Le travail tue

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1330203970.jpgSuicide au travail : son employeur ne doit plus « dormir tranquillement »

Nogent-sur-Seine – Le 22 juillet 2011, Jérôme Mansouri s’est donné la mort dans sa voiture de fonction. Dans une lettre retrouvée à ses côtés, il met en cause son employeur. Sa femme témoigne.

« Quand je serai grand, j’irai le voir. Je lui dirai qu’il a tué mon père. » Ces mots, prononcés par un petit garçon de 8 ans, résonnent dans la tête de Stéphanie Mansouri. Impossible pour elle d’oublier le suicide de son mari et celui qu’elle juge responsable, son employeur.

Les faits remontent au 22 juillet 2011. Au matin, Jérôme Monsouri se donne la mort dans sa voiture de fonction près du canal de Beaulieu. À ses côtés, il a couché quelques mots sur des feuilles de papier.

Ses premières pensées vont à ses proches. La suite de la lettre met explicitement en cause Patrick Debeaupuits [Patrick Debeaupuits, gérant de la société nogentaise de blanchisserie, n’a pas souhaité répondre à nos questions.], le gérant de la Société nogentaise de blanchisserie. « Je vous aime plus que tout mais là je ne peux plus, ce boulot me ronge, je ne dors plus, ne vis plus », écrit-il.

Le technicien de maintenance dénonce ensuite la pression exercée par son employeur en tête-à-tête, les accidents du travail « qui s’enchaînent » dans l’entreprise, les journées interminables. « Il subissait des pressions morales, il n’en pouvait plus. »

« Il (Patrick Debeaupuits, NDLR) me rappelle bien la responsabilité sur les organes de sécurité des machines mais ne veut pas arrêter sa machine pour rétablir l’ordre », explique Jérôme Mansouri dans sa lettre.

Un homme de caractère

L’homme de 38 ans occupe son poste depuis le mois d’avril et déjà, il a perdu du poids. « Ce n’était pas quelqu’un de dépressif, il avait du caractère, était passionné de chasse, proche de ses enfants… Il avait quitté son emploi dans une entreprise de Montereau pour rejoindre cette entreprise plus proche de chez nous. C’était une offre qu’il ne pouvait pas refuser », se souvient sa femme.

Mais le poste rêvé tourne en quelques mois au cauchemar. « Il disait que les machines étaient dans un état déplorable. Je lui ai dit d’arrêter ; son ancien employeur était prêt à le reprendre. Mais ça lui tenait à cœur. Il disait que c’était trop dangereux pour les autres salariés. Encore la veille de son décès, quelqu’un était tombé d’une échelle. Il ne voulait pas partir pour laisser les autres salariés dans une telle situation. »

Ce 22 juillet 2011, ce n’est qu’à 13h30 que Stéphanie Mansouri est prévenue. Elle ne verra pas son mari. Ni ce jour, ni plus tard. « Dès l’après-midi, j’étais aux pompes funèbres où on m’a demandé de choisir un cercueil. » La semaine suivante, ce père de deux enfants est inhumé à Sourdun. « Quelques jours plus tard, en réfléchissant, je me suis rendu compte que nous n’avions donné aucun habit. Il a été enterré complètement nu ! »

Une plainte pour harcèlement déposée

Vient ensuite le temps de l’enquête. La famille a en effet déposé plainte pour harcèlement. Mais elle se sent mise à l’écart. « On nous dit juste : les investigations se poursuivent », déplore sa femme.

La sœur du défunt, ses parents, sa femme insistent pour connaître l’avancée de l’enquête, se font assister d’avocats. « On a eu l’impression qu’ils voulaient enterrer l’enquête », souligne le père de Jérôme Mansouri. Sa sœur écrit au président de la République, à la Chancellerie. Aujourd’hui, l’enquête de gendarmerie est toujours ouverte sur ces éventuels faits de harcèlement moral dont Patrick Debeaupuis reste présumé innocent.

Le dossier devrait bientôt rejoindre le parquet de Troyes qui décidera des suites à y donner. « Je veux que cet homme qui a détruit ma vie et celle de mes deux enfants arrête de dormir tranquillement », souligne Stéphanie Mansouri.

Leur presse (LEst-Eclair.fr, 25 février 2012)

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