[Chine] Les ouvriers s’organisent, les révoltes se multiplient

Chine : « Les ouvriers s’organisent de mieux en mieux »

Interview : Geoffrey Crothall, porte-parole de l’ONG China Labour Bulletin, analyse le mouvement social en cours.

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Grève des ouvrières de Hi-P, Shangai, décembre 2011

Plus de 10’000 ouvriers se sont mis en grève depuis la fin novembre dans le Guangdong, où sont basées la majorité des usines travaillant pour l’export. « Les mouvements sociaux vont augmenter car un nombre croissant d’ouvriers en usines, et dans d’autres secteurs comme les transports, n’arrivent plus à joindre les deux bouts », estime Geoffrey Crothall, porte-parole de China Labour Bulletin, une ONG basée à Hongkong, qui défend les droits des travailleurs chinois.

Quel est l’impact du ralentissement de l’économie chinoise ?

Pendant la crise de 2008, vingt millions d’ouvriers migrants sont rentrés chez eux faute de travail, mais il serait surprenant, cette fois-ci, que les choses aillent aussi mal. Certaines entreprises ferment, mais d’autres continuent d’embaucher. La différence est que, naguère, les ouvriers se laissaient faire. Là, ce n’est plus le cas. Leur pouvoir de négociation s’est accru en raison d’une pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans un nombre croissant de secteurs. De plus, ils n’hésitent plus à réclamer leurs droits et s’organisent de mieux en mieux.

D’où proviennent ces pénuries de main-d’œuvre ?

La principale raison est démographique. Il y a de moins en moins de jeunes sur le marché du travail, or les entreprises n’embauchent que les moins de 30 ans.

Combien y a-t-il de grèves en Chine ?

On recense environ 30’000 grèves et arrêts de travail par an, mais on en attend davantage, car les entreprises en difficulté suppriment les heures supplémentaires, sans lesquelles les ouvriers ne gagnent pas assez pour vivre. D’autres protestent contre le transfert de leur usine dans des régions meilleur marché, car les patrons en profitent pour leur faire signer des contrats moins avantageux.

Combien gagnent les ouvriers ?

Au cœur de la zone industrielle chinoise, dans le Guangdong, un ouvrier gagne entre 1200 et 1400 yuans mensuels (140 à 165 euros) et 2000 yuans (235 euros) avec les heures supplémentaires — soit dix heures par jour et six jours par semaine.

Comment les ouvriers s’organisent-ils puisque les syndicats libres sont interdits ?

Avec les microblogs et les téléphones mobiles, souvent en très peu de temps. Quelques volontaires suffisent à lancer un mouvement de milliers d’employés, car tous font face aux mêmes problèmes.

Comment se terminent les grèves ?

Généralement par un accord a minima entre la direction et les délégués des grévistes. Bien qu’ils ne soient pas officiellement reconnus, ces derniers s’asseyent souvent à la table des négociations. Mais ces délégués sont parfois harcelés ou contraints à la démission. Il arrive aussi que le gouvernement local agisse en médiateur. Cet été, nombre d’ouvriers ont remporté de grandes victoires, avec des augmentations de salaire de 50 %, mais ce genre de concessions n’est plus envisageable en raison du ralentissement économique.

Existe-t-il des fédérations syndicales clandestines ?

Tant que la mobilisation ouvrière se fait usine par usine, les autorités ne s’en inquiètent pas trop. Mais si des fédérations clandestines se constituaient, elles seraient immédiatement réprimées.

Pourtant, désormais, les autorités répriment rarement les grèves…

Elles emprisonnent quand des violences éclatent. Sinon, c’est rare, car il y a trop de grèves, et les prisons seraient pleines. En revanche, elles imposent un black-out médiatique.

Pékin vient d’annoncer un renforcement de sa « gestion sociale ». À quoi peut-on s’attendre ?

Le gouvernement chinois va sans doute accroître la surveillance afin de mieux prévenir les grèves et les conflits sociaux. La police a jusqu’alors échoué de ce point de vue, et il n’y a pas de raison de penser qu’elle réussira cette fois. Les autorités n’ont pas encore compris que pour réduire les conflits du travail, il est nécessaire d’établir un système de communication entre les employés et la direction des entreprises, et cela n’est possible qu’au travers de syndicats représentatifs qui défendent réellement les intérêts des ouvriers. Tant qu’un tel mécanisme n’existe pas, il y aura de plus en plus de conflits du travail.

Leur presse (Libération), 27 décembre 2011.


Chine : les révoltes citoyennes vont se multiplier, selon un haut responsable

Un haut responsable chinois, qui avait aidé à désamorcer la rébellion des habitants d’un village de Chine excédés par les expropriations, a estimé que le pays devait se préparer à d’autres protestations de ce type parce que les citoyens réclament le respect de leurs droits.

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« Dans cette région (du sud), il y avait beaucoup de problèmes qui n’ont pas été traités à temps. Et une fois que la violence a surgi, les retombées ont été graves », a déclaré Zhu Mingguo lors d’une réunion sur la stabilité sociale, cité par le quotidien officiel Guangzhou Daily.

« C’est comme une pomme pourrie en son cœur. À l’extérieur, la peau est rouge mais une fois qu’on l’ouvre, on ne peut plus rien faire », a-t-il ajouté.

Les paysans de Wukan, un gros bourg de 13.000 résidents, sur la côte de la province du Guangdong (sud), se sont révoltés pour dénoncer la corruption de leurs cadres communistes. Leur colère avait éclaté après des saisies de terres qu’ils jugeaient illégales.

« La conscience qu’a le public en matière de démocratie, d’égalité et des droits dont il dispose ne cesse de se renforcer, et par conséquent, les demandes augmentent », a déclaré le haut responsable chinois lors de cette réunion.

« La gestion des mouvements de masse est de plus en plus difficile », a-t-il ajouté.

Cette crise, qui a fait grand bruit dans le pays, s’est apaisée la semaine dernière. Les autorités chinoises ont libéré les meneurs de la rébellion, allégé la présence policière et envoyé une équipe chargée de recueillir les doléances de la population.

La presse officielle chinoise avait critiqué l’attitude des autorités locales à Wukan, qui avaient d’abord imposé une dizaine de jours de blocus au village avant d’opter pour une position plus conciliante.

Leur presse (Agence Faut Payer), 27 décembre 2011.

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