[La liberté ou la mort] La mafia du nucléaire travaille

Un « couac » dans l’appel d’offres européen sur l’enquête Tchernobyl

On peut tout imaginer, un sabotage, un malentendu, une maladresse, une erreur de manipulation ou la manipulation d’une erreur, le simple oubli ou l’excès de zèle d’un fonctionnaire du territoire. Toujours est-il que cette affaire, qui n’en est pas encore tout à fait une, embarrasse la collectivité territoriale de Corse. Et doit singulièrement agacer Paul Giacobbi, le président de son exécutif, dont on connaît l’implication obstinée pour tout ce qui a trait aux faits et méfaits du nucléaire tant en Corse qu’à l’Assemblée nationale, notamment à travers sa proposition de loi relative à l’indemnisation des personnes victimes d’accidents et essais nucléaires. Une enquête interne est d’ailleurs en cours dans les services concernés de l’Assemblée pour découvrir ce qui a bien pu se passer.

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La Corse, qui a été l'un des territoires français les plus touchés par le nuage de Tchernobyl en 1986, détiendrait aujourd'hui le record de France des cancers de la thyroïde.

Un « oubli » ennuyeux

De quoi s’agit-il précisément ? Faisons un bref historique. Dans sa délibération du 11 février 2010, l’assemblée de Corse a approuvé le principe d’une enquête épidémiologique indépendante afin d’établir de façon objective l’impact sanitaire du nuage de Tchernobyl sur la population insulaire. On le sait, la Corse, qui a été l’un des territoires français les plus touchés en 1986, détiendrait aujourd’hui le record de France des cancers de la thyroïde, en tout cas, nombre de spécialistes y ont enregistré une forte recrudescence des pathologies thyroïdiennes, thyroïdites, nodules, goitres, etc. Par ailleurs, l’île réclame depuis plus de vingt ans un registre des cancers. Lors de la session publique d’octobre, l’assemblée de Corse, dans une délibération votée à l’unanimité, actait officiellement le lancement de l’étude épidémiologique via un appel d’offres à l’échelon européen assorti d’une enveloppe de 400’000 euros. À la délibération écrite était adjoint en annexe le cahier des charges dans lequel figure notamment une clause d’exception qui exige expressément des candidats soumissionnaires à l’enquête épidémiologique de n’avoir aucun lien avec les services de l’État. Ceci pour garantir la crédibilité scientifique des résultats.

Là où le bât blesse, c’est que dans le contenu de la publication officielle de l’appel d’offres, cette clause d’exception avait mystérieusement disparu. Ce qui est, il faut bien l’admettre, très ennuyeux lorsqu’on espère légitimement que l’enquête soit menée dans la plus grande transparence possible et en toute indépendance. Il est probable qu’il s’agisse d’une simple erreur technique, mais on ne peut totalement écarter l’hypothèse de la manipulation malveillante.

Des liens qui seraient avérés avec l’État…

Seulement voilà. Au moment de l’ouverture des plis, qui a eu lieu au mois de décembre, deux problèmes, on peut éventuellement parler d’interrogations fortes, ont surgi. D’abord, il n’y avait que deux organismes qui se sont porté candidats. Ce qui est peu pour un appel d’offres lancé sur tout le territoire européen. Il n’est pas impossible que le délai imparti de douze mois pour mener à bien l’enquête ait été jugé un peu trop court. Ce type d’investigations épidémiologiques peut parfois prendre des années. Le souci d’aller vite se comprend : faire toute la lumière sur les conséquences de Tchernobyl, après vingt ans de combat associatif et politique, juste avant la fin de la mandature, présente des avantages à bien des égards. D’un autre côté, avoir confiné les recherches à des données aussi précises que l’évaluation de l’impact du nuage radioactif sur les enfants âgés de moins de six ans au moment des faits, concentre l’enquête. Et avec les moyens logistiques adéquats, c’est, à en croire certains spécialistes, tout à fait possible en douze mois.

Mais ensuite — et surtout — les deux équipes pluridisciplinaires, française et franco-italienne, qui soumissionnent ont chacune dans leur effectif un membre qui a un lien avec l’État : un a été prestataire d’une étude diligentée par le ministère de la Défense, l’autre est un fonctionnaire d’une agence régionale de la Santé. Évidemment, il n’y a aucune malhonnêteté de leur part puisque les candidats ont répondu à un appel d’offres qui ne comprenait pas la clause d’exclusion. Par ailleurs, les deux organismes aujourd’hui en concurrence pour emporter le marché présentent incontestablement des références solides au niveau scientifique.

Reste à savoir si la disparition malencontreuse de la clause ne soulèvera pas de problèmes juridiques. On a appris que des membres de la commission Tchernobyl sont amers et souhaiteraient que l’appel d’offres soit déclaré infructueux, mais une majorité estime à l’inverse que le candidat retenu peut être « recadré », et qu’il est grand temps d’aboutir.

La commission d’appel d’offres de la CTC, qui doit se réunir deux fois ce mois-ci, aujourd’hui et dans deux semaines, devra prendre la bonne décision. Et dissiper tous les nuages…

Leur presse (CorseMatin.com), 5 janvier 2012.

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