Fin du nucléaire au Japon

Japon : coupure du nucléaire provisoire

Le Japon sera sans énergie nucléaire à partir de demain lorsque le dernier réacteur en service sera arrêté pour maintenance, une situation intenable pour les opérateurs électriques du pays qui demandent le redémarrage de leurs réacteurs pour éviter la pénurie de courant pendant l’été.

Un seul des 50 réacteurs du Japon est actuellement en marche — à la centrale de Tomari, dans le Hokkaïdo (extrême nord) — mais il doit être arrêté pour une session d’entretien de routine.

Les agents de la centrale devraient actionner la barre de contrôle du réacteur 3 samedi vers 17H00 locales (08H00 GMT) pour une extinction complète prévue dans la soirée, a précisé un porte-parole de l’électricien régional Hokkaido Electric Power Co.

Le travail de maintenance devrait prendre un peu plus de 70 jours, au terme duquel l’opérateur espère pouvoir redémarrer le réacteur.

Mais cette hypothèse reste très incertaine. Aucun des réacteurs arrêtés pour inspection après le désastre de la centrale de Fukushima, dont quatre des six réacteurs ont été saccagés par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, n’a été relancé depuis.

Avant l’accident, le Japon disposait d’une capacité de production nucléaire couvrant de 25 à 30% de ses besoins en électricité.

Une douzaine d’unités ont été stoppées sine die et toutes celles qui étaient déjà arrêtées ou ont été mises en maintenance depuis n’ont pas pu redémarrer en raison des nouvelles conditions de sécurité imposées.

Leur presse (Agence Faut Payer, 4 mai 2012)


Contre le redémarrage des réacteurs japonais…

Samedi 5 mai, la Compagnie d’électricité de Hokkaido va engager le processus d’arrêt du réacteur nucléaire numéro 3 — le dernier en service au Japon — de la centrale de Tomari. Pour la première fois depuis 42 ans et alors que la situation à la centrale de Fukushima reste plus que jamais précaire, l’archipel s’éclairera — sans véritable problème — avec un courant non produit par cette source d’énergie.

Difficile de dire combien de temps cela va durer. Le gouvernement souhaite relancer deux réacteurs appartenant à la Compagnie d’électricité du Kansai qui affirme que, sans eux, elle ne pourra pas répondre à la demande cette été. Un argument contesté par beaucoup, des ONG antinucléaires à certains responsables politiques, comme le maire d’Osaka Toru Hashimoto.

M. Hashimoto, 43 ans, donne ainsi une résonance au mouvement antinucléaire dont il a bien besoin, tant la majorité des médias nippons reste discrète sur leurs revendications. Ainsi, c’est dans une certaine indifférence que les « occupants » de la « tent-hiroba » installée devant le ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (METI) depuis septembre 2011 poursuivent inlassablement leur mouvement malgré les tentatives de la police de les déloger et les harcèlements récurrents de l’extrême-droite.

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La "Tent-hiroba" le 26 avril 2012

À ce sujet, l’une des figures de la contestation antinucléaire, le militant Ryota Sono (portrait à lire ici et son blog là), a été arrêté le 9 février alors qu’il manifestait en faveur des sans-domicile fixe. Selon la police, il aurait empêché les forces de l’ordre de faire leur travail. Il est toujours en détention et devrait être jugé. Aucun média japonais n’en parle.

Il n’aura donc pas pu assister à la grève de la faim lancée par les occupants de la tent-hiroba le 17 avril, et qui devait durer jusqu’au 5 mai. Une centaine de personnes au total auront participé à cette action spectaculaire dont le but est de persuader le gouvernement de ne pas redémarrer les réacteurs.

Ils ont reçu le soutien actif de certaines personnalités comme la religieuse bouddhiste Jakucho Setouchi, qui a choisi de participer à la grève de la faim et qui a qualifié la volonté gouvernementale de redémarrer les réacteurs d' »effrayante » alors que « beaucoup de Japonais sont morts dans les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki ». « J’éprouve de la honte à l’idée que nous ayons utilisé de manière soumise de l’électricité d’origine nucléaire », estime-t-elle également.

D’autres personnalités ont rejoint le mouvement, comme les écrivains Hisae Sawachi et Satochi Kamata. Et des manifestations sont prévues le 5 mai à la tent-hiroba, au parc de Yoyogi et à celui de Shibakoen.

Leur presse (Philippe Mesmer, blog du Monde « Des rives orientales », 4 mai 2012)


Manifestations de joie au Japon pour fêter la mise en veille du dernier réacteur nucléaire

Des manifestations de joie au Japon pour fêter la mise en veille le 5 mai du dernier réacteur nucléaire encore en production.

