[Azawad] « Nous comptons reprendre notre destin en main »

Interview. « Les touaregs sont le rempart à l’expansion du terrorisme d’Al-Qaida »

La tension monte au Mali. Les Touaregs veulent chasser de leur territoire l’armée et Al-Qaida, qu’ils accusent de collusion.

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Les « hommes bleus », ainsi qu’on surnomme les Touaregs, veulent constituer leur propre gouvernement dans la région de l’Azawad.

Les ONG présentes dans la région ont tiré la sonnette d’alarme. Les enlèvements de ressortissants occidentaux au Sahel ne sont que le symptôme d’une situation qui va en se dégradant. « Le dialogue est rompu. Le pouvoir malien est en train d’envoyer des chars et plusieurs milliers d’hommes sur le terrain dans l’extrême nord. Nous sommes dans la reprise des hostilités entre Bamako et les Touaregs », déclare à la Tribune de Genève Hama Ag Sid’Ahmed, porte-parole du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).

La mort en août dernier du fondateur du MNLA, Ibrahim Ag Bahanga, vraisemblablement tué dans une embuscade, a nourri la colère des Touaregs. En outre, l’aide promise par l’Etat malien lors de la signature de l’accord de paix, à Alger en 2006, n’est jamais arrivée.

Une région instable

« Nous comptons reprendre notre destin en main », explique le représentant du MNLA. Créée il y a un peu plus d’un an, la nouvelle rébellion touareg du Nord s’est dotée d’une direction politique et d’un commandement militaire. La chute du régime libyen a ramené vers elle des hommes aguerris, qui disposent sans doute d’une partie de l’arsenal militaire qui s’est évaporé dans le désert ces derniers mois. Le reste est tombé entre les mains d’Al-Qaida. La région de l’Azawad a toujours été instable. La première rébellion remonte au début des années 60.

« On veut constituer un gouvernement, une sorte d’Etat qui prendrait en compte tous les aspects politiques, sécuritaires et économiques de la région », poursuit Hama Ag Sid’Ahmed, qui déplore la passivité de la communauté internationale. « Elle a minimisé le problème et tardé à prendre conscience de la gravité de la situation », déplore-t-il. La capture d’otages a changé la donne. Les rebelles touaregs, voient d’ailleurs dans ces enlèvements une raison de plus pour défier le pouvoir malien.

Le représentant du MNLA soutient qu’une partie de l’armée malienne est de connivence avec les groupes terroristes d’Al-Qaida au Maghreb islamiste (AQMI). « Certaines bases d’AQMI se situent à 10 ou 15 kilomètres à peine des bases militaires. Des officiels ont des contacts directs avec les chefs terroristes. Cela, pour faire en sorte d’évacuer les Touaregs de leur territoire », soutient Hama Ag Sid’Ahmed, qui pointe aussi le rôle joué dans la région par les « barons de la drogue ».

Un millier de combattants

Les Touaregs ne sont pas les premiers à dénoncer cette collusion. Désormais, ils ne souhaitent plus être de « simples spectateurs ». « Bamako et AQMI, c’est du pareil au même. Puisque tout le monde tente de nous chasser de la région, nous essayons de nous réorganiser pour récupérer progressivement ce qui nous appartient », explique le porte-parole du MNLA. « Aujourd’hui, les Touaregs restent le seul rempart possible à l’expansion d’AQMI », insiste-t-il.

En octobre dernier, la rébellion a déclaré la guerre à Al-Qaida. Hama Ag Sid’Ahmed reconnaît que certains jeunes Touaregs se sont laissés embrigader par l’AQMI. « Depuis deux mois, nous avons intensifié nos efforts pour les récupérer. Vingt-cinq d’entre eux ont déjà regagné nos rangs », assure-t-il. L’envie d’en découdre est là. Elle répond aussi à une soif de liberté.

« Cela fait vingt ans que les groupes islamistes installent ou tentent d’installer leur autorité à quelques kilomètres de nos maisons, qu’ils interdisent à nos jeunes le plaisir de la musique, et on ne devrait rien faire ? Vous savez, cette musique du groupe Tinariwen que vous avez appréciée au festival de Montreux en 2007, elle est interdite par Al-Qaida dans mes montagnes ! » rappelle Hama Ag Sid’Ahmed. Et de compléter : « Notre culture, c’est la tolérance et l’hospitalité, pas les enlèvements. »

Le MNLA disposerait d’un millier de combattants et d’une quarantaine d’officiers touaregs, tous très bien formés. « Nous avions alerté les pays occidentaux il y a plus de quatre ans sur la situation dans la région. Personne n’a voulu nous croire ni nous écouter », déplore Hama Ag Sid’Ahmed, qui lance un ultime appel à la communauté internationale pour qu’elle aide les Touaregs « à sortir de ce chaos et évite l’embrasement de l’ensemble de la région ».

Leur presse (Alain Jourdan, Tribune de Genève), 8 janvier 2012.

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