Émeute suite aux opérations de déguerpissement : Des pierres, du sang, et des coups de feu à Zongo
Zongo… La réputation n’a pas changé. Quartier du 5e arrondissement de Cotonou réputé pour sa légendaire hostilité aux forces de l’ordre et à l’assainissement a été hier mardi, le théâtre de violents affrontements entre agents républicains et populations, rappelant du coup une scène d’Intifada dont ce coin singulier de la capitale économique est coutumier depuis fort longtemps.
On se croirait véritablement dans les rues de Jérusalem où des soulèvements des habitants éclatent souvent pour s’opposer à des opérations de ratissage. Ainsi, face aux kalachnikovs et engins lourds, les populations réagissent par des jets de pierres. Quelque temps après, c’est l’accalmie mais au bout de plusieurs minutes, les affrontements reprennent. C’est ce que Zongo a été hier tout au long de la journée. Des échauffourées intermittentes ont bouleversé la vie quotidienne des usagers. Les habitants et particulièrement les riverains de la voie principale longeant ce quartier, ont décidé de manifester leur colère en s’opposant aux opérations de déguerpissement entreprises par les autorités municipales pour changer l’image de la capitale économique. Selon nos informations, à peine ont-ils aperçu le bulldozer de la mairie accompagné d’une équipe d’agents de sécurité municipaux et du commissariat central de Cotonou, qu’ils les ont cueillis à froid, par des projectiles. Qui pour lancer des pierres, d’autres des gourdins ou tout autre objet, sur lequel ils se jetaient. Une réaction digne d’une défiance vis-à-vis des forces de l’ordre et de la mairie de Cotonou à laquelle on ne pouvait ne pas s’attendre. Si ailleurs l’opération « ville propre » n’a pas donné lieu à des violences, tout le monde savait que Zongo allait opposer une résistance qui risque de déboucher en affrontements sanglants. Les faits l’ont prouvé hier. Pendant que le soulèvement prenait corps, les forces de sécurité présentes sur les lieux demandaient du renfort qui ne tarde pas à venir. Un contingent de la Compagnie républicaine de sécurité arrive. Bien avertis, les éléments organisent aussitôt la charge. Contenus dans leur offensive, les manifestants baissent les bras. Sans doute le temps de voir ce qui va se passer par la suite.
24 heures…
Alors que le déguerpissement des abords de la voie n’était pas au programme hier, mais plutôt de rappeler que c’était l’ultimatum avec pour objectif de montrer par la présence de bulldozer sur le terrain, que Zongo n’échappera pas au toilettage, surtout le marché de moutons, la réaction des occupants illégaux, voire des « voyous » a précipité l’opération qui devrait avoir lieu 24 heures plus tard. C’est-à-dire aujourd’hui. La mairie s’assurant de la présence remarquable de la Police nationale ne compte plus perdre du temps. Ainsi, sous les coups de l’engin déployé, les murs et les toits des boutiques, hangars, pour la plupart faits en matériaux de récupération, tombent l’un après l’autre. Les pièces détachées d’occasion des véhicules accrochées ici et là sont dégagées. Des marchands tentent de les récupérer dans la précipitation. La tension monte à nouveau. De petits groupes de manifestants reprenant du poil de la bête, lancent à nouveau des pierres contre les agents municipaux et de la Police qui fait usage de ses moyens pour décourager les protestataires. Quelques-uns d’entre eux sont arrêtés. Eux autres avaient pris en sandwich, Wenceslas Guédou, un agent de la mairie, qui roué de coups et grièvement blessé a été transporté à la Clinique « Les grâces ». Le toilettage qui est allé jusqu’au bout n’a pas coûté cher qu’aux sinistrés, mais également à la municipalité. Elle vient d’essuyer les premiers véritables heurts pour ses actions en faveur de l’assainissement de la ville. En analysant les évènements d’hier, on se rend compte qu’il s’agit une fois encore d’attaques contre les symboles de la République, que sont la mairie de Cotonou, la Police nationale et même des infrastructures routières, puisque des pneus ont été brûlés sur la voie publique en signe de mécontentement. Cette image très négative récurrente que renvoie Zongo est préoccupante. On se demande si la justice et la Police ne sont pas suffisamment fortes pour prendre des sanctions exemplaires. Pourtant, en prévision de ces affrontements, une rencontre était intervenue entre la mairie de Cotonou, la présidence de la République et des dignitaires musulmans du quartier Zongo. Ceux-ci plaidaient en faveur d’une situation atténuante pour leur localité dans le cadre des opérations de déguerpissement. Selon nos informations, à l’issue de la rencontre, des instructions ont été données aux autorités municipales afin qu’elles épargnent Zongo. Mais refusant de se froisser avec une partie des administrés victimes de l’opération, elles sont passées à l’offensive. Zongo qui devrait être le premier à être touché est devenu l’un des derniers.
Leur presse (Actubenin.com), 16 novembre 2011.