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Le 5 mai vers 23h (JST) le réacteur n° 3 de la centrale électronucléaire de Tomari sera déconnecté du réseau. Cet événement marquera un tournant dans la vie d’un grand pays industrialisé et fortement nucléarisé [Le Japon est, en nombre d’unités de production, le troisième pays le plus nucléarisé (54-4), après les États-Unis (104) et la France (58)] : il prouvera qu’avec des mesures d’accompagnement minimales [Environ 15% de mesures d’économie d’énergie et avec une importation mineure de sources d’énergie conventionnelles non disponibles au Japon ; ce défaut est toutefois compensé par l’avantage de rendre mécaniquement les exportations japonaises plus compétitives] le Japon peut s’affranchir de toute source d’énergie nucléaire.

À l’occasion de cet événement, de nombreuses manifestations de joie sont prévues à travers l’ensemble du pays et notamment à Iwaini où un rassemblement est organisé au niveau du pont du ferry le 5 mai à 2200 (JST) ; la vue imprenable sur l’unité n° 3 de Tomari depuis cette passerelle permettra de ressentir symboliquement toute la portée de l’événement.

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Il s’agit donc de la première occurrence d’un sevrage complet d’électronucléaire dans un pays soit-disant étroitement dépendant de cette source d’énergie mais il aura malheureusement fallu une catastrophe de grande ampleur pour obtenir ce résultat. Les anti-nuke de France et du monde s’associent à la joie et la liesse que le peuple japonais ne manquera pas de manifester dans cette grande occasion.

Sources : Japan Today (4 mai) ; Enformable (2 mai).

Leur presse (Ivan Villa, blog de Mediapart « Ekoloji », 3 mai 2012)


Sans nucléaire, le Japon continue à vivre

Le dernier réacteur nucléaire japonais devrait être arrêté début mai. L’absence de nucléaire a pu être compensée, mais les solutions sont temporaires.

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Toujours à Tokyo, le 2 avril dernier. Cette rue est éclairée par des lampes LED qui permettent de réduire la consommation d’électricité de 50 % par rapport aux lumières habituelles.

Le printemps n’est pas encore arrivé au Japon et les nuits restent fraîches. Dans la grande maison de la famille Sawada située dans la banlieue résidentielle de Sendai, capitale de la préfecture de Myagi au nord-est du Japon, seul le grand salon bénéficie du chauffage. Les éclairages tamisent ce grand espace au cœur duquel trône la cuisine à l’américaine. « Tout l’hiver nous avons fait très attention à notre consommation d’électricité »,  explique Ryoko la maman, assistante maternelle dans une crèche de la ville. Les hivers rigoureux sous ces latitudes nord, touchées par le tsunami de 2011, n’ont pas empêché les Japonais de faire de sérieuses économies d’énergie. « Un seul radiateur fonctionne ici et dans la cuisine, je n’utilise plus aveuglément les appareils électroménagers comme par le passé »,  ajoute Ryoko en montrant une cuisine ultra-équipée de tous les gadgets possibles. « L’isolation de notre maison est très bonne,  assure quant à lui Toshiro le papa, nous pouvons ainsi économiser beaucoup d’électricité et de gaz. »

Couper le chauffage pour économiser l’énergie

Dans les chambres du premier étage, les chauffages sont restés coupés tout l’hiver. « On se prépare une petite bouillotte placée sous la couette, explique Miwa, 29 ans, leur fille, professeur dans un lycée de la banlieue sud, et on s’habitue. Après la catastrophe du 12 mars 2011, tout le monde a fait des efforts d’économie d’énergie car tous les réacteurs nucléaires sont pratiquement arrêtés depuis l’été dernier. Une des choses que nous avons apprises à l’école, depuis notre enfance, c’est que le Japon n’a aucune ressource naturelle. Le gouvernement nous a demandé d’être économes et chacun fait le maximum pour que l’énergie bénéficie aux entreprises afin qu’elles puissent continuer à produire. »

Alors que le dernier réacteur nucléaire (sur les 54 que compte le pays) du Japon, sur l’île d’Hokkaido, devait être arrêté à partir du 5 mai pour une session d’entretien régulier, les 130 millions d’habitants ont appliqué de façon très disciplinée les appels du gouvernement à réduire sa consommation d’énergie. À la mairie de Sendai par exemple, comme dans tous les bureaux de l’administration du Japon, des consignes nouvelles ont été données : toutes les lumières doivent être éteintes avant de quitter les bureaux le soir, une personne est chargée de vérifier. Les bureaux qui ouvrent à 9 heures le matin ne seront plus chauffés qu’à partir de 8h30, et le soir, le chauffage sera éteint à 16h30, une demi-heure avant la fermeture.

