Le 21 juin 2011, jour de Fête de la musique à Poitiers comme ailleurs en France, une chorale Brassens est allée chanter Hécatombe devant le commissariat local. Cette initiative, prise par l’assemblée Démocratie réelle 86, visait de même que dans d’autres villes à manifester une solidarité envers des personnes aux prises en France avec la police et la justice pour avoir interprété cette chanson.
Il y eut d’abord un Rennais, condamné en mai pour avoir chanté Hécatombe à sa fenêtre : 40 heures de travaux d’intérêt général plus 200 euros à verser aux policiers qui se trouvaient alors dans la rue. Puis une trentaine de personnes furent interpellées à Toulouse pour « outrage », ayant chanté le tube du moustachu devant le commissariat de cette ville en solidarité avec le mélomane rennais et afin de défendre la liberté d’expression. Deux personnes passèrent aussi en procès à Paris pour « violence à agent », lors de la dispersion brutale par la police d’un rassemblement de même nature (elles furent relaxées). Au même moment, la Cité de la musique, sous tutelle du ministre de la Culture, fêtait pourtant ce cher Georges et invitait à un « championnat du monde des Brassens »…
À Poitiers ce 21 juin (cf. compte rendu), la chorale fut bon enfant, mais des policiers ont lancé à fond les sirènes de plusieurs de leurs véhicules pour couvrir la chanson, recourant ainsi à un usage abusif de ces appareils réglementés. D’autres policiers ont filmé le subversif événement. Enfin, les policiers sont venus en nombre signifier à cette chorale que c’était une « provocation », qu’elle était « illégale » (le soir de la Fête de la musique…) et devait se disperser, sous peine d’« usage de la force ». Alors que la chorale s’éloignait, ses membres ont jeté des confettis vers ce commissariat si farceur avec la liberté d’expression. J.-C., 52 ans, a alors été brutalement attrapé par un policier qui l’a emmené au poste. Un rassemblement de soutien s’est vite constitué, et J.-C. a été libéré une heure et demie après, en ayant nié avoir commis le moindre « outrage » et après que les policiers lui ont signifié qu’il devait se tenir tranquille à l’avenir s’il voulait éviter des suites.
Mais voilà, ce 27 janvier 2012, J.-C. était convoqué au commissariat. Les quatre personnes qui l’y ont accompagné ont été surprises de trouver devant un comité d’accueil de cinq policiers. Et plus encore surprises de voir J.-C. en ressortir dix minutes après avec à la main une convocation à un PROCÈS, prévu le 4 mai 2012 ! Les termes de la convocation explosent les dernières barrières du grotesque : J.-C. est en effet poursuivi pour avoir « outragé par parole, gestes, menaces, écrit non rendu public, image non rendue publique, envoi d’objet, de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dus à la fonction de Monsieur M. J.-C., commandant de police, personne dépositaire de l’autorité publique, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, en l’espèce en lui ayant projeté au visage une poignée de confettis ».
L’OPJ, sans doute un peu gêné, a confessé à J.-C. qu’il n’était pour rien dans cette poursuite… J.-C. n’a évidemment insulté ni menacé personne, ni par parole ni par écrit, mais tout est bon hélas, pour la police poitevine, quand il s’agit de harceler des gens qui sont engagés politiquement et qui défendent la liberté d’expression.
Rappelons que récemment six personnes ont été arrêtées pour diffusion d’un journal dont les exemplaires ont été saisis et détruits par la police (sans suite). Que deux personnes sont passées en procès pour avoir récupéré des produits alimentaires périmés dans une poubelle — elles ont expliqué leur geste par un tract (relaxe). Qu’un ancien président de maison de quartier, connu pour son militantisme, a été convoqué au sujet d’affiches dénonçant les expulsions d’étrangers avec lesquelles il n’avait rien à voir (pas de suite mais on ne sait jamais)…
Il semble qu’une étape de plus ait été franchie par la police poitevine dans le grotesque : l’outrage au jet de confettis ! On hésite entre le rire et la consternation.
Pour la liberté d’expression et contre le harcèlement policier à l’encontre des personnes qui la défendent.
Arrêt immédiat des poursuites contre J.-C. !
Démocratie réelle maintenant (Poitiers), Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux, 6 février 2012.