« Ces croix sont des signes de torture dans un espace de liberté »

Condamné, le scieur de croix ne désarme pas

Le Tribunal condamne Patrick Bussard pour atteinte à la liberté de croyance. Il écope de 90 jours-amendes avec sursis et de 500 francs d’amende. Le guide de montagne dit ne pas être touché par le verdict. Et compte faire recours.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1336769158.jpgÀ l’heure de la sentence, Patrick Bussard n’a pas bronché. Comme si cette affaire qui date d’il y a plus de deux ans ne le concernait plus. Et pour tout commentaire face à cette presse qu’il a régulièrement sollicitée, le guide de montagne de 49 ans a dit ne pas être touché par ce verdict rendu par la « justice des hommes ».

Le juge de police, Philippe Valet, a été peu sensible à ses arguments. Au final, il suit – presque en tous points – la peine réclamée par le Ministère public, soit 90 jours-amendes avec un sursis de trois ans et une amende de 500 francs (au lieu des 1000 francs demandés).

Une sanction modérée sur le plan matériel si l’on sait que le jour-amende a été fixé à 10 francs, soit le minimum. Ce jugement représente néanmoins une défaite pour Patrick Bussard qui, avant le procès, espérait l’acquittement.

Le guide de montagne l’a répété hier matin : en profanant trois croix de montagne entre octobre 2009 et le printemps 2010, il ne cherchait qu’à ouvrir le débat. « Ces croix me dérangent au sommet des montagnes, ce sont des signes de torture dans un espace de liberté. » Il promet cependant de ne plus recommencer : « Le débat sur les croix ayant eu lieu, mon objectif est atteint et je suis passé à autre chose. » Ce qui ne veut pas dire qu’il baisse les bras pour ce qui est de son procès.

« Je voulais en coucher une »

Des faits, il ne conteste rien. Oui, il a maltraité la croix du Vanil-Noir, oui, il a arraché et jeté la boîte aux lettres accrochée à la croix de la Dent-de-Broc, oui, il a scié la croix des Merlas. « Je voulais en coucher une », précise-t-il au sujet de ce dernier méfait. En termes de dommages à la propriété, Patrick Bussard ne risquait de toute manière rien, les trois plaintes déposées ayant été écartées.

Restait une question à élucider : a-t-il oui ou non porté atteinte à la liberté des croyances et des cultes ? Durant sa plaidoirie, son avocat, Me Jean Lob a fondé sa défense sur des jugements rendus par la Cour européenne des droits de l’homme et le Tribunal fédéral. Les deux instances judiciaires avaient en effet prononcé il y a quelques années le retrait de crucifix dans des salles de classe.

« Vils » et « méchants »

Un argumentaire qui n’a pas fait mouche, le juge de police estimant que les deux situations ne pouvaient être comparées. En rendant son verdict, Philippe Valet a insisté sur le fait qu’il a heurté en connaissance de cause la sensibilité de nombreuses personnes, croyantes ou pas. Il a aussi argué que les croix de montagne représentent bel est bien des « objets de la vénération religieuse, même si elles sont peu utilisées à cet effet » et que les actes de Patrick Bussard sont « vils » et « méchants » au sens de la loi.

Un verdict qui satisfait Fabien Gasser, représentant du Ministère public. Hier, le procureur général n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, s’en prenant vertement à l’accusé. Il a soulevé nombre d’interrogations : s’il voulait créer le débat sur la place publique, pourquoi a-t-il attendu d’être arrêté par la police ? Pourquoi a-t-il récidivé à deux reprises alors qu’il avait pu se rendre compte de l’émoi qu’il a créé à la lecture d’un article de La Gruyère qui faisait état de la profanation au Vanil-Noir ? Et pourquoi a-t-il arraché la boîte métallique à la Dent-de-Broc, si c’est au symbole religieux qu’il en voulait ?

« Il se présente comme un prophète de la laïcité, mais c’est un vandale qui a heurté beaucoup de monde. Il s’agit d’actes imbéciles et gratuits. Il commet un acte de destruction pour provoquer son pseudo-débat. »

Et de lancer, à l’adresse du juge : « Je vous laisse le soin de remettre l’église au milieu du village. » Fabien Gasser a été entendu.

