Une étudiante de l’Université Laval blessée en plein visage à Victoriaville
(Québec) Une étudiante de l’Université Laval qui a été blessée au visage à la manifestation de Victoriaville, Dominique Laliberté, demande à la Sûreté du Québec (SQ) de ne plus utiliser les balles de caoutchouc afin de contrôler les foules.
La jeune femme de 20 ans a fort probablement reçu un tel projectile au visage, vendredi, quelques minutes après le début des affrontements entre policiers et casseurs.
L’impact lui a causé une multiple fracture de la mâchoire et elle a perdu plusieurs dents. L’étudiante en études littéraires en grève depuis 13 semaines a d’ailleurs subi une intervention chirurgicale au cours de la fin de semaine, à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec, afin de lui fixer des plaques et des vis sur la zone blessée.
« Je pense pas que ces balles-là ont leur place », a soutenu la jeune femme, un peu plus de 24 heures après avoir reçu son congé de l’hôpital. « C’est hyperdangereux. Ça change une vie. »
« J’étais tellement loin, je peux pas comprendre comment ç’a pu se rendre jusqu’à moi, a-t-elle ajouté plus tard. C’est ça qui est aberrant. »
Elle et son ami Pierre Léveillé s’éloignaient du grabuge, en raison de l’utilisation par les policiers des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, quand elle a été atteinte au visage. Un témoin a dit à Pierre que c’était un bâton cinétique qui avait touché la jeune femme. D’ailleurs, c’est le seul débris qui traînait sur le sol à proximité de Dominique à ce moment-là, affirme Pierre.
Pierre assure que lui et son amie se trouvaient à au moins 200 ou 300 mètres des confrontations quand l’impact a eu lieu. D’où ils se trouvaient, il leur était impossible de différencier les policiers des casseurs à travers les gaz.
Les deux amis s’étaient rendus à Victoriaville pour exprimer leur désaccord sur la hausse des droits de scolarité, mais jamais ils n’ont eu l’intention d’affronter les forces de l’ordre. Ils se trouvaient avec une foule de manifestants, près du Centre des congrès de Victoriaville, quand l’émeute a débuté. Les deux amis se sont immédiatement éloignés, mais cela n’aurait pas suffi pour éviter cette blessure qui forcera cette talentueuse joueuse de rugby du Club de rugby Québec et du Rouge et Or de l’Université Laval au repos complet pour les prochains mois.
« Je suis la personne la plus pacifique au monde, c’est n’importe quoi ! » a lancé Dominique, visiblement dégoûtée de ce qui lui arrive.
Son ami Pierre, un étudiant en affaires publiques et relations internationales à l’Université Laval, compte faire circuler une pétition visant à convaincre les autorités policières de ne plus utiliser les bâtons cinétiques.
En plus de voir son été chamboulé, l’étudiante devra aussi se faire poser des implants dentaires, afin de remplacer les dents qu’elle a perdues. Une facture de 10’000 $ au bas mot pour les parents, qui tenteront d’obtenir un dédommagement financier pour leur fille du programme d’indemnisation des victimes d’actes criminels.
Dominique doit d’ailleurs rencontrer des enquêteurs de la SQ, aujourd’hui, afin de leur raconter les circonstances dans lesquelles elle a été blessée.
Leur presse (Matthieu Boivin, Le Soleil, 9 mai 2012)
Émeute à Victoriaville : d’autres voix demandent une enquête publique
D’autres voix s’élèvent pour demander une enquête publique sur l’intervention policière lors de l’émeute qui a eu lieu à Victoriaville vendredi dernier. La Ligue des droits et libertés, les organisateurs de la manifestation et des infirmières qui ont soigné des blessés sur le terrain se questionnent sur le travail de la Sûreté du Québec.
Selon les intervenants, les policiers étaient mal préparés à la présence de milliers de manifestants devant le centre des congrès, ce qui a contribué à l’escalade de violence. En conférence de presse, ils ont dénoncé le fait que la plupart des manifestants n’ont pas entendu l’avis d’attroupement illégal, qu’une trop grande quantité de gaz irritant a été utilisée et que des balles de plastique ont été tirées lors de cette intervention.
