[Soutien aux inculpés de Valognes] Procès du 31 janvier

Soif de justice à Cherbourg

On se souvient que, devant « l’ampleur de la menace, son caractère protéiforme et le caractère très étendu des lieux », monsieur Adolphe Colrat, préfet de la Manche, avait pris un « arrêté portant interdiction de [la] manifestation » prévue pour s’opposer, autant que faire se pouvait, au départ du dernier convoi ferroviaire de déchets nucléaires CASTOR entre La Hague (France) et Gorleben (Allemagne). Des centaines de policiers et gendarmes avaient été mobilisées et envoyées face à un demi millier de manifestants. Ainsi avait pu être fièrement déployée toute l’agressivité nécessaire au maintien de l’ordre.

Et si le train avait pu partir, ce fut avec plusieurs heures de retard.

Malgré les craintes si clairement exprimées par le soucieux préfet, aucun dangereux activiste protéiforme ne fut arrêté dans le bocage…

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Valeureuse action anti-anti-nucléaire, détail.

Des poursuites furent pourtant engagées, par le parquet de Cherbourg, contre six personnes interpellées dans les parages. Le procureur de la République, monsieur Éric Bouillard, avait aussitôt tenu à leur faire une réputation :

« Il s’agit de personnes qui sont plus dans la mouvance altermondialiste voire casseurs que dans la mouvance écologiste. »

Deux de ces « voire casseurs » comparaissaient hier au tribunal de Cherbourg — qui s’occupera des quatre autres le 7 février.

Le premier, un étudiant belge de 23 ans, est « accusé de s’être introduit sur la voie ferrée et d’avoir agité un fumigène en direction des CRS ». Il nie les faits qui lui sont reprochés, mais la justice n’est pas là pour l’écouter. Madame Sarah Huet, substitut du procureur de la République, a requis trois mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende afin de le punir bien comme il faut.

Il faudra compter un mois de prison avec sursis supplémentaire et 500 euros de plus, pour refus de prélèvement ADN.

Le second était une seconde, une militante parisienne de 65 ans, qui avait à répondre du « vol de neuf canettes de soda provenant d’un fourgon de ravitaillement CRS qui avait été ‘caillassé’ et ‘intégralement détruit par le feu’ au cours de la manifestation ». Elle a reconnu s’être emparée de quelques canettes, puisqu’elle avait « très soif » et que « les militants n’avaient pas de ravitaillement ». Bien que les sodas aient été restitués inentamés, madame Huet a requis 300 euros d’amende.

Il faut y ajouter un mois de prison avec sursis et 500 euros supplémentaires, pour refus de prélèvement ADN.

Les membres du collectif Valognes Stop Castor, qui appelaient à se rassembler devant le palais de justice, ont sans doute raison d’affirmer que « tout cela ne devrait donner lieu qu’à un grand éclat de rire »…

Si madame Huet, substituée au procureur, a dû reconnaître, dans le cas de la militante assoiffée, que « bien évidemment c’est le contexte qui nous conduit à poursuivre », elle a, au cours de son réquisitoire, cru bon de lancer :

« Caillasser deux CRS et brûler un fourgon, c’est ça un mouvement démocratique mais on est où là ? »

Elle devait probablement trouver cette remarque très intelligente, mais ce n’est qu’une bien grossière façon d’amalgamer un vol de canettes et l’incendie d’un fourgon.

Pour rester dans le même registre de langage que madame Huet, disons qu’on peut trouver le procédé assez moyen…

P.-S. : Verdict le 7 février, date fixée pour la comparution des quatre autres prévenu(e)s.

P.-P.-S. : Et si l’un(e) ou l’autre des six inculpé(e)s se sentait venir une petite soif en passant vers Trifouillis, je leur ouvrirai la porte de ma cave. Il n’y a pas de sodas, mais on se débrouillera.

L’escalier qui bibliothèque, 1er février 2012.


Déchets nucléaires allemands : la suite pénale

Le premier procès des antinucléaires du collectif « Stop Castor Valognes » s’est tenu hier à Cherbourg. Il a été aussi celui de l’industrie nucléaire. Le tribunal rendra sa décision le 7 février.

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Les combinaisons utilisées le 23 novembre étaient sorties de nouveau hier devant le tribunal de Cherbourg.

Le 23 novembre, plusieurs centaines de militants antinucléaires, unis derrière un énigmatique [sic] collectif « Stop Castor Valognes », sont parvenus à retarder le départ vers l’Allemagne d’un convoi de déchets nucléaires conditionnés à l’usine Areva La Hague. Six personnes ont été interpellées ce jour-là. Deux comparaissaient hier devant le tribunal correctionnel de Cherbourg, les quatre autres seront jugées mardi prochain. Le parquet leur reproche des délits qui semblaient en décalage avec les enjeux de leur action. « Vous avez un train qui transporte des tonnes de déchets radioactifs et on nous parle d’un vol de cannettes », a ironisé Me Jérôme Bouquet-Elkaïm, avocat au barreau de Rennes, qui défendait les deux militants.

Pour « un débat démocratique »

L’une des personnes poursuivies, une retraitée parisienne, l’était pour le vol de neuf canettes de soda dans le seul fourgon de CRS qui ait été incendié. « Ces cannettes traînaient par terre. Nous avions soif. Je les ai ramassées. On n’a même pas eu le temps de les boire », a-t-elle expliqué. L’autre prévenu, un étudiant belge âgé de 23 ans, était accusé d’avoir tenu un fumigène sur la voie ferrée. Il a contesté. « Je n’étais pas sur la voie, mais à ses abords. » Pour l’avocat de la défense, « le dossier pénal est vide. Il n’y a pas de PV de constatation des faits, pas une photo pour identifier. » Même le fumigène, absent, relève de l’écran de fumée. « Qu’est-ce qui empêchait les gendarmes de le ramasser ? »

Pour l’avocat, cette action était inévitable parce que « le nucléaire n’a jamais fait l’objet d’un débat démocratique, alors que 70 % de la population est contre. La République, dans certains cas, ne fonctionne pas. C’est le cas du nucléaire, des OGM. Areva, c’est une métastase de notre République. »

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Sarah Huet, au nom du ministère public, a rappelé que la SNCF avait chiffré le coût de ses réparations à 500’000 €. « On n’est pas dans la contestation démocratique, mais dans le saccage. » Elle a requis trois mois de prison avec sursis et 500 € contre l’étudiant, 300 € d’amende contre la retraitée. Les deux prévenus étaient également jugés pour avoir refusé un prélèvement d’ADN, par « opposition à la criminalisation des militants ». Le parquet a requis un mois de prison avec sursis et 500 € d’amende. Le tribunal rendra sa décision le 7 février.

Europe Écologie-Les Verts, qui avait désapprouvé, comme Greenpeace, le mode d’action choisi par ces antinucléaires, leur a apporté son soutien, considérant que « le recours à la justice contre les militants devient le moyen d’en finir avec un débat public ». Le Crilan, mouvement historique en Cotentin, a également dénoncé « la criminalisation des luttes ».

Leur presse (Gilles Collas, Ouest-France), 1er février 2012.

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