[Révolution libyenne] La caserne de Kadhafi transformée en vaste squat

Les squatteurs de Kadhafi

On repère de très loin sa présence à son linge pendu au balcon, seule tâche de couleur parmi un chaos de béton. Depuis janvier, Saja Mohammed Sweili vit avec son époux au milieu des décombres de Bab Azizia, l’immense caserne aux multiples murs d’enceintes qui abritait le palais de l’ancien dictateur libyen. Elle a décoré avec des tapis et des matelas mousses la grande pièce où la garde de Kadhafi entreposait ses armes. L’électricité a été rétablie. Sur le petit écran, une chanteuse en herbe entonne un air d’Oum Kalthoum.

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« On est venu ici parce qu’on ne pouvait plus payer notre loyer », explique Saja Mohammed Sweili. Avec la guerre, cette jeune femme aux cheveux clairs a perdu son travail de vendeuse dans une échoppe. Son mari, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, continue de toucher son traitement, mais avec retard. À Souk al-Jouma’a, une banlieue de Tripoli, le couple devait verser 500 dinars par mois, l’équivalent de 400 dollars, pour un deux pièces. « Tout notre argent y passait. »

Squatte à Bab Azizia

Bab Azizia, dont la simple mention faisait trembler la population, s’est transformé en un vaste squat. La chambre d’à côté est habitée par une vieille femme chassée d’Abou Slim, un autre faubourg, et sa fille. À l’étage en dessous, se sont installés un Égyptien et son épouse libyenne. L’homme était ouvrier sur les chantiers. « Mais tout est arrêté depuis plus d’un an », dit-il. Au total, plus de 140 familles, pour la plupart sans ressources, campent dans les bâtiments épargnés par les bombes de l’Otan.

En l’absence de police ou d’armée, les Libyens se réapproprient leur ville. Dans les rues, on repeint en bleu portes et rideaux de fer qui, du temps du Guide, devaient être impérativement de couleur verte. Les voitures arborent des vitres teintées interdites sous l’ancien régime. Des graffiti en anglais, une langue autrefois proscrite, fleurissent sur les murs. Plus loin, des commerçants réaménagent en boutiques un centre des renseignements. (…)

Publié par des ennemis de la révolution (nouvelobs.com, 6 avril 2012)

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