Dans les petits restaurants de la ville, les mêmes consignes sont mises en œuvre : « Nous plaçons les clients dans des espaces bien définis afin de ne pas chauffer les autres salles si l’affluence est moindre »,  explique une serveuse, ajoutant que le patron avait tenu « à ce que les éclairages soient diminués du tiers durant la journée ». Dans sa petite entreprise de fabrication de circuits électriques qui a échappé au tsunami dans la banlieue de Sendai, Yoshiro a lui aussi réduit ses dépenses énergétiques. « En faisant un peu d’effort, nous avons réussi à payer 30 % de moins de frais d’électricité »,  assure-t-il.

Forte demande sur les énergies fossiles

À elles seules toutefois, les économies d’énergie n’ont pas compensé la demande, largement comblée par une intensification de l’utilisation des installations thermiques dont certaines (sur les 93 centrales thermiques du pays) ont été redémarrées. Cela a nécessité une très forte hausse des importations de sources d’énergie fossile (pétrole, gaz, charbon, néfastes pour les taux de CO² libérés dans l’atmosphère). « Nous n’avons pas vécu de pénurie d’énergie depuis l’année dernière, assure Hideo Furukawa, écrivain très sensibilisé par l’environnement, et nous allons vivre un été 2012 avec de nouvelles restrictions sans pour autant retomber dans le Moyen Âge. » Les étés étouffants au Japon, qui déclenchent tous les climatiseurs de juin à septembre, font grimper les pics de consommation. Les Japonais s’attendent à revivre dans un environnement « moins frais » que par le passé.

Jeune employé de bureau à Tokyo, Takashi se prépare à « laisser tomber la veste et la cravate » durant l’été. « La climatisation ne fonctionnera pas à plein régime, sourit-il, mais nous ne serons plus obligés de porter la cravate. »  Les stations de métro et de train ne seront pas climatisées, et, dans les commerces, une partie des appareils de refroidissement de l’air sera coupée. La température des distributeurs de boissons, qui sont légion au Japon, sera elle aussi régulée, tout comme leur éclairage de nuit. De même, les industries du bâtiment proposent maintenant des matériaux très performants sur le plan de l’isolation et l’intégration de panneaux solaires dans les constructions d’habitations.

Un Japon plus écologique

À la télévision, un nouveau genre de publicité est en train d’apparaître pour tous les nouveaux produits électroménagers comme les aspirateurs, lave-linge, lave-vaisselle, séchoir, écran plat… « moins gourmands en énergie », « produits verts », « respectueux de la nature ». Une sensibilité écologique est en train de prendre une nouvelle dimension. Et Wakao Hanaoka, militant de Greenpeace Japon, défend pour sa part l’idée que « le Japon peut se passer du nucléaire ». Une affirmation loin de faire l’unanimité même si les enquêtes d’opinion montrent aussi un rejet du nucléaire.

Pour Hiedo Furukawa, l’écrivain qui, avec une poignée d’autres intellectuels, appellent à la fin du nucléaire, « il faut dépasser les bons sentiments et regarder la réalité en face. Sommes-nous prêts, nous, Japonais, à sacrifier notre puissante économie et notre niveau de vie au profit d’une dénucléarisation aveugle ? Je ne le pense pas. » Et de suggérer une accélération de la recherche dans le secteur des énergies alternatives. Et on peut compter sur le « génie japonais » pour trouver des solutions alternatives au nucléaire.

Ainsi l’interruption totale de tous les réacteurs nucléaires japonais ne sera probablement que temporaire, compte tenu de la soif d’énergie du pays, estime Shinichiro Takiguchi, directeur de l’Institut de la recherche du Japon. « Le consensus général pour le long terme est de réduire la proportion du nucléaire dans la production d’électricité, mais pas de la supprimer »,  précise-t-il. « Il est plus raisonnable d’augmenter l’utilisation des autres sources d’énergie et de réduire progressivement la part nucléaire tout en prenant des mesures de sécurité supplémentaires. »

Le traumatisme de la catastrophe de Fukushima demeure toutefois fortement ancré dans les esprits. Pour preuve, une volée de critiques a accueilli il y a dix jours le projet du gouvernement japonais de redémarrer deux réacteurs remplissant les conditions posées à toute relance dans la préfecture de Fukui, à l’ouest du Japon. Le gouvernement avait invoqué le risque de pénurie de courant durant l’été. Un autre argument pourra être avancé par le gouvernement pour briser les résistances : une augmentation très forte des tarifs d’électricité (20 %) dans les mois à venir…

Leur presse (Dorian Malovic à Sendai et Tokyo, La-Croix.com, 27 avril 2012)

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