Interpellation mouvementée à Clermont-Ferrand : « Il a été maintenu artificiellement en vie »
Dans un entretien exclusif au Progrès, un policier de Clermont-Ferrand explique que l’homme qui a été déclaré mort ce lundi, après une interpellation mouvementée la nuit de la Saint-Sylvestre à Clermont-Ferrand, a été maintenu artificiellement en vie.
Pour ce policier, Wissam El Yamni a appelé lui-même la police avec son téléphone portable en signalant un homme blessé qui n’existait pas « afin d’attirer les flics dans un traquenard ». Agé de 30 ans, était sous l’emprise de l’alcool, du cannabis et de la cocaïne lors de son interpellation dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, près d’un centre commercial du quartier de la Gauthière. D’après les forces de l’ordre, il s’en était pris aux policiers, lançant des projectiles sur leur véhicule.
(…)
Depuis la Saint-Sylvestre, une tension palpable est perceptible à Clermont-Ferrand, avec plusieurs dizaines de voitures brûlées ce week-end et une marche silencieuse de plus de 500 personnes samedi. Les participants, des jeunes gens issus des quartiers populaires de la ville pour l’essentiel, se sont rendus devant le commissariat derrière une banderole sur laquelle était inscrit « Personne au-dessus des lois, stop bavure, on est tous avec toi Wissam ».
Lundi, le calme était revenu dans les quartiers nord de Clermont-Ferrand. Mais les violences, qui se sont limitées les nuits dernières à des feux de voitures, sans affrontements entre jeunes et forces de l’ordre, pourraient prendre de l’ampleur après l’annonce du décès de Wissam El-Yamni.
Une habitante du quartier de La Gauthière a dit avoir été témoin lors de la nuit du réveillon des violences exercées à l’encontre du jeune homme, alors qu’elle fumait ue cigarette à sa fenêtre. « Deux personnes l’ont plaqué au sol et lui ont donné des coups au torse et à la tête », assure-t-elle.
Trois jeunes de 18 à 20 ans ont comparu lundi pour des jets de pierre dans la nuit de samedi à dimanche, qu’ils nient tous les trois. Le premier a été condamné à quatre mois de prison dont deux ferme, le deuxième a été relaxé et le troisième, également poursuivi pour rébellion, condamné à un an de prison ferme, une peine-plancher liée à son « état de récidive ».
Une information judiciaire pour « coups et blessures volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » a été ouverte vendredi par le parquet de Clermont-Ferrand, visant deux fonctionnaires de police qui ont procédé à l’arrestation, et ne sont pas suspendus à ce stade de l’enquête. « La qualification pénale va changer » et deviendra « violences ayant entraîné la mort », a ajouté l’avocat de la famille, qui va « demander à ce qu’un maximum de témoins soient entendus par les magistrats instructeurs ».
Leur presse (On n’arrête pas le Progrès), 10 janvier 2012.
Clermont-Ferrand : Les proches de Wissam réclament « justice »
« Il faut que justice soit faite. » Dans le quartier sensible de La Gauthière, à Clermont-Ferrand, les proches de Wissam El-Yamni témoignaient ce mardi de leur douleur au lendemain de sa mort après une interpellation controversée, sollicitant les dons des habitants pour soutenir sa famille.
« Aujourd’hui, on est en deuil, mais aussi en colère. Et on a la haine », disait ce mardi matin un ami de ce chauffeur routier de 30 ans, réuni avec d’autres autour d’un thé au lait, à la terrasse du restaurant de kebab du centre commercial planté au milieu des immeubles d’une dizaine d’étages. Sur la table, une boîte destinée à recueillir de l’argent pour la famille de cet homme « marié, souriant, aimé de tous » dit un de ses amis, disant que sa mort a frappé de stupeur « toute la communauté » musulmane du quartier.
