Mayotte – EDM : « Des exactions indignes et inacceptables »
Hier soir, 28 décembre, un nouveau sabotage des installations d’EDM (Électricité de Mayotte) à Mayotte a privé l’île d’électricité pendant plus de sept heures avec toutes les conséquences que cela induit. EDM dénonce « des exactions indignes et inacceptables » commises sur ses installations » et a porté plainte contre X.
Avec sept sabotages constatés par les services d’EDM — et par la population — depuis le 21 décembre, et si l’enquête confirme l’implication des grévistes dans ces actes, on aura quitté une fois de plus à Mayotte, le combat syndical pour entrer dans la simple délinquance. Si la lutte syndicale est tout à fait honorable et nécessaire à l’exercice de la démocratie dans le monde du travail, certains « débordements » sont indéfendables et nuisent à la lutte sociale. Il n’est pas dans la tradition syndicale de détruire l’outil de travail, c’est une simple question de bon sens. La raison d’être d’un syndicat est de défendre les salariés, pas de les priver d’emploi de facto. Mais quand ces exactions se font en catimini, la nuit avec la volonté évidente de ne pas assumer la responsabilité de ses actes, cela devient tout simplement insupportable, quel que soit le bien fondé des revendications. Cela rappelle le temps pas si lointain où l’on distribuait des tracts anonymes aux abords de la barge dénonçant nommément, avec force insultes et calomnies, tel ou tel cadre d’une administration qui avait eu le malheur de déplaire à un quelques-uns ou même à un seul individu. La personne visée se trouvait en proie à la vindicte populaire sans aucun moyen de se défendre.
Mercredi soir, de nouvelles exactions ont provoqué une coupure généralisée qui a durée toute la nuit, de 23h49 à 6h40, selon la direction d’EDM. Ses services ont recensé pas moins de sept « actes de malveillance » depuis le début de la grève le 21 décembre, « provoquant des coupures locales et tournantes sur le territoire affectant 16’500 clients. Des manœuvres par le gestionnaire de réseau ont alors été rendues nécessaires pour rétablir l’intégrité du réseau électrique jusqu’à 2h21 du matin privant temporairement 19’000 clients d’électricité. »
Le 24 décembre au soir, et personne ne peut croire à un quelconque hasard de date et d’horaire, « de nouveaux actes de malveillance sur nos installations ont entraîné des délestages à partir de 20h12 puis une coupure généralisée sur tout le territoire à 20h25 ». Dans le sud de Mayotte, il aura fallu attendre 23h30 pour que la situation soit rétablie.
Deux jours plus tard, le 26 décembre, un câble haute tension a été sectionné par une pelle mécanique. Ce type d’accident qui n’est pas rare à Mayotte n’a habituellement pas de répercussion sur l’alimentation en énergie de Mayotte, « les systèmes de protection du réseau » permettant d’y pallier, mais « en raison des actes de malveillance commis les jours précédents qui ont fragilisé ces systèmes, cet accident a entraîné une nouvelle coupure généralisée sur tout le territoire ».
Les 35 grévistes, soit 20% des 175 que compte EDM, sont mis en cause par la direction de la société qui produit et distribue l’électricité à Mayotte. À l’origine de ce conflit, une revendication salariale demande l’alignement des salaires des employés d’EDM sur ceux versés dans les autres départements d’outremer qui se traduirait par une augmentation de 25% des salaires versés aux agents d’Électricité de Mayotte.
Ces actes de dégradation à répétition ont poussé la direction d’EDM à riposter en déposant plainte contre X ce qui devrait déclencher l’ouverture d’une enquête.
Il existe des exemples dans l’histoire récente de menaces de sabotages dans des entreprises françaises par leurs salariés. Il s’agit toujours de salariés en voie d’être licenciés pour cause de fermeture de leur entreprise et ils sont surtout l’expression d’un profond désespoir. Par exemple, en août 2009, une soixantaine de salariés de l’entreprise de transports Serta, au bord de la liquidation judiciaire, menaçaient de déverser 8.000 litres de produits toxiques dans un affluent de la Seine près de Rouen pour obtenir une indemnité de départ de 15.000 euros.
Plus près de nous, une trentaine de salariés d’une usine d’équipement automobile vouée à la fermeture, à 70 km au nord de Paris, menaçaient, en avril 2010, de faire exploser leur lieu de travail en incendiant une citerne de gaz.
Dans ces deux cas, il s’agissait de salariés qui étaient en train de perdre leur emploi et les menaces n’ont d’ailleurs pas été mises à exécution. Mais, surtout, elles avaient été faites à visage découvert et en pleine lumière, devant la presse. Les destructions à répétition auxquelles on assiste à Mayotte concernent non seulement un outil de travail, mais surtout un bien que l’on peut considérer comme public. Elles n’ont donc aucun rapport avec la lutte syndicale, s’apparentant davantage à des actes de sabotage.
On peut également, bien entendu, évoquer les « faucheurs volontaires » qui passent à l’acte en s’en prenant à ce qu’ils considèrent comme une menace pour la santé de toute la population, et n’hésitent pas à passer plusieurs mois derrière les barreaux dans un combat qui n’a rien à voir avec des revendications corporatistes. En effet, à aucun moment, depuis le début de cette grève, n’a été évoquée une quelconque revendication concernant l’ensemble des Mahorais. Pourtant, ce sont eux qui subissent les effets de ces destructions. Nous sommes en pleine saison chaude et un congélateur arrêté pendant toute une nuit laisse planer un doute sur la conservation de son contenu.
Leur presse (Éric Trannois, Malango Actualité), 30 décembre 2011.