[Maroc] « Nous ne lâcherons pas ! » Révolte et répression à Taza

Maroc – Scènes de guérilla urbaine des diplômés chômeurs à Taza

La tension sociale est toujours vive dans le royaume du Maroc. La ville de Taza dans le nord-est du pays, à une centaine de kilomètres de Fès, a été le théâtre d’affrontements entre les forces de l’ordre et des diplômés chômeurs le 1er février. Des violences rapportées par Le Soir Échos.

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Porte de la prison de Taza taguée par un manifestant avec un slogan du Mouvement du 20 février : "Mamafakinch" (Nous ne lâcherons pas !)

Le journal économique a recueilli le témoignage de Mohamed Chbairi, président de la section de Taza de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

« Tout a commencé avec deux sit-in, le premier organisé devant le siège de la préfecture par l’Association nationale des diplômés sans emploi et le second est une initiative du groupe des licenciés, tenu au quartier administratif, qui abrite les domiciles des hauts cadres de l’Administration territoriale », raconte ce responsable associatif.

« La police a empêché une tentative de ces jeunes d’investir les locaux de la préfecture par la force. (…) Difficile de dire si un élément de la police a blessé une femme enceinte parmi le groupe des licenciés ou non, mais les faits sont là, cette information a mis manifestement le feu à la poudrière, donnant le signal à de vifs affrontements entre manifestants et forces de l’ordre », précise-t-il.

Ces scènes de guérilla urbaine auraient duré plusieurs heures. Les diplômés ont brûlé des pneus sur la route, tandis que la police, qui a fait appel à des renforts venant de Fès, a précipité sur la foule des véhicules à vive allure, selon Le Soir.

Même si le journal n’a pas pu établir de bilan exact, il fait état d’une victime écrasée par une voiture des forces de l’ordre.

« Une trentaine de policiers sont blessés. En revanche du côté des manifestants, nombreux sont ceux qui ont évité de se rendre à l’hôpital Ben Baja par crainte d’être arrêtés », ajoute Mohamed Chbairi.

Un témoin a ainsi raconté à Demain Online que les autorités ont procédé dans la soirée à des perquisitions. Des policiers sont passés « d’une maison à une autre en exigeant de tous les habitants de « faire sortir leurs fils » (…), sinon ils forcent les portes des récalcitrants ».

Le site du journal a également reçu plusieurs vidéos filmées par des manifestants.

Ce n’est pas la première fois que la ville de Taza est touchée par des affrontements. Début janvier, des émeutes avaient déjà eu lieu après un sit-in de diplômés chômeurs. Selon Demain Online, les dernières violences auraient d’ailleurs aussi pour origine la revendication par ces jeunes de la libération de toutes les personnes arrêtées après les incidents d’il y a un mois.

Leur presse (SlateAfrique.com, 2 février 2012)


Maroc : marche à Taza pour réclamer la libération de personnes arrêtées lors des affrontements avec la police

Les habitants de la zone El Koucha à Taza dans le nord-est du Maroc, ont organisé vendredi après-midi une marche vers le tribunal de première instance de la ville pour réclamer la libération de 13 personnes arrêtées, mercredi dernier après les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre qui ont fait près de 200 blessés, a-t-on appris de source locale.

Selon Mohamed Chiabri, président de la section locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), environ 3.000 personnes prenaient part à cette marche pour réclamer la libération « sans conditions » de ces personnes arrêtées lors des affrontements qui ont fait, selon lui, une centaine de blessés dans les rangs des forces de police et 95 parmi les manifestants.

C’est la troisième fois depuis le 4 janvier dernier que des sit-in et des manifestations se transforment en émeutes à Taza sur fond de revendications sociales notamment des emplois pour les jeunes chômeurs exacerbées par la hausse des factures d’eau et d’électricité, rapporte la presse marocaine.

L’agence MAP, citant les autorités locales, avait indiqué jeudi soir que les forces de l’ordre sont intervenues mercredi suite à des « actes de vandalisme commis dans la zone El Koucha par des manifestants et pour éviter la propagation des actes à d’autres quartiers de la ville ».

Les habitants de la ville avaient observé un sit-in devant le tribunal de première instance, en solidarité avec cinq détenus appréhendés suite aux événements du 4 janvier dernier avant que celui-ci ne se transforme en une manifestation et accrochages avec les forces de police.

Le ministre marocain de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi a déclaré que « le gouvernement suit attentivement la situation suite aux incidents survenus à Taza et prendra les mesures qui s’imposent pour veiller au respect de la loi et assurer la sécurité ».

Il a ajouté que « le droit de manifester pacifiquement est garanti par la loi, mais l’occupation des lieux publics et les préjudices causés aux intérêts des citoyens et aux biens publics sont contraires aux lois en vigueur ».

Leur presse (lexpressiondz.com, 2 février 2012)


Taza : les dessous d’une nouvelle journée de violence

Jets de pierres, cocktails molotov… les armes des manifestants.
Interventions musclées, bombes lacrymogènes… la riposte des forces.
Les deux parties s’accusent mutuellement de débordement.

