[Copwatch] La police nous filme ? Filmons la police !

Chelles : des caméras sur les policiers municipaux

La police municipale de Chelles teste des minicaméras portatives sur ses agents. Le but : filmer leurs interventions et utiliser les enregistrements devant la justice en cas de litige.

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Chelles, hier. Sylvain, chef de brigade à la police municipale, porte, sur son plastron, la caméra qui lui sert à filmer ses interventions.

« On nous parle de plus en plus mal… » Triste constat dressé par un gardien de la police municipale à Chelles, laquelle est peut-être en train de trouver un remède en testant deux minicaméras portatives sur ses agents. Un équipement rare en Ile-de-France (lire ci-dessous) et une première en Seine-et-Marne. « Ce sont des engins miniaturisés fixés sur la tenue de l’agent qui enregistrent son et images pendant quatre à cinq heures », détaille Michel Dupuy, le patron de la police municipale.

Les enregistrements effectués peuvent d’ailleurs servir devant la justice en cas de poursuite, du côté des forces de l’ordre ou des particuliers filmés.

Tous les agents pourraient être équipés d’ici à cet automne

« Cela permet de calmer les gens quand il y a une intervention qui tourne au vinaigre : quand ils se savent filmés, la tension redescend très rapidement », résume Michel Dupuy. C’est également le moyen de s’assurer des agents exemplaires. « Les propos de nos agents sont également enregistrés, mais j’estime que si nous faisons correctement notre travail, nous n’avons rien à cacher ! »

Jean-Paul Planchou, le maire socialiste de Chelles, espère pouvoir pérenniser le concept. « Les résultats sont probants et les remontées des agents sont positives, estime-t-il. Si cela se confirme, je pense que nous pourrons proposer au conseil municipal d’équiper tous nos agents d’ici à l’automne. » Pour autant, le choix du fournisseur n’est pas encore fixé. « Nous allons voir si on peut tester d’autres matériels, car il y a des techniques différentes », précise Michel Dupuy. Si l’équipement vient à être définitivement adopté par la police municipale de Chelles, il viendra compléter un arsenal technologique déjà riche : géolocalisation des véhicules, enregistrement des appels au poste, flash-balls et bientôt des caméras embarquées sur les voitures.

« La moindre des choses c’est de nous prévenir »
MALIKA une Chelloise filmée par les policiers

Hier, 14 heures, au poste de police municipale : Sylvain, chef de brigade, accompagné de Patricia et de Serge, deux agents, embarquent dans un véhicule sérigraphié pour patrouiller dans la ville. Sur le plastron du gradé : la fameuse minicaméra, enveloppée dans du tissu bleu marine et dont l’objectif est à peine visible.

14h10. Personne ne remarque la caméra. « Une habitante nous a signalé que des véhicules stationnaient souvent devant chez elle et l’empêchaient de sortir sa voiture du garage », annonce Sylvain en lisant son ordre de mission de l’après-midi. Problème : sa fille est handicapée et doit sortir régulièrement. La discussion s’engage : les trois agents doivent trouver une solution pour empêcher que le stationnement ne devienne sauvage dans cette rue. Le travail habituel des policiers… sauf que tout est filmé. Sans rien dire, Sylvain a appuyé sur le petit bouton rouge de sa caméra. « Il y a une caméra ? Je n’avais même pas remarqué ! s’exclame la Chelloise. Cela ne me dérange absolument pas. »

14h55. « Ça peut se retourner contre eux. » Dans une rue non loin du centre-ville, des trottoirs sont en train d’être goudronnés. Or, une bonne dizaine de voitures mal stationnées et gênantes pour leurs travaux ont été signalées par les ouvriers. Les trois policiers doivent appeler les propriétaires des véhicules pour leur demander de les bouger. « Allez, j’allume la caméra », annonce Sylvain en sortant de la voiture sérigraphiée. « Un arrêté municipal temporaire interdit de se garer ici pendant la durée du chantier », expliquent les policiers en sonnant aux portes. « J’aurais aimé qu’ils me préviennent que tout est filmé », s’agace Claude, un riverain. « Si je reçois un PV pour avoir été garé ici durant les travaux, son engin va se retourner contre lui : car il m’a bien dit que je ne serai pas verbalisé ! »

15h45. L’engin agace. « Dans la mesure où vous prenez la liberté de filmer les gens, la moindre des choses est de nous prévenir ! » La caméra agace Malika, l’une des riveraines qui a aussi dû changer sa voiture d’emplacement. « Il n’y a pas de cadre légal précis qui nous oblige à vous dire qu’on filme », répond Sylvain calmement. « Mais où est l’égalité des armes dans ce cas-là ? Moi, je ne vous filme pas ! » lance la Chelloise. « Vous savez, nous aussi nous sommes très régulièrement filmés par les gens lors de nos interventions, notamment par les jeunes avec des téléphones portables », tente Sylvain. Qui glisse ensuite qu’un « long travail pédagogique s’annonce ».

« Cela n’attire pas les communes difficiles »
DAMIEN TRIVINI patron d’une entreprise qui vend ce type de caméra

« On s’est mis sur ce créneau à la fin de l’année dernière », explique Damien Trivini, le patron de Maxi Avenue, une entreprise spécialisée dans l’équipement automobile pour les professionnels et les forces de l’ordre. « Ce n’est pas un gadget, car l’armée utilise ce matériel qui est étanche et permet une bonne qualité d’image et de son. Mais je pense que les caméras pour voiture ont plus d’avenir. » Outre Chelles, l’entreprise a vendu pour des tests une caméra à deux communes, l’une dans les Yvelines et l’autre dans le Val-d’Oise, sans en préciser les noms. « Pour l’instant, nous n’avons équipé aucun effectif complet. Et ça n’attire pas du tout la police municipale des secteurs plus difficiles, notamment la Seine-Saint-Denis, avoue-t-on chez Maxi Avenue. Certains expliquent qu’ils ne souhaitent pas enregistrer ce qu’ils font. » En revanche, la police nationale du 93 a choisi d’équiper certains de ses effectifs avec ce type de matériel. Coût d’une caméra comme celle testée à Chelles : 750 €, taxe comprise.

Leur presse (Thomas Poupeau, LeParisien.fr, 10 mai 2012)

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