« Ce n’est pas une bavure, c’est un acte de barbarie »
« C’était notre frère. Sa mort, ce n’est pas une bavure, c’est un acte de barbarie », disent ces jeunes adultes, qui tiennent à rester anonymes et réclament « justice ». Certes, admet l’un d’eux, Wissan « avait fumé, peut-être bu une bière, peut-être lancé une pierre sur les policiers. Mais eux, ils auraient dû l’arrêter et le menotter », dit un collègue chauffeur routier, qui ne sait si Wissan El Yamni sera enterré en France ou au Maroc.
Selon les premiers éléments de l’enquête, ce trentenaire sans antécédents médicaux est suspecté d’avoir jeté une pierre sur les forces de l’ordre, qui l’ont décrit comme très agité. Il a été plaqué au sol et a fait un malaise cardiaque. Il présentait des fractures et des lésions au cou. C’est du moins cette version que retiennent ces hommes, visage fermé, dont la colère, même vis-à-vis des journalistes, coupables de déformer leurs propos, ne cesse de monter à mesure qu’ils expriment leurs sentiments. Pour eux, nul doute que les policiers ont continué « à le frapper » après l’avoir maîtrisé.
« Guéant, c’est le ministre que des flics »
Les propos du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, interprétés comme une prise de position en faveur des policiers, résonnent comme « une provocation » ici. « Guéant, c’est le ministre que des flics », dit l’un des hommes. « Même si on s’habille bien, on reste des Arabes », s’emporte un autre habitant de ce quartier de la Gauthière où, comme aux Vergnes, le chômage touche un peu plus de 40% des 18-25 ans, deux fois plus que la moyenne, souligne la mairie. Les tensions, les voitures brûlées, la présence chaque nuit depuis cinq jours des CRS en tenue d’intervention, ont exacerbé les passions.
Sur le marché, certains habitants n’hésitent pas à évoquer leur « peur ». (…)
Leur presse (Agence Faut Payer), 10 janvier 2012.
Clermont : « ce n’était pas des petits coups »
TEMOIGNAGE E1 — Laure a assisté, depuis son appartement, à l’arrestation musclée de Wissam El-Yamni.
C’est l’une des rares témoins de la scène. Laure habite le quartier de la Gauthière, à Clermont-Ferrand, non loin de là où a été interpellé Wissam El-Yamni, la nuit de la Saint-Sylvestre. Elle a vu, depuis la fenêtre de son appartement au quatrième étage d’un immeuble qui surplombe le centre commercial, comment s’est déroulée l’arrestation. Sa description est loin de confirmer le récit des policiers.
« Ils ont sauté sur lui »
Laure a raconté au micro d’Europe 1 que le jeune homme de 30 ans a été arrêté devant les vitrines des magasins et placé à l’arrière d’une voiture banalisée. La voiture aurait ensuite été se garer 300 mètres plus loin avant de s’arrêter à nouveau sur un parking à l’écart. C’est là que l’interpellation aurait dégénéré.
« Le jeune est sorti de la voiture. Il s’est mis à courir, même pas deux mètres. Deux messieurs sont sortis de la voiture — deux policiers –, ils ont sauté sur lui, l’ont plaqué au sol, l’ont tapé : ils lui ont donné des coups au niveau de la tête et au niveau du thorax », a-t-elle détaillé.
« Et ce n’était pas des petits coups qu’ils donnaient »
Laure a assuré, à deux reprises devant la police des polices, que les fonctionnaires qui ont interpellé Wissam El-Yamni « y allaient violemment avec des coups de pieds. Et celui qui était vers la tête a fini avec des coups de poings. Ca a duré cinq-dix minutes », a précisé Laure. Des propos appuyés par ceux d’une de ses voisines. (…)
Leur presse (Europe1), 10 janvier 2012.
Mort à Clermont-Ferrand : Deux policiers mis « hors service », selon Claude Guéant
FAITS-DIVERS – Ils avaient participé à l’interpellation le 31 décembre d’un homme décédé lundi…
Claude Guéant, qui a demandé l’ouverture d’une enquête sur l’interpellation qui aurait conduit à la mort de Wissam El-Yamni, a annoncé ce mardi sur BFM TV que deux fonctionnaires avaient été mis « hors service, en congés ».
