[Indignados] Cinéastes, encore un effort…

À la Berlinale, Tony Gatlif rejoint les « Indignés »

Caméra à l’épaule, Tony Gatlif s’est infiltré dans les foules européennes « indignées » du printemps 2011 qui, d’Athènes à Madrid, ont conspué les banquiers, les riches en général, les repus, les blasés.

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« Même par moins 10°, moins 15°, on ne s’étonne plus de voir des gens dormir dehors », dit-il avant de présenter Indignados, son film de colère, dans la section Panorama de la 62e Berlinale, dédiée cette année aux basculements de l’histoire (Sortie française le 7 mars).

Le Gitan du cinéma mondialisé (Latcho DromGadjo Dilo) pose pour le photographe les poings croisés à hauteur des yeux, le regard défiant. Il est « dégoûté ».

Aussi Indignez-vous l’a touché au cœur.

L’opuscule de Stéphane Hessel, 94 ans, ancien résistant et diplomate qui encourage au soulèvement pacifique contre l’injustice, a été traduit dans 30 pays et brandi comme un nouveau « Petit Livre » inspirant. En dépit d’une ligne politique assez simpliste dénoncée par de rares contradicteurs — marre des injustices, des égoïsmes, et des banquiers.

Tony Gatlif, « humilié » par la stigmatisation des Roms en France à l’été 2010 et mal en point psychologiquement, s’est jeté dessus pour en acquérir les droits, raconte-t-il : « Ce livre m’a guéri ».

« Mais je ne voulais pas filmer de nos points de vue d’Européens. »

Sa caméra suit donc l’errance d’une jeune femme jetée sur la rive nord de la Méditerranée par l’urgence de fuir la misère et l’espoir de conquérir l’Eldorado.

Betty est Africaine — illégale pour de bon au début de son histoire. Le spectateur la suit dans son vagabondage muet, rythmé par la musique et les slogans — histoire sans parole mais pas sans mot.

De Patras, le grand port grec, à Athènes puis Paris et finalement Madrid, plusieurs fois arrêtée et renvoyée vers la Grèce — seul pays à détenir ses empreintes digitales depuis sa première interpellation — Betty découvre la misère des riches, les matelas dans les rues, les soupes populaires.

« On est blasé, elle est horrifiée. C’est pour ça que je voulais qu’on regarde par dessus son épaule, avec son regard à elle », insiste Tony Gatlif.

« Partout, la vieille Europe qui fait tellement rêver est en danger. C’est la première fois dans l’histoire que les banques provoquent la faillite d’un pays ! »

« Elle même est piégée en Europe, sans retour possible alors que sa famille s’est endettée pour payer son passage : elle a rejoint les clandestins sans nom, sans pays et sans identité. » Contrainte de mentir aux siens au téléphone et à elle-même en répétant : « Ça va aller, ça va aller ».

Mais que gagne-t-elle dans ces foules, en colère mais impuissantes face aux crises économiques et financières qui les emportent, qui se filment à l’iPhone dans les cortèges ?

« C’est le nouveau moyen de communication qui rend possible la révolution pacifique », juge le réalisateur. « Car ainsi, l’info va très vite et dépasse les gouvernements et les banquiers. »

Tony Gatlif croit « à l’assemblée des gens, à la force du nombre. Même les Syriens vont y arriver », veut-il croire — en dépit des images exportées en secret qui chaque jour préjugent du contraire [sic].

Être sélectionné à la Berlinale l’a conforté et il entend bien, au côté de Stéphane Hessel, s’en servir comme d’une « tribune ».

« Il est temps que le cinéma cesse de se regarder le nombril et s’engage. Mais c’est comme ailleurs, chacun défend son petit pouvoir. »

Leur presse (François Guillot, Agence Faut Payer, 10 février 2012)

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