Cache-cache en Tunisie

Quand tu y as joué enfant, cela te marque  à vie. Pour ceux qui ont joué à cache-cache dans leur enfance, cela les suit toute leur vie, et comme dit le proverbe, “celui qui est dans la parcelle, ne se cache pas”.  Ce jeu — qui n’est pas la gaudriole — est important pour constituer ta personnalité. Le cache-cache, ça veut dire : tu te caches et l’autre doit découvrir où tu es.

Jouer à cache-cache dans l’enfance, cela veut dire que tu peux te cacher sous le lit, derrière la porte, sur le toit, dans les toilettes, dans l’armoire… et même dans le cul d’Abla (au diable vauvert). Tu as perdu si tu es découvert, sinon tu gagnes. Mais dans tous les cas, à la fin, tu sors et tu fais coucou.

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Mais il y a jeu et jeu. Il y a le cache-cache où tu découvres où je suis et celui où je suis devant toi et tu découvres qui je suis. Après un long roupillement durant l’ère Ben Ali, les frérots — Jamaa Islamiya, salafistes, chalafistes [Chalafiste : néologisme de l’auteur pour désigner les policiers affublés d’une barbe pour jouer aux salafistes] — ont décidé de passer à l’attaque contre les universités  tunisennes en défense du cache-kich, c’est-à-dire la liberté pour les filles de se cacher derrière des niqabs noirs, et pour revendiquer des mosquées dans les facultés. L’offensive a commencé à la Faculté des lettres de Sousse et s’est étendue aux facultés de La Manouba (Tunis) et Jendouba, sous la direction d’un escadron chalaf, qui a menacé les profs et  les doyens par des vociférations sans queue ni tête faisant mousser leurs barbes. Avec leurs burqas et leurs qamis, leurs nikes et leurs adidas et leurs “take beer” [Jeu de mots : les salafistes répondent en chœur “Allahou Akbar” au cri lancé par leur chef de chœur, “Takbir”]. Et “la prière pour le Prophète” et “le peuple musulman ne se soumet pas” [Slogan islamiste qui est un jeu de mots, muslim signifiant “soumis”].

Moi, j’ai cru qu’ils jouaient. Peut-être voulaient-ils rejouer le film Rissala ? [Film de Mustapha Al Aqqad sur la vie du Prophète Mohamed, interprété par Anthony Quinn] Mais il s’est avéré que le jeu que ce groupe jouait est le jeu du haleb (pichet), dont nous parlerons une autre fois. Son principe est celui de la tactique du  grignotage pour prendre le contrôle.

Quand le jeu est devenu dangereux, les gens venus de partout se sont rassemblés pour dire : “Ce n’est plus de jeu” et ils ont dénoncé le cache-kich “qui n’a pas de raison” [Allusion à une phrase de Ben Ali en janvier 2011, disant que les policiers qui avaient tiré “maandouch moubarâ”, n’avaient pas  de raisons de le faire]. Les analyses, les commentaires, les points de vue syndicaux ont alors fusé. Il y a même ceux qui disent qu’il y a des gens cachés derrière ces groupes, avec des buts dans l’esprit de Jacob [L’esprit de Jacob désigne quelqu’un qui a des buts inavoués]. Quant à moi, j’ai proposé de faire une migration croisée : s’ils veulent prier dans les universités, allons étudier dans les mosquées. Comme ça, on jouera au chat et à la souris, ou encore à “Yahdar Migalo, Yaribou Susan” [Célèbre chanson d’un dessin animé télévisé mettant en scène Migalo le chat et Susan la souris, qui ont des problèmes de cohabitation].

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Original tunisien par Najib Abidi et traduction française par Tafsut Aït Baamrane sur Basta ! Journal de marche zapatiste multilingue !, 3 décembre 2011.

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