A l’heure actuelle, « les éléments disponibles ne sont pas suffisants pour prendre une position d’équité », a ajouté le ministre de l’Intérieur qui avait déclaré lundi soir que « s’il y a eu une interpellation difficile, ça n’est pas le fait des policiers. » (…)
Leur presse (20Minutes.fr), 10 janvier 2012.
La suspension des policiers réclamée à Clermont-Ferrand dans l’affaire El Yamni
Des voix se sont élevées mardi pour réclamer la suspension des deux policiers mis en cause dans l’affaire El Yamni, du nom de cet homme décédé après son interpellation controversée dans un quartier sensible de Clermont-Ferrand, sous tension depuis.
La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et la CGT estiment ainsi que « suspendre » les deux policiers, à ce jour simplement mis « en congés », permettrait de ramener le calme, même si la nuit de lundi à mardi a été moins agitée que les précédentes, avec cinq voitures brûlées et 17 interpellations.
« Les jeunes peuvent avoir l’impression qu’il y a deux poids deux mesures », avec d’un côté des jeunes brûleurs de voitures jugés en comparution immédiate, et de l’autre des fonctionnaires toujours en fonction, a expliqué à l’AFP Me Jean-Louis Borie du barreau de Clermont-Ferrand, avocat de la LDH.
Pour la CGT Puy-de-Dôme également, « des mesures conservatoires doivent être prises à l’encontre des agents incriminés, montrant ainsi la détermination des pouvoirs publics dans la recherche de la vérité ».
Synergie, second syndicat d’officiers de police, a quant à lui apporté son « soutien » aux deux policiers, exhortant « la cohorte des petits inquisiteurs de salons à s’abstenir de lyncher médiatiquement les policiers » incriminés, tandis que le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a indiqué qu’ils avaient été mis « en congés ».
« Il me semble que c’est la mesure conservatoire minimum qui pouvait être requise », a réagi le maire socialiste de Clermont-Ferrand, Serge Godard, interrogé par l’AFP.
Sur une possible suspension, M. Guéant a précisé que « les éléments disponibles sur ce qui s’est passé réellement ne sont pas suffisants pour prendre une position qui soit une position d’équité ».
« Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, les policiers ont été appelés par quelqu’un sur les lieux où paraît-il se trouvait un blessé. Ils ont été accueillis par ce monsieur à coups de pierre, il a donné des coups de pied dans la voiture, il a frappé les policiers qui ont eu beaucoup de mal à le maîtriser », a rappelé le ministre de l’Intérieur.
« L’origine de l’interpellation difficile, ce n’est pas la police qui l’a créée. Ceci dit, les enquêtes diront ce qui s’est passé », a-t-il martelé.
Après une course-poursuite, M. El Yamni avait été plaqué au sol. Il était tombé dans le coma après un malaise cardiaque durant son transport au commissariat et présentait des fractures et des lésions au cou.
L’information judiciaire pour « coups et blessures volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » ouverte vendredi a été requalifiée en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique », a indiqué le parquet. La peine encourue est de vingt ans de réclusion criminelle.
Les deux fonctionnaires ne sont pas mis en examen à ce stade. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) mène aussi une enquête.
La LDH va quant à elle chercher à se constituer partie civile.
Me Borie a dénoncé le « dispositif de guerre » mis en place par le préfet, avec 400 fonctionnaires de police et de gendarmerie mobilisés, appuyés par un hélicoptère muni d’une torche éclairante, pour un bilan de cinq voitures brûlées dans la nuit de lundi à mardi. Le dispositif pourrait être reconduit.
Le parquet a par ailleurs précisé que les pompiers avaient été appelés en amont depuis le téléphone de Wissam El-Yamni, déclenchant leur intervention pour sauver un blessé imaginaire, dans ce qui pourrait être un guet-appens tendu aux forces de l’ordre.
Leur presse (Agence Faut Payer), 10 janvier 2012.