[Chine] Vers une déflagration sociale majeure (2)

« Ils ont appris à s’unir »

Confrontés à des licenciements et à des réductions de salaire, les ouvriers chinois, artisans de la croissance de la deuxième économie mondiale, refusent de se laisser faire.

À Shenzhen, la ville-champignon frontalière de Hong Kong, des travailleurs se réunissent dans les bureaux de l’organisation Xiaoxiao Niao (Petit oiseau) pour débattre de l’opportunité d’une grève afin de réclamer des heures supplémentaires mieux payées ou d’une indemnité compensatrice pour le déménagement de leur usine. « Nous n’avons aucune expérience de ce genre de situation. Nous voulons connaître les différentes méthodes pour protéger nos droits », déclare à Ran Lin, 30 ans, qui passe 11 heures par jour, six jours par semaine, à tester des milliers de circuits imprimés sur une chaîne d’assemblage.

Ran, qui complète son salaire mensuel de base de 2000 yuans (235 €) en faisant des heures supplémentaires chez Yong Jie Electronics, une entreprise à capitaux hongkongais, affirme que son employeur a réduit les allocations pour les repas et le logement, alors que le coût de la vie a augmenté. « Nous contribuons au développement économique. Nous avons tant donné à l’entreprise. J’espère qu’elle nous indemnisera convenablement », déclare Ran Lin.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1323079377.jpg

Manifestation d'employées de l'entreprise Hi-P International à Shangaï, le 2 décembre 2011.

 « Ils ont appris à s’unir »

Alors que la conjoncture amène les patrons à faire des économies sur le dos du personnel, les ouvriers se tournent vers des organisations comme Petit oiseau, fondée en 1999 à Pékin pour venir en aide aux travailleurs migrants, voire même vers des agences liées au gouvernement, pour des conseils juridiques. « De plus en plus d’ouvriers reconnaissent l’importance de défendre leurs droits. Ils ont appris à s’unir », explique Wei Wei, le fondateur de Petit oiseau. La concentration des usines dans la province méridionale du Guangdong a facilité la diffusion de l’information sur les grèves, d’après lui.

Les ouvriers ont de leur côté atteint un niveau d’organisation sans précédent, en Chine, souligne Geoffrey Crothall, porte-parole du China Labour Bulletin, basé à Hong Kong. Des salariés de cinq usines de mise en bouteille de Pepsi réparties dans différentes régions se sont ainsi mobilisés le même jour pour protester contre la vente des usines chinoises de la multinationale américaine. Et lors de grèves l’an dernier dans des sociétés japonaises, les ouvriers ont su utiliser le ressentiment antinippon en Chine pour rendre leur mouvement plus acceptable par les autorités. « Ils savent que c’est l’outil pour mettre les gens de leur côté. Les ouvriers chinois ont un sens politique aiguisé », selon M. Crothall.

Leur presse (Le Bien Public), 5 décembre 2011.


La Chine s’inquiète des conflits sociaux

Un haut responsable communiste chinois s’alarme de « l’impact négatif » du ralentissement de la croissance économique.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1323079012.jpg

Des émeutes, comme ici dans la province de Guizhou, en juin dernier, sont de plus en plus fréquentes en Chine.

Un haut responsable communiste chinois a appelé les provinces du pays à être mieux préparées à « l’impact négatif » du ralentissement de la croissance économique, laissant transparaître l’inquiétude du gouvernement face à la montée des conflits sociaux. Des milliers de travailleurs de diverses entreprises ont fait grève ces dernières semaines dans le Sud manufacturier et exportateur de la Chine. Ils protestaient contre des licenciements et des réductions de salaire liés à une baisse de la demande dans les pays occidentaux, notamment dans une Europe surendettée.

Zhou Yongkang, membre du comité permanent du bureau politique qui réunit les neuf plus puissants dirigeants chinois, a expliqué, vendredi dernier, lors d’un discours devant des responsables de provinces du nord de la Chine que les autorités devaient améliorer leur « gestion sociale ». « Face à l’impact négatif de l’économie de marché, nous n’avons pas mis sur pied un système complet de gestion sociale », a commenté M. Zhou, dont les propos ont été rapportés au cours du week-end par l’agence officielle Chine nouvelle.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1323079627.jpg

Forte censure

« Il est urgent que nous bâtissions un système de gestion sociale aux caractéristiques chinoises qui soit adapté à notre économie socialiste de marché », a déclaré le haut responsable, sans fournir de précisions, à l’heure où les salariés défendent de plus en plus leurs droits. La croissance du PIB chinois, qui avait atteint 10,4 % en 2010, est progressivement tombée à 9,7 % au premier trimestre de cette année, puis à 9,5 % au deuxième et à 9,1 % au troisième. L’indice de la production manufacturière est tombé à son plus faible niveau en près de trois ans.

Malgré une forte censure, les microblogs ont relayé ces dernières semaines un certain nombre de conflits sociaux, donnant lieu parfois à des heurts avec les forces de police, notamment dans le Sud, où les ouvriers accusent leurs patrons de faire des économies sur leur dos alors que les commandes à l’exportation se réduisent et que les coûts de la main-d’œuvre augmentent. La deuxième économie mondiale reste encore fortement dépendante des exportations, qui ont commencé à ressentir les effets de la crise de la dette en Europe, premier débouché des produits chinois, ainsi que d’une situation économique difficile aux États-Unis.

Leur presse (Agence Faut Payer), 5 décembre 2011.

Ce contenu a été publié dans Les luttes de classe en Chine. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.