[Tahrir vaincra] L’urbanisme et la révolution

Le Caire et ses murs

(…) quelques images prises lors d’un petit tour de centre-ville datant du 23 décembre. Il faut dire que le paysage urbain a subi de sérieuses modifications.

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La rue Mohamed Mahmud où se sont déroulés les violents combats entre le 19 et le 22 novembre, est fermée par un monumental mur. L’objectif déclaré de cette construction était de protéger le Ministère de l’Intérieur, qui est pourtant à plusieurs rues de là. En lettres rouges, sur les énormes blocs que viennent observer des jeunes en promenade dans cette artère qui ne mène plus nulle part : « La liberté viendra, c’est sûr ». (…)

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La rue perpendiculaire (Youssef el-Jundy), qui longe le mur arrière de l’Université Américaine, a aussi été fermée à l’aide de gros moellons. Les habitants du quartier contournent comme ils peuvent. Les enfants regardent à travers les trous le no-man’s land qui se trouve derrière, surveillé par quelques soldats.

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La rue Qasr el-Einy, théâtre des affrontements au cours desquels l’armée a déployé une violence inouïe contre les manifestants/tes, a été la première bouclée de cette façon par l’armée, inaugurant une modalité de gestion des conflits qui donne lieu à de nombreuses blagues au Caire sur le mode : « si l’armée se reconvertit dans la construction, le peuple égyptien va enfin pouvoir respirer ». Une photo panoramique  sur le net, permet un 360° à l’arrière de ce mur tel qu’il était le 18 décembre.

Outre l’avenue elle-même, (photo ci-dessus) c’est l’entrée de l’Assemblée Nationale qui a été ainsi obstruée, ce qui, en pleine période électorale, constitue tout de même un symbole fort (photo ci-dessous).

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Quatre murs, aussi imposants soient-ils, suffiront-ils à contenir la colère qui monte ? Le résultat le plus évident des derniers affrontements est bel et bien la fin de l’état de grâce entre le peuple égyptien et son armée. La victoire en justice de Samira Ibrahim contre la pratique du viol par l’armée (pudiquement nommé « test de virginité »), la libération du blogueur Alaa Abd-el-Fattah ne font que renforcer la légitimité de cette colère.

Les manifestations qui se préparent depuis un mois déjà, pour le 25 janvier 2012 promettent une forte mobilisation. Un an après, la détermination des jeunes semble intacte ; ce qui a sérieusement faibli, c’est leur naïveté. La question des stratégies à long terme pour venir effectivement à bout de l’ancien régime que l’armée incarne désormais, est donc à l’ordre du jour ; c’est une sérieuse avancée. (…)

Blog Snony, 28 décembre 2011.


Army walls

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Mur barrant la rue Mohamed Mahmoud

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Rue Sheikh Rihan

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Rue Qasr el-Aini

Blog 3arabawy, 24 décembre 2011.


Les murs de la honte

Incapables de trouver une solution politique pour désamorcer la contestation, les militaires ont élevé des murs composés de blocs de béton pour séparer les forces de l’armée égyptienne des manifestants.

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Avenue Kasr Al Aini en plein cœur de la bataille, qui longe les sièges du parlement, du sénat, le bâtiment du conseil des ministres et celui de l'Institut d'Égypte

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La rue Mohammad Mahmoud, qui mène au ministère de l'Intérieur

Galila El Kadi – 20 décembre 2011.


Égypte – Place Tahrir, la guerre de position

Militaires et manifestants se livrent une bataille stratégique pour le contrôle de la place emblématique du Caire.

Toute l’affaire de la révolution égyptienne a été l’occupation et l’appropriation de l’espace public par le peuple. Les manifestants avaient redoublé d’inventivité pour échapper aux pièges du régime de Moubarak. Mais cette fois-ci, ils sont peu nombreux. […] l’armée les attaque ouvertement […] Les militaires imposent au fil des jours une stratégie claire : ils reprennent le terrain aux manifestants. La géographie de cette occupation reste incertaine. Au Caire : tout peut changer en quelques heures et en quelques mètres. Un mur de blocs de ciment peut être construit du jour au lendemain. Le Point.fr vous propose une chronologie des événements marquants des quatre dernières semaines.

