Le conflit étudiant a fait des centaines d’éclopés
En trois mois, la grève étudiante aurait fait plusieurs centaines d’éclopés. Si la plupart n’ont subi que des ecchymoses, des éraflures ou des irritations aux yeux, certains garderont à jamais des séquelles du conflit.
« Je n’ai jamais vu autant de blessés dans un mouvement de contestation au Québec », affirme l’avocat Alain Arsenault, spécialiste des cas de brutalité policière.
Bien que le bilan des blessés soit imprécis, il reste particulièrement lourd. Une équipe d’infirmiers bénévoles affirme avoir fait quelque 400 interventions seulement lors de l’émeute de Victoriaville, vendredi soir, dont près de 200 pour traiter des gens incommodés par les gaz. La Sûreté du Québec dénombre pour sa part 12 blessés graves, 6 dans son camp et 6 dans celui des manifestants, dont 4 ont été hospitalisés. Parmi ceux-ci : Maxence Valade, 20 ans, élève au cégep de Saint-Laurent, qui a perdu l’usage d’un œil et subi une opération de huit heures après avoir reçu un projectile au visage, et Alexandre Allard, 20 ans, étudiant à l’Université Laval, dont on a craint pour la vie à la suite d’un traumatisme crânien causé par un projectile.
« Ce que j’ai vu était horrifiant », dit l’infirmière Sophie Vallée-Desbiens, 32 ans, membre du groupe Infirmières contre la hausse, visiblement secouée de son week-end militant. « J’ai travaillé aux urgences et en Afrique et, en huit ans de carrière, je n’ai jamais vu chose pareille. » Son équipe d’une dizaine de premiers répondants et elle ont traité des centaines de personnes durant les trois heures de l’émeute. S’ils ont vu beaucoup de cas de brûlures aux yeux et à la peau à cause du gaz poivre et aidé de nombreux manifestants en panique, ils ont aussi secouru des gens qui ont eu les dents fracassées par des projectiles et d’autres qui s’étaient foulé une cheville, voire fracturé une jambe, en essayant de se sauver du chaos.
Choc post-traumatique
« J’ai vu le plus gros hématome fémoral de ma vie », raconte la professionnelle, qui affirme que ses collègues et elle ont perdu le sommeil depuis les événements. « Heureusement, la blessure était interne. Sinon, on perdait le patient. Je n’ai jamais eu aussi hâte qu’une ambulance arrive. » Selon elle, plusieurs personnes souffrent d’un choc post-traumatique.
À Montréal, où la majorité des 180 manifestations ont été pacifiques, la police de Montréal (SPVM) compte 25 policiers blessés en 84 jours. Huit sont toujours sur le carreau. « C’est sans compter les ecchymoses, qui ne sont généralement pas signalées », note le porte-parole de la police, Ian Lafrenière. La plupart des blessures infligées aux agents de la paix ont été provoquées par des projectiles lancés par les manifestants, dont des balles de golf, des billes, des morceaux d’asphalte ou de métal et des pierres. On compte des blessures aux mains et au visage et une fracture, entre autres. « C’est très exigeant pour nos policiers, dit le porte-parole. Est-ce qu’ils sont fatigués ? Oui. Mais ils sont toujours aussi professionnels », promet-il.
Le SPVM ne comptabilise pas le nombre de blessés chez les protestataires. « Le nombre de transports en ambulance ne reflète pas la situation puisque plusieurs se rendent chez le médecin par leurs propres moyens ou n’y vont pas », explique Ian Lafrenière.
Selon des estimations d’Urgences-Santé, les ambulanciers ont évalué 70 personnes, dont 30 policiers, et 30 personnes ont été transportées à l’hôpital. Seulement lors de la protestation qui a dégénéré au Palais des congrès, le 20 avril, 18 personnes ont reçu de l’assistance et 10 sont parties en ambulance.
Selon la CLASSE, il y aurait des blessés chaque fois que l’escouade antiémeute intervient, soit une soixantaine jusqu’ici, sans compter les blessures mineures comme les ecchymoses, les égratignures et les problèmes respiratoires dus aux gaz. On parle de fractures, notamment aux côtes, et de blessures au dos.
C’est aussi sans compter le cas de Francis Grenier, ce cégépien qui, comme Maxence Valade, a pratiquement perdu l’usage d’un œil après qu’une grenade assourdissante lui eut explosé en plein visage.
Un autre étudiant, Gabriel Duschesneau, de l’UQAM, affirme avoir subi un traumatisme crânien après avoir reçu des coups de matraque lors de la manifestation anticapitaliste du 1er mai. Il a des points de suture à l’arrière de la tête.
En chiffres
• 184 Nombre de manifestations depuis le début de la grève étudiante à Montréal.
• 84 Nombre de jours consécutifs lors desquels les étudiants montréalais et ceux qui les soutiennent ont manifesté.
• 419 Nombre total d’arrestations par la police de Montréal depuis le début de la grève ; 276 pour des infractions à des règlements municipaux et 155 infractions criminelles.
Leur presse (Gabrielle Duchaine, LaPresse.ca, 8 mai 2012)
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