« Il vaut mieux être à la périphérie de ce qui s’élève qu’au centre de ce qui s’effondre. »
Pour peu que nous fassions l’usage de nos quelques forces, dans les carcans étroits du démocratisme marchand, l’État montre les dents, avec ce mélange de vulgarité autoritaire et de froideur bureaucratique. Pas d’ennemi, mais seulement quelques débordements qu’il s’agit de gérer, c’est ce que semble dire la préfecture et la municipalité à travers les différentes attaques qu’elle nous adresse.
Nous ne ferons pas les étonnés de telles manœuvres. Nous savons quelles fonctions particulières les pouvoirs locaux remplissent : s ‘assurer de la bonne marche à exercer sa domination, garder ses esclaves dans son giron, et les éloigner de la gangrène que nous représentons. Quitte à se tromper sur les véritables menaces qui pèsent sur elle…
Il faut bien des coupables, sans eux, tout serait tellement parfait… Mais pourquoi s’entêtent-t-ils encore ? Nous ferons preuve de moins de mansuétude et davantage de rigueur la prochaine fois, continuent-ils comme pour eux-mêmes…
Les pouvoirs renforcent leurs capacités à ce que rien ne puisse se passer, pour prouver à quel point rien d’autre que ce monde n’est possible, et écraser ceux qui vivent d’autres choses dans la pratique.
Jouer, bien sûr, mais avec nos règles ; les autres sont des terroristes.
Référés systématiques hors de tout cadre légal pour faire disparaître toutes tentatives de squats, arrêté municipal pour interdire un concert lié à la « mouvance anarcho-punk » (sic), convocation d’une structure d’éducation populaire concernant une zone de gratuité un an après les faits, réquisitoire très dur d’un procureur malgré la requalification des faits lors d’un procès pour outrage et rébellion sur un policier, arrêté préfectoral interdisant un rassemblement en précisant les noms des personnes et collectifs concernés (après que les caméras soient parties, évidemment) : tous est bon pour détruire les espaces d’intensités collectives en construction et empêcher ces acteurs de se répandre dans la ville…
Ainsi, le pouvoir réadapte sa répression, avec des dispositifs disproportionnés mais cependant inefficaces. Une présidente du Conseil général demande à des organisations défendant les sans-papiers de se dissocier publiquement de personnes pratiquant l’action directe invisible, une liste mélange des personnes aux sensibilités politiques différentes les assimilant dans la même répression pour mieux mettre certains en porte-à-faux, des artistes subventionnés par la Mairie menacent les habitants d’une maison occupée en échange d’une garantie de leur futur confort moral et matériel : il faut casser les solidarités entre secteurs sociaux qui tentent d’agir ensemble, malgré leurs désaccords de fond, mais qui prennent sens dans la complémentarité de leurs pratiques.
Cette réponse d’une Mairie de gauche bourgeoise et d’une Préfecture ultra-droitière est logique : nous avions sciemment décidé d’agir en période électorale, sachant qu’elle serait plus encline à préserver son apparence démocratique ; les effets de nos actions furent en effet amplifiées. Sa répression fut distante et propre : pas des coups de matraques, mais des bouts de papier signés « République française » ; il ne s’agit pas pour eux d’une approche militaire, avec ces combats de rue contre manifestants, mais d’une ligne politique de la répression décidée par les têtes des pouvoirs locaux. Il fallait nettoyer proprement et sans effusion de violence avant le moment électoral.
Nous constatons qu’à Tours, une forme de judiciarisation de la répression se met en place : que chacun dispose d’une condamnation pour être mieux frappé par la suite, suivant les besoins que le futur exigera. Nous ne sommes en rien une particularité : le vieux monde dispose de multiples moyens ; la configuration des hostilités, les ressorts propres à la situation tourangelle, et la sorte de force que nous construisons ont fait le reste.
L’état d’exception qui détruit les pseudo libertés individuelles n’est pas nouveau : il ne fait que montrer un visage plus répugnant au quotidien de notre société. On tente de nous maintenir dans une sorte de fatalité paralysante, et même si la peur peut parfois nous limiter, cela nous permet aussi de la comprendre, et de la dépasser. Nous continuons à apprendre du pouvoir, et à faire sans lui. Nous réadaptons aussi nos pratiques et effets, nos modes d’apparitions et interventions.
Notre existence qui se fonde sur le faire et la nécessité stratégique de le penser sera toujours un scandale, une menace apparemment trop forte pour un monde vermoulu : cela nous amuse que si peu de force puisse inspirer crainte à un édifice qui se prétend si solide.
Nous laissons là nos maîtres moisir dans leur misère ancestrale, et nous continuons de nous organiser…
13 mars 2012