[ATT dégage !] La guerre sociale, antidote à la haine raciale

Manifestation des femmes des militaires de Sikasso : – La station ORTM Sikasso saccagée et brûlée – Des dégâts importants aux Impôts, à la Mairie et au Tribunal

Après Kati, Kayes, Ségou et Bamako, la Commune urbaine de Sikasso a vécu une folle journée de vendredi. En effet, profitant de la marche des femmes des épouses des militaires au front, des badauds de l’autogare de Sikasso se sont adonnés à des actes de vandalisme sur plusieurs services de l’État, notamment la station ORTM, le Tribunal, la direction régionale des impôts, la mairie. Ces actes ont été commis au moment où le gouverneur de la région, Ibrahima Féfé Koné, recevait l’ensemble des préfets de la région, la classe politique, la société civile et les représentants des radios libres. D’après plusieurs témoignages concordants, après avoir renoncé à leur marche suite à l’intervention du gouverneur, certaines femmes ont été incitées à protester par leurs époux, désignés par le commandement militaire pour aller en renfort auprès de leurs camarades d’armes aux prises avec des bandits armés appuyés par des éléments d’AQMI [id est le MNLA, en novlangue officielle].

Depuis le mercredi 1er février, l’exécutif régional avait initié des actions d’anticipation. C’est ainsi que de commun accord avec le gouverneur de la région, le Commandant de zone a rencontré les femmes des militaires au front et ceux désignés pour y aller en renfort afin que celles-ci sursoient à la marche qu’elles ont programmée. Dans cette même dynamique, le jeudi, le gouverneur a rencontré les leaders religieux, la société civile et les représentants des radios libres sur la question. D’après le gouverneur Ibrahim Féfé Koné que nous avons rencontré en sa résidence, le samedi 4 février, tout était rentré dans l’ordre après que lui et le commandant de zone eurent échangé avec les femmes. « Le vendredi matin alors que je m’entretenais avec les préfets de la région, les partis politiques, la société civile et les responsables des radios sur les dispositions prises par l’État à propos de la situation sécuritaire au nord, j’ai été informé que les femmes des camps sont en train de marcher vers le centre ville. Sachant que leur arrivée pourrait être source d’actes de dérapage, j’ai écourté ma réunion et je suis allé les croiser au niveau de la légion de gendarmerie. J’ai marché avec elles pour retourner au camp. J’ai pu les convaincre en leur demandant de me remettre la copie de leurs doléances ainsi résumées : que les renforts ne partent plus au nord sans armement adéquat. Après avoir convaincu les femmes, je suis retourné au gouvernorat pour continuer la réunion que j’avais commencée » a déclaré le gouverneur.

Quelques minutes après, le chef de l’exécutif régional a été informé que les femmes des gardes sont également sorties et qu’elles se dirigent vers le gouvernorat. Elles étaient accompagnées par leurs enfants et ont été reçues par le gouverneur à qui elles ont remis leurs doléances identiques à celles des femmes du premier groupe. Peu de temps après avoir calmé les épouses et les enfants des gardes, le gouverneur est, une troisième fois, alerté par l’arrivée, cette fois-ci, d’un groupe de badauds venus de vers l’autogare. D’après plusieurs sources crédibles, ces badauds avaient aussi leur doléance : « ATT, dégage ! ». Contre la volonté des forces de l’ordre, le gouverneur est sorti pour les rencontrer et a fini par les convaincre de se retirer. Malheureusement, sur le chemin du retour, puisqu’ils étaient animés par un mauvais dessein, ils se sont attaqués à la mairie (vitres brisées), au Tribunal (locaux caillassés, portail endommagé et pneus brûlés), à la direction régionale des impôts (vitres brisées, tables, ordinateurs et d’autres matériels brûlés, un bureau entièrement consumé et un véhicule 4×4 Mitsubishi brûlé). Les dégâts les plus importants ont été enregistrés à la station ORTM. Quand le gouverneur a été informé que les badauds se dirigent vers l’ORTM, il a demandé de renforcer en gendarmes le dispositif de sécurité qui y était installé. L’enceinte est si vaste que les forces de l’ordre n’ont pratiquement rien pu.

Le samedi 4 février, nous avons rencontré le directeur régional, Damaké, abattu au milieu d’un amas d’objets de valeur calcinés par les assaillants. Selon lui, tous les bureaux ont été éventrés et saccagés (ordinateurs, cameras et d’autres matériels de production brûlés).

« La passion du service public a amené le personnel à se débrouiller à diffuser les journaux de 19h45 et de 20h. On va encore essayer la même chose aujourd’hui samedi, si ça ne marche pas, on laisse tomber le temps de remettre de l’ordre. Heureusement les émetteurs n’ont pas été touchés sinon on ne pourrait pas émettre avant trois à quatre semaines. Nous nous affairons pour que toute rentre dans l’ordre le plus rapidement possible » a souligné le directeur régional de la station ORTM Sikasso.

