Les petits conseils « bénévoles » de Bernard Kouchner
Depuis sa sortie du gouvernement il y a un an, l’ex-ministre des Affaires Étrangères a totalement disparu des écrans radar. Mais à 72 ans, Bernard Kouchner n’a pas pris sa retraite pour autant. Enquête sur ses nouvelles activités de consulting, en Guinée.
Le « French Doctor » nourrit une nouvelle passion : la Guinée, ce petit État d’Afrique de l’Ouest dirigé depuis un an par Alpha Condé, un ami de longue date de Bernard Kouchner : les deux hommes se sont connus au lycée Turgot à Paris il y a un demi-siècle et leur amitié est toujours intacte. Pour preuve, Bernard Kouchner était invité à sa cérémonie d’investiture, l’occasion pour le président Condé d’enlacer longuement son « frère jumeau », rapporte Pierre André Wiltzer, ancien ministre de la Coopération de Jacques Chirac, témoin de la scène.
Bernard Kouchner se rend en Guinée tous les mois pour suivre la construction d’une maternité à Conakry. C’est son projet. Entièrement financé par des mécènes, comme Sanofi, EDF ou encore Total, pour qui il avait fait un rapport controversé sur le travail des enfants en Birmanie. Des mécènes qui lui paient même ses billets d’avion pour Conakry.
Un travail « bénévole », assure-t-il, tout comme les conseils qu’il donne à son ami Alpha Condé. Il lui a recommandé notamment de mettre en place une sécurité sociale, comme il l’avait fait au Gabon — on se rappelle son rapport chèrement facturé à Omar Bongo. Des conseils très appréciés des chefs d’État africains, « toujours en recherche de réseaux d’influence parisiens, c’est important pour leur aura, leur image », explique le journaliste Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique.
« Il roule dans un véhicule de la Présidence, il fait des affaires en Guinée » (Lama Bangoura, opposant guinéen)
Pour son ami Alpha Condé, Bernard Kouchner ouvre son carnet d’adresse. Selon nos informations, il est intervenu notamment auprès de Christine Lagarde au FMI, du milliardaire Georges Soros ou de Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique qui conseille d’autres États africains : Sierra Leone, Liberia, ou encore le Rwanda avec qui il aurait un contrat de deux millions de dollars.
Du bénévolat ? Certains en doutent. Selon Lama Bangoura, l’un des leaders de l’opposition guinéenne, Bernard Kouchner a notamment « un bureau dans les locaux de Bolloré à Conakry », il « roule dans un véhicule affecté par la Présidence de la République avec des gardes du corps militaires guinéens » et il « a fait et fait des affaires en Guinée ».
« J’étais sûr que vous en viendriez là avec votre œil énigmatique. Allez, barrez-vous ! » (Bernard Kouchner)
À la question : « Que faites-vous maintenant ? » Bernard Kouchner répond, dans son luxueux appartement parisien : « Je survis, je respire, je suis libre et j’aide mon ami Alpha Condé ».
Mais la conversation se tend au fur et à mesure que les questions deviennent plus précises. Sur ses conseils à Alpha Condé (« Monsieur je n’aime pas votre façon de poser les questions »), sur la nouvelle société qu’il a montée en juin dernier, No Borders Consultants (« Je fais des conférences. Certaines sont gratuites, d’autres pas. D’accord, monsieur l’inquisiteur ? »), ou encore sur son bureau supposé chez Bolloré (« Des conneries […] J’étais sûr que vous en viendriez là avec votre œil énigmatique. Allez barrez-vous ! »).
Fin de l’entretien. Yannick Falt est littéralement mis à la porte par Bernard Kouchner. Les questions sur l’objet social de No Borders Consultants resteront sans réponse.
Leur presse (France Info), 7 décembre 2011.
Bernard Kouchner redevient consultant sans frontières
Bernard Kouchner reprend ses activités de conseil aux entreprises et aux gouvernements étrangers, qui avaient suscité beaucoup de polémiques. L’ex-ministre des Affaires étrangères vient de créer une société au nom explicite, No Borders Consultants. Mais s’il est déjà très actif en Guinée, c’est selon lui à titre bénévole : le Président est un ami.
