Un ex-inspecteur de la DST prend du galon au Bloc identitaire
Une nouvelle figure a fait son apparition au Bloc identitaire (BI). Récemment promu coordonateur régional du BI en Normandie, Jean Lucat est mis en avant à l’occasion de la nouvelle campagne anti-halal de la formation d’extrême droite.
Le profil de ce cadre attire l’attention à plusieurs titres. D’abord, l’âge. À 64 ans, Jean Lucat ne correspond pas au profil-type du militant du BI, en général plutôt jeune. La direction des identitaires compte ainsi très peu de sexagénaires, à l’exception de Philippe Millau, Jacques Cordonnier et Richard Roudier.
Surtout, le CV de Jean Lucat est peu commun. Il a fait carrière à la DST (Direction de surveillance du territoire), où il était inspecteur. Il a « traité » plusieurs figures d’extrême droite, dans les années 1970 et 1980, époque propice aux opérations barbouzardes.
Son nom est plus récemment apparu dans l’affaire de la cavale de Dominique Érulin. Ancien légionnaire, ancien du Service action du SDECE, agitateur d’extrême droite, Érulin a été soupçonné par la célèbre cellule de l’Élysée du commandant Prouteau, d’avoir voulu attenter à la vie de François Mitterrand. Dominique Érulin s’était par la suite enfui à l’étranger, dans des conditions rocambolesques, en bénéficiant d’un passeport remis par un inspecteur de la DST (Le Monde du 10 décembre 2004).
« Mon engagement au Bloc identitaire est dans la continuité de ce que je pense depuis ma jeunesse. À la DST, j’avais le devoir de ne pas afficher mes opinions politiques, j’ai quitté la DST à 44 ans, j’en ai 64, cela fait vingt ans que je suis dans le privé, dans l’intelligence économique », nous a raconté Jean Lucat.
Le GRECE, Alain Madelin, Xavier Raufer
« Au Bloc, j’ai retrouvé des gens que je connaissais, des Grécistes, continue M. Lucas. Philippe Millau par exemple [coordonateur Grand Ouest du BI]. On s’était côtoyé au GRECE, j’étais au GRECE aussi, je suis un fidèle lecteur de la revue Éléments. »
Avant le Bloc identitaire, Jean Lucat dit avoir fait un bout de chemin à Idées Actions — le mouvement d’Alain Madelin — puis à Démocratie libérale et enfin un peu à l’UMP. « J’ai eu l’occasion de connaître Alain Madelin. Quand j’étais à la DST je fréquentais beaucoup la bibliothèque de l’Institut supérieur du travail. » L’IST est l’une des structures mises en place par Georges Albertini, dans le cadre de la lutte anticommuniste.
Alain Madelin a aussi émargé à la « centrale Albertini » qui lui a notamment servi de sas vers la droite libérale après ses engagements à l’extrême droite activiste. Dans cet univers, Jean Lucat a aussi connu Xavier Raufer, « un vieux copain » — ex-militant d’Occident, tout comme Alain Madelin, Raufer est devenu aujourd’hui criminologue.
« Le libéralisme à la Madelin, j’en suis sorti, pour moi ce n’est pas une solution pour l’Europe, poursuit Jean Lucat. J’ai découvert le Bloc identitaire par des copains. Je suis allé à leur Convention en 2009, je me suis rendu compte que c’était des gens sérieux. »
Du côté des Identitaires, on assume la promotion de M. Lucat. « Chacun a le droit d’avoir un métier, il n’y a rien de choquant. Je ne vois pas où est le problème. C’est un cadre de valeur. Je n’ai pas le sentiment que son parcours est trouble », réagit Fabrice Robert, président du mouvement.
Philippe Vardon, autre dirigeant du Bloc, répond par une pirouette : « On est comme Marine [Le Pen], on montre que l’on a, nous aussi, des hauts fonctionnaires. Il a les compétences et les qualifications. »
NB : La DST a été fusionnée en 2008 avec la Direction centrale des Renseignements généraux pour créer la DCRI.
Sur « la centrale Albertini », lire la partie « Sortir du Ghetto », dans l’ouvrage Génération Occident, Frédéric Charpier, Seuil.
Leur presse (blog du Monde Droite(s) extrême(s), 11 novembre 2011)