Un recours à l’horizon

Mais foin de défaitisme pour le clan Bussard. Me Lob est prêt à repartir au combat. Personnage haut en couleur que cet avocat qui, malgré ses 84 ans, possède une énergie et une rhétorique hors-norme. « Je pense que nous ferons appel de cette décision », prévient-il. Il n’en démord pas : « Les symboles religieux n’ont pas leur place dans des espaces de liberté comme la montagne. »

Leur presse (Jérôme Gachet, LaGruyere.ch, 9 mai 2012)


Le scieur de croix obtient le sursis

Le scieur de croix des Préalpes fribourgeoises a obtenu le sursis. Il a été reconnu coupable d’atteinte à la liberté de croyance et des cultes.

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Le guide de montagne ayant vandalisé trois croix érigées sur des sommets des Préalpes fribourgeoises a écopé mercredi à Bulle (FR) de 90 jours-amende avec sursis pendant trois ans.

Le guide de montagne est bien décidé à ne pas récidiver. Aussi bien en audience qu’à l’issue de la lecture du jugement, il a déclaré qu’il avait atteint son but qui consistait à provoquer un débat sur la question. « J’ai passé à autre chose », mais il n’a pas précisé quoi.

Devant la presse, il a dit ne pas avoir de regrets. Son défenseur Me Jean Lob, qui a plaidé l’acquittement, envisage de déposer recours contre le jugement.

Pour mémoire, le guide de montagne s’en est pris à ces trois croix entre octobre 2009 et le printemps 2010. Identifié en mars 2010, il a reconnu les faits au cours de trois audiences successives en mars, avril et juin 2010.

Selon lui, son objectif était de lancer le débat sur la présence de ces croix sur les sommets des montagnes. À son avis, l’Église n’a pas à imposer ses objets de culte. La montagne doit rester un espace de liberté partagé entre tous.

Motivation jugée pas crédible

Sa motivation n’a pas convaincu le Ministère public. Pour le procureur général Fabien Gasser, ces actes étaient « imbéciles et gratuits ». Le guide s’est retrouvé seul après une séparation : « il a cherché et trouvé quelque chose pour détourner son ressentiment ».

Le guide semble avoir vécu plusieurs déboires. Après un accident de montagne en août dernier, il s’est retrouvé à 50 % à l’assurance. Il habite actuellement sur un bateau, après avoir vendu son chalet.

En motivant brièvement son jugement, le juge de police de la Gruyère Philippe Vallet a largement suivi le Ministère public et douté de la motivation du guide, qu’il n’a pas trouvé crédible. Un article de presse paru peu après la découverte de la première croix vandalisée a fait état de l’émotion que cet acte a provoquée. Mais cette situation n’a pas empêché l’homme de récidiver par deux fois.

« Il n’a pas revendiqué ses gestes » et il n’a présenté une motivation que lorsqu’il a été attrapé, a encore dit Philippe Vallet. Si le débat lui importait tellement, il n’aurait pas passé aussi rapidement à autre chose, selon lui.

Les croix vandalisées ont été remises en état depuis. La Jeunesse d’Estavannens a reconstruit la croix des Merlas. Les jeunes de la section gruérienne du Club alpin suisse se sont chargés de réparer celle du Vanil-Noir. Pour la 3e croix, seule la boîte à messages avait été arrachée.

Plaintes retirées ou irrecevables

Dans un premier temps, l’homme devait aussi répondre de dommages à la propriété. Deux plaignants — le conseil de paroisse de Broc et la société de jeunesse d’Estavannens — ont été écartés de la procédure car ils n’étaient pas effectivement propriétaires des croix.

Pro Natura était elle bien propriétaire de la croix du Vanil-Noir, mais a préféré retirer sa plainte suite à un arrangement extra-judiciaire avec le guide de montagne. Le prévenu a dédommagé l’organisation environnementale à raison d’un peu plus de 1000 francs.

Leur presse (ats, 9 mai 2012)

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