La tristesse et la désolation sont à leur comble car, non seulement les badauds ont cassé tout ce qui peut l’être, ils ont brûlé même les arbres de la cour et incendié la cour de l’ORTM, notamment la partie où sont installés les antennes paraboliques. « Grâce à l’intervention rapide des sapeurs pompiers, l’incendie a vite été maitrisé » a reconnu Damaké. Conséquence : la capitale du Kénédougou est privée des images de la télévision nationale.

Dans l’ensemble, il faut reconnaître que le gouverneur avait réussi à calmer les femmes des militaires et des gardes, mais plusieurs sources, administratives et militaires, soutiennent que certaines femmes ont été poussées par leurs époux désignés par le commandement pour aller en renfort au nord. Cette information a été confirmée par une manifestante dont nous taisons le nom pour raison de sécurité.

Dans tous les cas, ce qui s’est passé à Sikasso est triste. En s’attaquant à ces édifices ci-dessus cités, les vandales ont porté un coup sévère au développement local car ce qu’ils ont détruit et brûlé a été mis à la disposition des populations grâce au sacrifice de l’ensemble du peuple malien. Comme si cela ne suffisait pas, les badauds avaient promis d’aller s’attaquer à la douane et à l’hôtel du Cinquantenaire le samedi. Ce qui a nécessité la mise en place d’un impressionnant dispositif de sécurité confirmée par le Directeur régional de la douane, Ag Boya. C’est pourquoi, pour les en dissuader, le gouverneur Koné a fait un communiqué radiodiffusé pour dire que « tous ceux qui seront pris dans les actes de vandalisme sur les biens publics et privés répondront de leurs actes ». Il faut ajouter enfin que lors de la folle journée du vendredi 3 février, les badauds ont brûlé des pneus au niveau de tous les carrefours rendant, du coup, la circulation impossible.

Leur presse (Diakaridia  Yossi, L’Indépendant, 6 février 2012)


Au front du Nord : Quand des soldats de la « Grande Muette » deviennent bavards

Les tristes évènements (marches de protestation, violences, saccages, pillages…) que Bamako a subis le jeudi dernier sont en grande partie dus à la non application du commandement de l’Armée. Aussi, beaucoup de soldats seraient morts parce qu’ils étaient en communication téléphonique avec leurs familles [sic !].

L’Armée nationale de tout pays tire sa force de ce silence professionnel qui fait d’elle la « Grande muette ». En effet, toutes les opérations militaires et leurs stratégies doivent se dérouler dans un secret total, surtout sur le champ de bataille. Et toute chose qui se passe sur le champ de bataille doit être couvert d’un grand silence. Malheureusement, c’est ce qui avait fait défaut au commandement de l’Armée dans le cadre de la crise du Nord. En effet, sur le champ de bataille, le commandement de notre Armée a donné des directives aux soldats par… téléphone portable. Ce qui a permis à ces soldats de communiquer avec leurs familles respectives. Pire, ces éléments de l’armée communiqueraient avec leurs parents même étant sous le feu de l’ennemi ! Certains d’entre eux auraient divulgué n’importe quoi sur la crise du Nord. Quoi qu’il en soit, la valeur d’une Armée forte et professionnelle résulte de sa qualité de « Grande muette ».

« Je communiquais avec mon fils au téléphone. Tout d’un coup j’ai entendu des coups de balle. Après, mon fils n’a plus prononcé un mot… Vous comprenez la suite : il a été atteint de balles », nous confie une mère qui a perdu son fils sur le champ de bataille. Tout comme cette pauvre femme, plusieurs mères ont ainsi appris la mort de leur enfant, c’est-à-dire de la même manière : par téléphone. Nombreux sont également des soldats qui appelaient leurs familles (toujours par téléphone) pour se plaindre qu’ils n’ont ni nourriture, ni d’équipement de guerre sur le champ de bataille. C’est d’ailleurs cette intoxication [sic !] qui a provoqué, le jeudi dernier dans la capitale, cette révolte des épouses et mères des militaires au front et qui avait failli se transformer en une autre guerre plus fatale que celle du Nord. Heureusement que les Maliens tiennent au sens patriotique et à cette dignité traditionnelle qui fait le Mali.

Mais l’on se posera toujours cette question : le fait, pour un soldat, de posséder un téléphone et de communiquer avec ses parents pendant qu’il est en pleine guerre est-il un comportement légal selon les lois de l’Armée ? Dans tous les cas, il est urgent que le commandement militaire trouve une solution adéquate à cette pratique, même si, pour ce faire, il y a lieu  de retirer les téléphones des soldats tant qu’ils sont au front et cela pour éviter de semer d’autres éventuels troubles au sein des populations civiles ou chez les parents
des militaires.

Leur presse (Oumar Diakité, Le Combat, 7 février 2012)

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