSA ce qui fera dire à l’un des juges qu’un vrai contestataire ne doit pas dépendre de l’État. Remarque bête d’un vieux réac qui oublie volontairement que la taule annihile toute vie et toute perspective. Elle pose ensuite la question sur la reconnaissance des faits. Aucun ne les reconnaît sauf celui de rejeter la signalétique et la prise de l’ADN. Damien évoque à ce sujet que c’est un refus de principe de ne pas donner ses empreintes.

Ensuite la présidente expose les charges contre eux et il y a ce moment magique où les camarades de l’extérieur de la salle d’audience hurlent leurs rages. Elle continue de lire tandis que nous entendons « FLICS PORCS ASSASSINS » et « À BAS L’ÉTAT, LES FLICS ET LES PATRONS ». Finalement ils seront expulsés par les gendarmes. Le premier acte de cette farce judiciaire est d’inviter les camarades à venir à la barre pour se voir questionnés sur leurs vies scolaires puis professionnelles comme si on examine des bêtes de foire. Autrement dit comment dans une société aussi ouverte et tolérante des individus peuvent se soulever et contester la machine étatique. Ensuite à chaque fois la présidente les interroge sur ce que leur reproche avec pour certains les raisons pour laquelle on refuse à un moment de se soumettre à un contrôle judiciaire, ces juges ne comprennent pas bien sûr qu’on puisse refuser d’être pisté et surveillé et avoir l’envie d’être LIBRE. Encore une fois le même juge fait une remarque débile à Bruno sur le sens d’être contestataire et d’accepter un contrôle judiciaire puis de le refuser. Autre interrogation de la part de la présidente est d’écrire des lettres (elle les lit intégralement) et de les poster sur le site Indymedia. Visiblement cela la tracasse de procéder ainsi, surement pour elle Indy est la version médiatique de la mouvance anarcho autonome comme Al Jazzera pour Al Quaida !

Bruno, Ivan et Damien réfutent l’intention de fabriquer des explosifs car pour eux ils voulaient simplement d’élaborer un fumigène. D’ailleurs un rapport d’expertise confirme que le mélange effectué n’était pas suffisamment dosé. Et les clous trouvés sur eux devaient servir à les poser sur le bitume afin d’emmerder les bagnoles sur le trajet de la manif contre le CRA de Vincennes.

Tous réfutent le terme inventé par les flics et les médias de « mouvance anarcho autonome francilienne ». La présidente estime même que personne ne peut définir ce terme apparu dans la presse et notamment dans le Parisien dont des articles sont cités durant cette audience.

Aux questions de la présidente du tribunal Franck préfère évoquer les conditions de son isolement carcéral à la DCRI. Au moment où il franchit le seuil de cette agence, un espion s’exclame : « Bienvenue à Guantánamo ». Il décrit l’isolement sensoriel et la lumière allumée toute la nuit. La magistrate explique qu’il aurait dit qu’il était communiste… normal on retrouve chez lui de la documentation sur le nouveau parti communiste italien (en gros il est interdit de s’informer sous peine d’être catalogué). Une telle conscience politique rend perplexe la questionneuse. Elle le demandera aux autres camarades : pourquoi ne vous êtes pas engager à Amnesty International ou au Samu Social… Poser ce genre de question relève soit de l’ignorance soit de la provocation.

Elle évoque ensuite le fameux frigo de Franck et ses autocollants sur AD, Georges Ibrahim Abdallah et l’EZLN (qui pour elle est un mouvement basque !). Ah ! Si vous aimez la violence comme c’est ses photos retrouvées sur la révolte en Grèce c’est que vous avez un comportement potentiellement à risque. D’ailleurs on retrouve chez lui un texte en arabe évoquant la guerre civile algérienne, ce qui fera dire au traducteur sensé être impartial qu’il est proche du FIS ! Le procureur en rajoute une couche en disant qu’à la DCRI les conditions décrites de la GAV relèvent du fantasme et se demande comment on peut soutenir les prisonniers d’AD (qui ont commis paraît-il sept meurtres) et Georges Ibrahim Abdallah sans avoir quelques dispositions à la violence.

À Inès, ce sont toujours les mêmes questions. La questionneuse pousse la provocation pour dire que de la prise de l’ADN est utile dans les cas de viol. À la fin de cette deuxième journée d’audience, Ivan explique sa consultation de site internet militant et la présidente de s’interroger : mais pourquoi ne pas créer son site pour que vous puissiez exprimer vos opinions. Et pour mieux vous surveiller accessoirement.

La troisième journée débute par l’interrogatoire de Javier. Dans son sac au moment de son arrestation les flics découvrent le livre De mémoire de Jann Marc Rouillan. Encore des mauvaises intentions… Le camarade se défend précisément sur la prise supposée de son ADN et sa fragilité scientifique comme moyen de preuve. Il refuse tout net évoquer la moindre idée politique car il rejette son implication dans les faits reprochés. Il s’insurge sur son inscription comme militant de la fantomatique MAAF dans le fichier des RG et estime que ce tribunal les a déjà condamné. Le juge hargneux s’agace en lui disant qu’il est désinvolte !

L’audience finit par la fastidieuse lecture de rapport de RG sur les agissements dans les manifs et autres des « anars automnes » depuis 2006 ! Toujours cette volonté de créer un lien terroriste d’une supposée nébuleuse.

Indymedia Paris, 22 mai 2012

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