« Plusieurs témoignages nous indiquent que ces balles ont été tirées à travers des gaz lacrymogènes. Quand on entend que ces projectiles ne doivent pas être lancés sur la tête ou sur des organes vitaux, comment peut-on s’assurer de ne pas cibler ces parties du corps à travers un nuage de gaz ? » a dit Jeanne Reynolds, porte-parole de la CLASSE, qui demande aussi une commission d’enquête publique. Plus tôt en journée, le Parti québécois et Québec solidaire ont aussi fait cette demande.
La CLASSE a d’ailleurs présenté une vidéo qui pourrait laisser croire que c’est une balle de plastique qui a été tirée en direction d’Alexandre Allard, cet étudiant qui a frôlé la mort vendredi. Sur les images, un policier pointe une arme vers lui tandis qu’un autre le montre du doigt. La caméra se déplace une seconde et, lorsqu’elle revient sur M. Allard, le jeune homme est étendu au sol, inconscient, une plaie près de l’oreille.
L’une des organisatrices de la manifestation, Johanne Nasstrom, de la Coalition des tables régionales d’organismes communautaires, trouve que les policiers ont manqué de communication avant et après les dérapages. « J’ai demandé aux manifestants et aux policiers qui se faisaient face de laisser passer une ambulance puisqu’il y avait un blessé grave. Les manifestants se sont écartés, mais un des policiers m’a visée de son fusil, et un autre a enlevé son casque et m’a répondu : « Tu as juste à l’emmener ici, ton malade » », a-t-elle raconté, encore ébranlée.
Journalistes hués
Des journalistes ont posé des questions qui ont déplu aux personnes qui assistaient à la conférence de presse. Certains, accusés de défendre le travail de la police, ont même été hués lorsqu’ils ont tenté de prendre la parole.
La Ligue des droits et libertés a d’ailleurs été la seule à déplorer que des manifestants aient lancé des boules de billard, des briques et des morceaux d’asphalte aux policiers.
« C’est clair, pour nous, que la liberté d’expression ne comprend pas le droit de commettre des délits et des infractions. Des manifestants dans certaines circonstances peuvent effectivement commettre des actes qui sont répréhensibles. Ils en portent la responsabilité. Mais on ne peut pas ensuite brimer les droits de l’ensemble des manifestants qui sont pour l’ensemble pacifiques », a dit Dominique Peschard, président de la Ligue.
Leur presse (Émilie Bilodeau, LaPresse.ca, 9 mai 2012)
La 16e manif nocturne s’est déroulée dans le calme
À part quelques œufs lancés aux policiers, la 16e manifestation étudiante nocturne s’est déroulée sans heurt, mercredi soir.
Elle a aussi attiré moins de manifestants que lors des marches des dernières semaines. Ce sont moins de 1000 protestataires qui, comme chaque soir, se sont réunis à la place Émilie-Gamelin, vers 20h30. Ils se sont mis en route à 21h.
Les opposants à la hausse des droits de scolarité rencontrés durant l’événement sont convaincus que le mouvement ne s’essouffle pas.
« Il y a encore plusieurs actions qui s’organisent. Vendredi, il y aura même une nuit blanche », dit Julie Potvin, une jeune femme qui a terminé ses études en 2009. Son ami, Hugo Bonin, affirme que beaucoup de gens s’ajoutent à la foule en cours de manifestation.
« Nous sommes toujours aussi déterminés. Il n’y a qu’à regarder l’offre qui est rejetée dans toutes les assemblées générales », dit Damien Wand, un étudiant à l’UQAM.
Le cortège s’est arrêté, comme d’habitude, à son point de départ après plusieurs heures de marche. Il était passé 23h30. Une centaine de manifestants ont suivi le groupe jusqu’à la toute fin après avoir zigzagué dans les rues du centre-ville.
Leur presse (Émilie Bilodeau et Gabrielle Duchaine, LaPresse.ca, 9 mai 2012)