1. Le premier mur : 24-25 novembre

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Dans la révolution égyptienne, on connaissait les barrages des comités populaires et les barrages de chevaux de frise et de barbelés des militaires. Du 24 au 25 novembre, c’est carrément un mur que les militaires construisent sur la rue Mohammed Mahmoud. Une trentaine de blocs de béton bloquent le passage. La rue avait été le théâtre d’affrontements sanglants. Le mur sépare les belligérants. La manifestation grossit, puis s’éteint peu à peu. La place Tahrir est rendue à la circulation. Seule la rue du Parlement maintient un sit-in devant un pâté de maisons qui contient le Majlis el-Shab (l’Assemblée du peuple), le Majlis al-Choura (la Haute Assemblée) et le cabinet du Premier ministre honni par les manifestants, Kamal al-Ganzouri.

2. L’armée prend la rue du Parlement : nuit du 15 au 16 décembre

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Personne ne sait ce qui s’est exactement passé ce jour-là. Une bavure entre un ultra (membre d’un club de supporteurs de foot particulièrement remuants) ? Ou le CSFA (Conseil suprême des forces armées) qui veut reprendre la situation en main ? Quelle que soit la cause, la conséquence est implacable : l’armée occupe dans la nuit la rue du Parlement.

3. La bataille de l’avenue Qasr al-Eini : 16 décembre

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Les manifestants reculent dans l’avenue perpendiculaire à la rue du Parlement. Les affrontements sont sanglants : une dizaine de morts et une centaine de blessés chez les manifestants. Les autorités, composées de militaires, de baltaguias, de moukhabarats, apprennent désormais à se positionner en hauteur. Elles peuvent ainsi épuiser les manifestants sans être touchées. Pas un mort connu, pour l’instant, dans leur camp.

4. La stratégie se construit : 17 décembre

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Les autorités visent les femmes et les journalistes — et reprennent, méthodiquement, l’avenue Qasr al-Eini. Dans la journée, vers 15 heures, elles y construisent un mur sous les huées de la foule impuissante. La stratégie est rodée : dans la nuit, à partir de 4 heures du matin, au moment où la mobilisation est la plus faible, les militaires attaquent. Les manifestants courent, vont, reviennent, sont toujours aussi courageux. Mais pendant ces courses-poursuites, les équipes du génie s’affairent et prennent position, veillant toujours à mettre à disposition des autorités des bâtiments en hauteur — ce n’est pas ce qui manque dans le coin. Le 18 décembre, les manifestants reculent, encore. Toujours aussi courageux, ils concentrent leurs attaques sur la rue Sheikh Rihan. En vain : toujours en hauteur, les militaires et les baltaguias sont intouchables. Pris entre deux feux, l’Institut égyptien part en fumée. Dans la nuit, l’armée continue son manège sanglant : vers 4 heures, elle charge les manifestants qui se dispersent. Ils perdent encore du terrain.

5. L’occupation progresse : 19 décembre

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Un nouveau mur est construit rue Sheikh Rihan. Cette fois-ci, les manifestants sont vraiment à l’étroit. Coincés entre la place Tahrir toujours ouverte à la circulation et les murs qui s’édifient sans cesse devant eux, leur courage ne faiblit pas. Mais devant l’occupation méthodique et implacable des autorités, ils ne peuvent que reculer. Par-derrière, les militaires rendent l’avenue Qasr al-Eini aux voitures, mais contrôlent toujours la zone de très près.

Leur presse (Samuel Forey & Olivier Laffargue, LePoint.fr), 20 décembre 2011.

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2 réponses à [Tahrir vaincra] L’urbanisme et la révolution

  1. Khemaïs dit :

    Sûrement ; il y a des « ACAB » sur certaines photos de graffiti autour de Tahrir, voir aussi cette bannière : http://www.flickr.com/photos/toriaar/6390250929/

  2. Hourra dit :

    Est-ce que ce serait un « ACAB » qu’on pourrait lire, tagué sur les blocs de béton sur la première photo ?

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