Deux sorcières comme les autres

Cameroun : deux femmes poursuivies pour homosexualité et traitées de « sorcières »

« On nous traite de sorcières », confie Esther, une Camerounaise de 29 ans, poursuivie en justice pour homosexualité comme son amie Martine, 26 ans. Les deux femmes sont devenues l’objet d’insultes et de moqueries générales dans la petite ville d’Ambam, à 150 km au sud de Yaoundé.

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Leurs enfants ont dû quitter l’école et une grande partie de leurs familles respectives les ont bannies.

« L’affaire » fait grand bruit au Cameroun depuis février. Jeudi, le procès des deux jeunes femmes a réuni quelque 300 personnes à Ambam, près du Gabon. Elles plaident non coupables. La prochaine audience aura lieu le 29 mars.

Comme dans beaucoup de pays africains, l’homosexualité est illégale au Cameroun.

Vendredi, un autre procès médiatique débute, à Yaoundé : celui, en appel, de trois homosexuels condamnés à cinq ans de prison en novembre et dont deux sont incarcérés.

Esther, aide-soignante et maman d’une fillette de 6 ans, et Martine, coiffeuse et mère de deux filles (12 et 10 ans), ont été inculpées en février, après la plainte d’une femme mariée de Ambam, accusant l’un d’entre elles d’être lesbienne.

Cette inculpation avait été précédée d’auditions à la gendarmerie au cours desquelles les deux femmes auraient « avoué » leur homosexualité, selon le parquet d’Ambam. Gardées à vue pendant quatre jours, elles ont comparu libres.

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« Je subis les insultes et les regards des gens. Lorsque je sors pour faire mes courses au marché, on me bouscule, on me jette des cailloux », témoigne Esther.

« La situation est telle que je ne sors plus en journée », profitant uniquement « de la discrétion de la nuit pour me détendre un peu », ajoute la jeune femme, qui vit toujours à Ambam.

Martine en revanche a quitté la localité où les deux femmes vivaient dans la même maison, avec leurs trois enfants. Elle explique avoir « préféré (se) réfugier momentanément chez (sa) petite sœur à Yaoundé ». « Je ne pouvais plus supporter de vivre ici », dit-elle, les traits tirés. « Des pierres était projetées sur le toit de notre maison. »

« Un jour, une habitante a lancé : ‘Regarde comment elle a le démon en elle' », explique Martine.

Si sa sœur l’a accueillie « tous les autres membres de ma famille, dont mon père et ma maman, m’ont rejetée », dit-elle.

Esther elle aussi a été « bannie » par toute sa famille, à l’exception d’un oncle.

Les enfants des deux jeunes femmes, qui étaient scolarisés à Ambam, ont dû quitter la ville.

« Au début mes deux filles venaient me dire : ‘maman, nous sommes insultées au lycée. Les élèves disent que notre maman est lesbienne.’ Elles ne voulaient plus aller à l’école. J’ai dû interrompre leur scolarité pour les envoyer au village », raconte Martine. « Je leur ai demandé de ne pas croire à ce que les gens disent », ajoute-t-elle.

Esther a en outre perdu son travail dans un hôpital de Kyé-Ossi, ville camerounaise voisine à la frontière avec la Guinée équatoriale.

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Les deux femmes risquent jusqu’à 5 ans de prison, peine maximale prévue par la législation du Cameroun. En attendant le verdict, elles « vivent dans la peur ».

« Que Dieu nous aide pour cette affaire s’arrange à l’amiable », souligne Martine dont le souhait le plus cher « est de partir d’ici pour toujours ».

Quant à Esther, elle se désole : « Je sais que cette histoire me poursuivra partout où j’irai au Cameroun ».

Leur presse (Agence Faut Payer, 16 mars 2012)

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