[Égypte] L’attaque des camelots de Tahrir

Mardi [29 novembre], une altercation a tourné à l’affrontement général entre manifestants et vendeurs ambulants, nombreux sur la place.

Ces derniers jours, sur la place Tahrir, les vendeurs ambulants couvraient presque les chants révolutionnaires. Sur un terre-plein, une mauvaise enceinte crachait des variétés devant un café improvisé, une quarantaine de chaises pour trois clients. À côté des drapeaux égyptiens se tenaient des montagnes de barbe à papa. On pouvait, bien sûr, acheter des drapeaux, à boire, à manger, mais aussi trouver des lunettes de soleil, des vêtements… La révolution n’est pas un dîner de gala — peut-elle être une fête foraine ? « On s’est réunis hier après-midi, explique nerveusement Gamal Fouda, un activiste. Il y a toujours eu des petits marchands sur Tahrir et on n’a rien contre eux, mais là, c’était trop. Certains vendaient de la drogue. Il y en a même qui criaient qui veut de la drogue en pleine rue. On a décidé d’aller les voir pour calmer le jeu. »

Les vendeurs ambulants sont des milliers au Caire et plus nombreux encore depuis la chute de Moubarak. L’économie en perdition et un certain sentiment d’impunité grâce à des policiers — un peu — moins brutaux rendent l’activité attractive. Indépendants ou encadrés par les multiples mafias égyptiennes, ils sont plus audacieux. Pour eux, Tahrir n’est pas un combat révolutionnaire romantique. C’est une bonne affaire. « Les touristes sont partis à cause de la révolution, confie un petit vendeur de thé. Ici, il y a des milliers de personnes qui viennent chaque jour, des dizaines de milliers peut-être. En ce moment, c’est grâce à Tahrir que je survis. »

« Mauvais coup du régime »

Hier, l’entrevue entre les manifestants et les vendeurs se passe mal. Vers 18 heures, le premier coup part. On se bat devant le placide musée du Caire. Les premiers blessés accourent vers les hôpitaux de fortune installés sur la place. Très vite, la situation se calme. Les vendeurs sont repoussés.

Mais vers 23 heures, ils reviennent, armés. Des bâtons, des couteaux, des cocktails Molotov. Le combat dure jusqu’à 4 heures du matin. Il y a environ 80 blessés. Cette détermination fait douter les manifestants de Tahrir. « On s’est un peu battus hier soir, mais rien de grave, finalement. Quand ils sont revenus, équipés, nombreux, ça ressemblait très fort à un mauvais coup du régime. Il suffit de donner quelques guinées à ces types pour les tourner contre nous », dit un activiste.

Les incidents se multiplient depuis la trêve négociée entre les militaires et les manifestants. Les agressions sont plus courantes qu’aux mois de janvier et de février, alors que les manifestants sont moins nombreux — donc a priori plus faciles à surveiller. Autour de la place, les baltagueyyas continuent à rôder. Si Tahrir est revenue à elle-même depuis le départ des vendeurs ambulants — quelques-uns restent, malgré tout —, la contestation n’a jamais semblé aussi fragile.

Leur presse (Samuel Forey, LePoint.fr), 30 novembre 2011.


Égypte : violents heurts sur la place Tahrir – quatre-vingt blessés

Près de quatre-vingt personnes ont été blessées mardi soir dans des affrontements sur la place Tahrir dans le centre du Caire. Des coups de feu d’origine indéterminée et des explosions de cocktails Molotov ont été entendus.

Mohamed El Baradeï, candidat à la présidentielle et figure du camp libéral, a déclaré que les manifestants hostiles aux militaires qui occupent la place depuis onze jours avaient été attaqués par des « voyous ». Vingt-sept blessés ont dû être hospitalisés, d’après l’agence de presse officielle Mena.

D’après le représentant d’un des mouvements à l’origine de l’occupation de la place emblématique du Caire, des jeunes ont tenté de s’infiltrer parmi les manifestants qui demandent le transfert du pouvoir aux civils. La télévision officielle rapporte pour sa part que les échauffourées ont opposé des vendeurs ambulants à des jeunes manifestants.

Calme lundi et mardi

Sous le règne d’Hosni Moubarak, le terme de « voyou » était fréquemment utilisé pour désigner des éléments favorables au pouvoir qui perturbaient les élections, ou encore ceux qui ont chargé les manifestants à dos de chameau pendant la révolution du Nil qui a conduit au départ de l’ancien raïs le 11 février.

Au moins dix coups de feu ont été entendus près du Musée égyptien, non loin du campement des manifestants sur la place Tahrir, où le calme était revenu jeudi dernier, grâce à une trêve conclue entre forces de l’ordre et protestataires après cinq jours d’émeutes qui ont fait 42 morts dans tout le pays.

Les manifestants qui campent place Tahrir depuis le 18 novembre, pour demander le transfert des pouvoirs aux civils, ont mis sur pied un service d’ordre pour « protéger les gens et les familles » des jeunes casseurs.

Si la place Tahrir a été le théâtre de violences, la première phase des élections législatives lundi et mardi s’est déroulée dans le calme.

Leur presse (ats), 30 novembre 2011.

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