Pour son retour dans le privé, Bernard Kouchner a choisi une référence à son passé chez Médecins sans Frontières. Le 10 juin, il a enregistré au tribunal de commerce de Paris les statuts de No Borders Consultants, une société domiciliée à son adresse personnelle.
« Développement durable, santé et relations internationales »
Selon ses statuts, No Borders Consultants travaillera « en France et à l’étranger » dans « le conseil en développement durable, santé, relations internationales, et toutes prestations de services se rapportant à cet objet ». Bernard Kouchner en est le président et le principal actionnaire, aux côtés de ses enfants et de sa femme Christine Ockrent.
Depuis le remaniement de novembre, Bernard Kouchner s’est fait discret. Comme l’avaient signalé Les Inrockuptibles, son statut d’ex-ministre lui a permis de bénéficier pendant six mois d’un bureau dans une annexe du ministère, d’une secrétaire et d’une voiture de fonction. Il a dû renoncer à ces avantages mi-mai, explique-t-on au Quai d’Orsay.
C’est surtout à l’étranger qu’on a pu apercevoir Bernard Kouchner. Le 5 avril, il participait ainsi à Genève à « Gateway to Africa » (« Passage vers l’Afrique »), une conférence pour VIP privés et publics. Présenté par le programme comme un « humanitaire de renommée mondiale, diplomate, visionnaire et médecin », il était venu dresser un bilan des systèmes de santé en Afrique.
Un dossier sur lequel il travaille déjà, en Guinée. Bernard Kouchner connaît bien le pays — et son président Alpha Condé, un ami de jeunesse. Fin janvier, il a ainsi visité plusieurs hôpitaux locaux et discuté de la création d’un système d’assurance maladie. « Il n’y a pas de santé gratuite », aurait-il conclu, selon les médias locaux.
Les conseils qu’il fournit à la Guinée seraient, eux, gratuits. Rue89 a tenté de joindre Bernard Kouchner par l’intermédiaire de son entourage, sans succès. Dans La Lettre du continent, en février, l’ex-ministre assurait en tout cas intervenir « à titre bénévole et à la demande du président Condé ». Et il s’est insurgé lorsque L’Express a suggéré qu’il avait « autant le sens des affaires que celui de l’amitié » : « Je n’ai aucune activité professionnelle ou intérêts commerciaux en Guinée ».
Des rapports controversés pour le Gabon et pour Total
Cette mission en Guinée en rappelle une autre, au Gabon. Payante, cette fois-ci. Entre ses passages aux ministères de la Santé — sous Lionel Jospin — et des Affaires étrangères — sous Nicolas Sarkozy —, Bernard Kouchner avait en effet rédigé un rapport controversé sur le système de santé gabonais. Il avait été recruté par des cabinets dirigés par deux de ses proches.
Problème : le Gabon a tardé à régler la facture des deux cabinets. Dans son livre Le Monde selon K, paru en 2009, le journaliste Pierre Péan soupçonne Bernard Kouchner d’avoir profité de ses nouvelles fonctions au Quai d’Orsay pour obtenir le paiement. Bernard Kouchner avait démenti tout conflit d’intérêts.
Ce n’était pas la première polémique sur ses activités de consultant-vedette, entre humanitaire et affaires, public et privé. En 2003, Total avait commandé un rapport à Bernard Kouchner et à sa société personnelle, BK Conseil, en réponse à des accusations de « travail forcé » en Birmanie. Un rapport trop favorable au géant pétrolier, selon certains défenseurs des droits de l’homme.
Bernard Kouchner avait liquidé BK Conseil en 2007, à son arrivée au ministère des Affaires étrangères. Son autre société, BK Consultants, avait été simplement « mise en sommeil », puis liquidée en 2009 lorsque la polémique sur la mission au Gabon avait éclaté. En créant aujourd’hui No Borders Consultants, Bernard Kouchner revient donc à un métier qu’il connaît bien. Saura-t-il cette fois-ci éviter les polémiques ?
Leur presse (François Krug, Rue89), 28 juin 2011.
Bernard Kouchner au cœur des affaires en Guinée
Ces derniers temps à la faveur du changement amorcé en Guinée, suite à l’élection présidentielle ayant permis d’installer pour la première fois un président démocratiquement élu à la tête du pays, les investisseurs se bousculent à Conakry.
