Sarkozy crée in extremis un nouveau fichier de police
Cet inventaire commun à la police et la gendarmerie recensera les antécédents judiciaires des Français, contre l’avis de la Cnil.
Quelques heures avant la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, son fidèle ministère de l’Intérieur Claude Guéant a créé par décret un énorme fichier commun à la police et la gendarmerie. Un fichage qui devrait concerner près la moitié de la population française, selon Owni.
Ce fichier porte sur les « antécédents judiciaires ». Objectif : « fournir aux enquêteurs de la police et de la gendarmerie ainsi que de la douane judiciaire une aide à l’enquête, afin de faciliter la constatation des infractions, le rassemblement des preuves et la recherche de leur auteur », selon le décret paru au Journal officiel le dimanche 6 mai.
Prévu dans le cadre de la Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), il doit ainsi mutualiser le STIC de la police nationale et le JUDEX de la gendarmerie d’ici le 31 décembre 2013. Les auteurs comme les victimes des délits seront recensés.
Le fichier compilera toutes les infractions, de la contravention pour excès de vitesse à l’infraction « contre les personnes » ou l’atteinte « à la paix publique ». Les données seront conservées pendant cinq ans pour les contraventions, et jusqu’à 40 ans pour les délits les plus importants.
« Des risques importants pour les libertés individuelles »
Le site PC Inpact parle déjà d’un « super fichier » pour cet « inventaire » qui contiendra nom, adresse, sexe, date et lieu de naissance, voire dans certains cas, « les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuse ou l’appartenance syndicale des personnes, ou [des données] relatives à la santé ou à la vie sexuelle ».
À noter que, pour la première fois, le fichier recensera des données biométriques (des photographies) permettant la reconnaissance faciale. Un point dénoncé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) :
« Cette fonctionnalité d’identification des personnes, à partir de l’analyse biométrique de la morphologie de leur visage, présente des risques importants pour les libertés individuelles, notamment dans le contexte actuel de multiplication du nombre des systèmes de vidéo-protection. »
Dès 2009, la Cnil a émis des réserves sur un tel fichier d’antécédents judiciaires, craignant de nombreuses inexactitudes pouvant porter préjudice. « L’absence de mise à jour soulève des interrogations. Elle signifie que des informations peuvent être enregistrées dans le fichier sans être pertinentes », souligne la Commission. De quoi craindre des enquêtes orientées, voire des problèmes lors d’enquêtes administratives de moralité lors d’embauche dans la fonction publique.
Leur presse (Boris Manenti, obsession.nouvelobs.com, 9 mai 2012)