Les autorités de Taza et la population d’El Koucha se rejettent mutuellement la responsabilité des événements du 1er février. Quand les premiers disent intervenir pour rétablir l’ordre et éviter la propagation des actes de vandalisme, les seconds nient ces actes et parlent d’interventions non réfléchies et de haine sociale. Une chose est sûre, Taza est sous haute surveillance… Et les tensions continuent de battre leur plein.

À Taza, lorsque la population veut se faire entendre, à tort ou à raison, elle crée du grabuge et sème la panique. Depuis un mois maintenant, à tout bout de champ, ce sont des explosions de violences à coups de jets de pierres, pneus brûlés, barrages, cocktails molotov… Des nouveaux « outils d’expression » dans la zone d’El Koucha qui aujourd’hui se taille une image bien effrayante dans les médias. Les habitants de ce quartier « rebelle » de Taza El Oulya, dont certains armés, ont encore une fois, le 1er février dernier, mis à sac une partie de la ville. Et c’est toujours la même cible qui est visée, le siège de la province qui a été une nouvelle fois en proie à la fureur d’individus cagoulés et munis d’armes blanches.

La cause de la « fronde » n’est autre que la demande « expresse » de libération de 5 personnes interpellées suite aux attaques perpétrées le 4 janvier dernier pour demander la baisse des tarifs d’électricité et la démission du gouverneur. Après une courte accalmie, le 31 janvier, près de 300 manifestants se sont attaqués à Dar Attaliba où logent les renforts des forces dépêchées sur la petite ville pour rétablir l’ordre. Les « fauteurs de troubles » ont aussi bloqué le principal boulevard mitoyen de la préfecture de police et la route nationale n°6. Avec l’attaque du siège de la province, le 1er février, le quartier El Koucha a sombré encore une fois dans la violence. En effet, les affrontements entre forces de l’ordre et populations se sont poursuivis jusqu’à très tardivement la nuit de mercredi à jeudi. « Ils ont endommagé des biens publics et nous étions obligés d’intervenir pour apaiser la tension, voire pour éviter la propagation de ces actes à d’autres quartiers de la ville », explique un haut responsable de la province. Une intervention qui a abouti, précise-t-il, « à quelques interpellations, mais aussi à des blessés parmi les forces de l’ordre et les habitants ».

Jeudi 2 février, la ville était encore sous tension. À 10h du matin, plusieurs personnes étaient attroupées devant le siège de la préfecture de police. Elles cherchaient, en fait, des proches qui auraient été arrêtés lors de l’intervention. À l’hôpital Ibnou Baja, on dit que « le service des urgences n’a pas chômé cette nuit-là ».

La plupart des personnes ayant été admises font partie de la police. « Quatre-vingt quatre », selon un agent d’autorité. Mais à notre arrivée, on ne croisera que 6 policiers, des stagiaires en majorité, qui se trouvaient encore en soins intensifs. L’établissement sanitaire étant sous haute surveillance, il nous a été refusé de prendre des photos des « policiers blessés », sous prétexte de l’obligation de disposer d’une autorisation du ministère de la Santé (sic).

Dans le centre-ville, les éboueurs s’activent à dégager les voieries des tas de pierres qui les jonchent, sous l’œil attentif des autorités. Mitoyen du quartier en ébullition, le siège de la province est encerclé par la police, y compris la zone d’El Koucha, dans laquelle il existe encore des poches de résistance. Ici, des groupes d’intervention rapide (GIR) quadrillent les ruelles en véhicules blindés. À l’entrée du quartier, des tags appellent à la révolte et dénoncent le  gouvernement Benkirane. Partout, les signes de la violence sont très visibles. Pierres, débris de verres, ordures… La population qui n’en revient toujours pas accuse ouvertement les autorités de la casse. « Même ma moto a été incendiée par les forces de l’ordre qui ont eu recours à l’usage des gourdins et des bombes lacrymogènes pour disperser la masse », affirme un habitant. Et de s’interroger : « pourquoi endommager nos véhicules et nos minuteurs d’électricité ? Est-ce de cette manière que l’on peut rétablir l’ordre ? Où sont les voies du dialogue ? »

Terrifiée, une infirmière affirme, pour sa part, que « l’un des éléments des forces auxiliaires a même menacé ses quatre filles de viol », si elle continuait à prendre soin des grévistes blessés dans son domicile. Des propos impossibles à vérifier auprès des responsables. Du côté officiel, les propos sont bien sûr, nuancés. Un haut responsable territorial avertit qu’il ne faut pas se fier aux aveux d’une partie de la population « manipulée par des mouvements extrémistes ». En tout cas, une chose est sûre : Outre les dégâts matériels causés par l’intervention dans la zone d’El Koucha, les dommages sont aussi psychiques. En témoigne, cet enfant qui n’a cessé de pleurer, tout le temps que durera notre visite. Sa maman affirme que ses larmes coulent à flot depuis qu’il a vu les policiers prendre d’assaut sa maison, peu après 1 heure du matin. A ce propos, L’Économiste constatera de visu des marques de brodequins sur plusieurs portes.

Anxieux, les habitants d’El Koucha demandent réparation dans les plus brefs délais. Sinon…

Leur presse (Youness Saad Alami, leconomiste.com, 3 février 2012)

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