Chaque jour que Dieu fait, le président de la République reçoit des étrangers annonçant être venus pour investir en Guinée, un pays doté d’immenses ressources naturelles. De sorte que dans les hôtels de la capitale, il n’y a plus de places. Seulement voilà, derrière cette volonté d’investir, il y a des affairistes. C’est le cas de l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Ami de longue date du chef de l’État guinéen, d’ailleurs ce dernier l’a désigné le jour de son investiture devant un partenaire de chefs d’État et autres invités de marque comme « son frère jumeau ». Une carte que M. Kouchner compte bien utiliser pour positionner ses amis en Guinée. À l’image du milliardaire Vincent Bolloré dont il est consultant dans son cabinet. C’est du moins ce que nous découvrons dans nos enquêtes. Bernard Kouchner, ami et frère jumeau du Pr Alpha Condé et membre du cabinet Bolloré cherche à faire payer à la pauvre Guinée le prix de son investissement pour le retour à la vie constitutionnelle en Guinée.
Quand il était locataire du Quai d’Orsay, investi de la confiance de la Communauté internationale, puisqu’il pilotait à l’époque la diplomatie de l’ex-puissance coloniale, il s’est jeté dans la bataille pour mettre fin au régime totalitaire et militaire en Guinée. Bien qu’à l’intérieur, il a eu des répondants. Car, la jeunesse guinéenne s’est lourdement sacrifiée ces dernières années pour l’instauration de la démocratie et la bonne gouvernance. Cela remonte par les vives contestations syndicales, mais biens soutenus par les jeunes en juin 2006 et janvier-février 2007, puis en septembre 2009.
Chacune de ces occasions, Bernard Kouchner levait le ton pour dénoncer les abus de l’armée sur les civils. Et à partir des massacres du 28 septembre 2009 à Conakry, il a pris une option radicale. Cela lui a valu une certaine popularité dans certains milieux, notamment ceux qui étaient hostiles à la junte militaire, dirigée à l’époque par le capitaine Moussa Dadis Camara. D’ailleurs, on le soupçonne d’avoir joué un rôle important pour la mise à l’écart du bouillant capitaine qui s’est terminée par son cloisonnement dans un quartier résidentiel de Ouaga, non loin du Palais présidentiel chez Blaise Compaoré, un autre ami d’Alpha Condé, de Vincent Bolloré et de lui , Bernard Kouchner.
Ce que nombre de Guinéens ignoraient est que derrière l’humanisme de M. Kouchner se cache une série de deal en perspective.
Raison de la présence de Vincent Bolloré à Conakry, en février passé, après le passage à Conakry de Bernard Kouchner et de son épouse qui trône à la tête de France 24. Il annonçait sa volonté d’investir en Guinée une enveloppe de 150 millions d’Euros. Le premier gibier visé était bien le port autonome de Conakry puis le chemin de fer Conakry-Kankan dont le coût de réalisation est à 650 millions de dollars.
Un marché perdu à la dernière minute pour Bolloré grâce à l’implication de Lula da Silva (ancien président brésilien et ami du Pr Alpha Condé) qui est venu positionner Vale, qui réalise ce chemin de fer jusqu’à Kérouané, en contrepartie de sa licence d’exploitation du minerai de fer de Simandou.
Nous pensons que M. Kouchner qui joue le rôle de consultant auprès de Bolloré, ne doit pas abuser de ses relations pour plonger la Guinée dans la merde. Il serait bien de laisser le Professeur travailler sans pression. C’est la voie la mieux indiquée pour aider la jeune démocratie guinéenne de prendre racine.
En tout cas, tous ces nouveaux amis de la Guinée qui s’annoncent à l’aéroport international de Conakry Gbéssia ne sont pas des hommes saints. Monsieur le Président de la République, Professeur Alpha Condé, il est temps pour vous d’offrir la dernière chance qui s’est ouverte au pays pour le développement des sites miniers afin de résoudre les problèmes des riverains aux mines et que le pays puisse aussi être parmi les pays émergents.
Leur presse (Betty Camara, Press-Guinée), 9 mars 2011.