Christa Eckes, ancienne de la RAF, menacée d’une peine de prison mortelle

Une ancienne de la Fraction armée rouge menacée par la justice allemande d’une peine de prison mortelle

Christa Eckes, ancienne de la Fraction armée rouge, est appelée à témoigner dans le procès qui se tient en ce moment à Stuttgart contre Verena Becker, accusée d’avoir tiré sur le procureur Buback, en 1977.

Christa estime n’avoir rien à dire à la justice ou à la police. « Ni à l’époque, ni aujourd’hui. » Ce refus lui vaut une condamnation à six mois de prison. Or, Christa est très gravement malade, et cette peine équivaut à une condamnation à mort.

Notre camarade et amie Christa Eckes doit subir six mois d’emprisonnement dans le cadre de la Beugehaft [La Beugehaft, ou astreinte par corps, est une disposition du droit allemand (article 70 du code de procédure pénale) qui permet d’envoyer  en prison, pour six mois, une personne qui refuse de témoigner devant la justice. Cette mesure est principalement utilisée dans des procédures contre des militant-es politiques.], sur ordre de la cour d’appel de Stuttgart, qui a choisi de suivre en cela la réquisition du parquet fédéral.

En août dernier, une leucémie lymphatique aigüe a été diagnostiquée chez Christa. Depuis début septembre, elle subit une chimiothérapie qui la maintient dans un état stationnaire, et lutte pour sa vie, qu’un emprisonnement aujourd’hui menacerait très gravement. Il signifierait l’interruption du traitement. La justice allemande, par cette mesure d’« astreinte par corps », prend clairement, consciemment et cyniquement le risque de la tuer.

L’Allemagne et ses fantômes

Fraction armée rouge, Cellules révolutionnaires, Mouvement du 2 juin… Au cours des années 70 et 80, l’Allemagne a connu plusieurs groupes de lutte armée, qui menaient la guérilla urbaine dans les métropoles. Le nombre de victimes, de part et d’autre, peut suffire à justifier de parler de cette période comme d’une guerre entre l’État et les groupes révolutionnaires. Les derniers de ces militant-es ont déposé les armes à la fin des années 90.

La page était tournée ? Pas pour l’État allemand. Si pendant une dizaine d’années, on a moins entendu parler de ces groupes, ils sont revenus sur le devant de la scène en 2007. La libération des dernier-es militant-es emprisonné-es de la RAF a déclenché une campagne médiatique pour exiger d’elles et eux des « excuses », ainsi que les aveux et témoignages qu’illes n’ont jamais voulu donner.

Les ancien-nes de ces groupes considèrent que ce qui a été fait par leur organisation relève de la responsabilité collective, et que la justice allemande n’a pas à savoir qui, individuellement, tenait telle arme le jour de telle exécution. Beaucoup ont passé des dizaines d’années en prison, sans jamais parler.

Pourtant, tout ce battage finit par aboutir à de nouveaux procès, parce que la justice allemande pense qu’elle s’est peut-être trompée en condamnant untel pour tel attentat, unetelle pour tel enlèvement. Elle réclame de nouvelles victimes.

Et en Allemagne, pas de prescription. Ainsi, c’est pour des faits qui remontent à plus de trente ans que, depuis le 30 septembre 2010, le très médiatique procès de Verena Becker, ex-membre de la Fraction armée rouge, se tient à Stuttgart. Ce procès est celui de l’exécution en pleine rue, en 1977, du procureur général fédéral Siegfried Buback.

Refus de témoignage

En 1977, Christa était en prison depuis plusieurs années. Elle a pourtant été convoquée pour témoigner devant la cour suprême fédérale au moment de cette nouvelle instruction, comme de nombreu-ses autres ancien-nes membres de la RAF. Elle a alors refusé de témoigner, et en mai 2010, six mois de prison avaient été prononcés contre elle, dans le cadre de cette « astreinte par corps ». Puis la justice allemande avait renoncé à cette peine.

En septembre 2011, elle est de nouveau convoquée devant la cour d’appel de Stuttgart pour le procès contre Verena Becker. Le certificat médical attestant du type et de la gravité de sa maladie n’empêche pas la cour de venir exiger son témoignage à l’hôpital, en pleine séance de chimiothérapie. Malgré les ordres du médecin-chef, qui n’autorise l’interrogatoire que pour 30 minutes maximum, la procédure dure une heure. Une nouvelle fois, Christa refuse de témoigner, et le 1er décembre, la cour d’appel prononce cette peine de six mois d’astreinte par corps. La décision  est envoyée à l’hôpital par fax…

C’est le 9 décembre que Christa reçoit la convocation : elle doit se rendre à la prison-hôpital de Hohenasperg, à côté de Stuttgard, avant le 23 décembre.

Même sans l’acharnement du tribunal, le succès de sa chimiothérapie est incertain. La menace que fait peser la justice sur elle la condamne très vraisemblablement à mort.

Pourquoi refuser de témoigner ?

Les membres de la Fraction armée rouge ont toujours considéré que les actions étaient décidées collectivement, et que la responsabilité en était portée collectivement aussi. En conséquence, ils et elles ont toujours refusé de donner des indications sur qui avait fait quoi.

L’offensive actuelle de  l’État allemand, en cherchant à tout prix à mettre des noms propres sur tel ou tel acte, vise à faire sortir ces actions du domaine politique pour les abaisser au rang de simples histoires criminelles.

On peut trouver une longue interview de Christa, réalisée à l’été 2010, sur Sons en luttes.

Et on peut aller visiter le blog de soutien (en allemand).

Tout moyen de faire savoir à l’État allemand que nous sommes solidaires avec elle sera le bienvenu. (On peut se manifester auprès des consulats, mais aussi des Goethe instituts, qui sont une émanation directe de l’État).

Infozone, 14 décembre 2011.

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