La médicalisation de la santé passe par la définition d’un bien être prédéfini et par la réduction de la Médecine à une activité technique. La place de la santé dans la société est une question politique qui doit être repensée afin de regagner une autonomie salutaire.
Le concept de bien être, volontairement large [Dans sa définition de la santé, l’OMS se réfère à un état de bien-être complet psychologique, sociale et physique], élaboré en 1947 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) signe le début de l’ère de la médicalisation de la santé avec la production de recommandations, de repères et de normes. Cette reprise en main du corps est orchestrée par l’État et soutenue par le corps médical.
Traditionnellement conservateur, le corps médical vient pourtant de perdre son pouvoir décisionnel à l’Hôpital (depuis la loi HPST). Il devient un simple rouage dans un système hyper hiérarchisé au service de politiques bureaucratiques. Ceci s’explique par la nature compétitive du milieu médical — course à la publication, jeu d’influences — où les vocations disparaissent au profit d’une médecine « technicisée ».
Une médecine institutionnalisée
Étonnant paradoxe, il devient aujourd’hui un rempart et une victime de l’évaluation et des normes d’accréditations industrielles qui envahissent le quotidien et justifient les traitements médicaux onéreux proposés par l’industrie du soin (pharmaceutique, diététique). Mais comment quantifier des choses qui sont par essence intimes, personnelles et subjectives pour juger de la qualité de « politiques » mises en place.
Reconquérir l’autonomie
Il faudrait en fait faire une pleine place aux patient-es et aux patients, en considérant la maladie et son vécu, le sentiment d’infantilisation parfois ressenti. Cette vision de la médecine « aliénante » s’oppose à la conception libertaire du corps et des rapports sociaux et aboutit à un profond mal être. Ce mal être s’inscrit dans l’organisation des structures de soin. En effet, la société capitaliste définit le bien être comme un mythe individuel à atteindre sans tenir compte des aspirations profondes de chacun. La notion de santé doit être repensée collectivement afin de pouvoir définir ce qui relève d’une prise en charge de « simples » aléas de la vie.
Par le biais de son institutionnalisation, la médecine s’éloigne de la maladie et du corps et s’attaque au mode de vie, associant jugement de valeur et culpabilisation. En effet, cette prise en charge s’accompagne d’un contrôle accru sur l’application des politiques de santé. Ivan Illich fut l’un des premiers à rendre compte des dégâts qu’allait provoquer la médicalisation à outrance de l’existence [Ivan Illich, Némésis médicale, Seuil, 1975] par le transfert du soin de la communauté proche à des institutions contribuant à mutiler l’autonomie et la prise en charge des individus au profit d’experts. Malgré cela, l’infaillibilité du pouvoir médical est remise en question quotidiennement par les malades qui s’informent et se prennent en charge eux-mêmes [Un des combats menés notamment par l’association Act-up avec des malades séropositifs].
Ce constat plus ou moins partagé doit nous inviter à persévérer en ce sens pour se défaire des idoles d’une santé « parfaite » et considérer la souffrance et la mort comme inhérentes à la condition humaine sans jamais cessez de faire reculer l’aliénation et l’exploitation dans laquelle la société capitaliste et industrielle veut nous condamner.
Claude (AL Paris Nord-Est)
Alternative libertaire, septembre 2011.
Merci pour cet article…
Une malade à temps plein.
La notion de santé est depuis longtemps repensée, y compris par le corps médical (majoritairement conservateur et paternaliste) et même à l’OMS (la charte d’Ottawa a maintenant plus de 20 ans et si peu de chose ont changé en France avec elle -la France est signataire de la dite charte-, d’autres pays ont fait des avancées magistrale et redonnant le pouvoir aux patients, rééquilibrant ceux des médecins et des patients dans un rapport d’égalité.
Oui, il est temps de se réapproprier notre santé. D’autant que la marchidisation de celle-ci avance à grand pas et que notre système sera prochainement soldé au profit des mutuelles et surtout des assurances privées.
Du reste, ce n’est pas pour rien que la droite, comme la gauche en 1983 (la suppression du principe de l’élection des CA des caisses de sécu par les travailleurs, c’est le PS qui l’a fait), ont constamment battu en brèche les principes de la sécurité sociale française issue du Conseil Nationale de la Résistance. Car notre sécu était alors autre chose qu’un système de répartition keynésien comme un autre : les travailleurs donc les patients, bref les humains en étaient tou/TE/S co-gestionnaires.
Et si il ne faut pas regretter ce passé idéal, c’est justement parce que le monstre permettait les dérives qui nous ont menés où nous sommes aujourd’hui.
Le principe de société coopérative d’intérêt collectif, ou d’autres modes d’organisation (associatif, zapatistes, etc.) montre qu’il est possible de reprendre la main, non pas contre le corps médical et les soignants en général mais avec celles et ceux qui parmi ces humains qui travaillent pour la santé, sont écoeuré/E/s des politiques de santé actuelles. Illes sont nombreuses aujourd’hui grâce à la loi HPST et à la création des préfets de santé que sont les directeur(e)s des ARS, ainsi qu’à la « gestion » de la sécu.
Portez vous bien (comme vous le souhaitez)
le mba, homme médecine