« Celui qui, dans la guerre civile, ne prendra pas parti sera frappé d’infamie et perdra tout droit politique. »
Solon, Constitution d’Athènes.
« Une poudrière prête à exploser », voilà comment la députée Diane Abbot a décrit les événements partis de la banlieue de Tottenham ce week-end, et qui se sont propagés à d’autres quartiers londoniens, avant d’atteindre la province. Une explosion ? Oui, mais quelle explosion ? Face aux combats de rue, aux célébrations de ces feux de joie, et face à cette rage détonante, la spectaculariation va bon train. On voudrait ranger ce brasier au sein d’une géographie politique identifiable et maîtrisable. Déjà on entend le faux débat entre ceux qui cherchent à y voir l’expression de la plus stricte délinquance, et ceux qui analysent le coup de gueule d’une jeunesse désœuvrée, représentante d’une « communauté ethnique » mal intégrée. Les parallèles avec la révolte française des banlieues de 2005 sont déjà en place, et tout le monde attend d’entendre un Finkielkraut en mal de publicité.
Laissons les sirènes du Spectacle. Aucune analyse policière, journalistique, politicienne ne pourra masquer l’inscription de l’insurrection de Tottenham au sein de la guerre sociale.
Et c’est précisément cela qui inquiète. La force de cette insurrection est qu’elle déchire le voile d’une fausse pacification sociale, que même les narcotiques ont du mal à entretenir. Ni délinquante, ni politicienne cette violence échappe à tout contrôle analytique, et apparaît pour ce qu’elle est : le cri de joie de ceux qui se sont réveillés en dehors des dispositifs subjectivisant du Spectacle et du Biopouvoir. La mort du jeune Mark Duggan ne fut que le signal de la libération d’une dynamique dévastatrice et salvatrice, en un mot nihiliste, déjà présente. Car qu’est-ce qu’un incendie urbain, un corps à corps avec les représentants de l’État, l’absence de mobile identifiable, et le rejet de cadres médiateurs, sinon l’expression d’un refus des rapports sociaux pacifiés et disciplinarisés qui prévalaient jusqu’alors.
Ni police, ni association de quartier, ni syndicat, ni politicien, ne pourront plonger leurs tentacules dans ce mouvement pour le ramener à une forme identifiable du spectacle politicosocial. Tout comme en France, à l’automne 2005, l’insurrection anglaise actuelle est l’expression d’une lame de fond qui parcourt l’ensemble de la société, et plus précisément les jeunes générations, et qui fait du ravage, de la dévastation, le point de départ d’un mouvement visant à réinventer la communauté sociale, au sein des ruines de l’ancien monde. Tottenham est l’expression de cette génération qui n’a que pour seule respiration la violence extatique, que pour seule éthique le Macache. Cette génération qui à côté du nihilisme de masse et de son hédonisme narcotique, cherche à renouer avec le nihilisme véritable et sa force de création, en se jetant dans la guerre civile.
Car c’est bien ce que nous enjoint de comprendre les brasiers londoniens, rien ne se fera sans la conscience de la guerre civile en cours, et la nécessité d’adopter une éthique guerrière implacable. Le révolutionnaire, disait déjà Netchaïev, n’a qu’un seul but : « la destruction la plus rapide et la plus sûre de cet ordre abject ». Ainsi, ne l’oublions pas, si pour l’esthétique il y a les catégories beau/laid ; pour la morale celles de bien/mal ; pour l’économie celles d’utile/nuisible ; pour le politique il y a l’ami et il y a l’ennemi, et avec l’ennemi seul le conflit armé est envisageable. Car qu’est-ce qu’une insurrection urbaine sinon la déterritorialisation du sujet politique et sa réaffectation au politique sur le mode de la conquête guerrière. Voilà pourquoi les événements actuels à Londres et dans d’autres villes anglaises étonnent et apeurent, car « le danger pour l’Empire, ce sont les machines de guerre : que des hommes se transforment en machines de guerre lient organiquement leur goût de vivre et leur goût de détruire » (Tiqqun).
À quoi nous appelle Londres ? À ouvrir les yeux sur le désastre, à saisir ce nihil créatif, à construire des lignes de fuite ouvertes vers l’agencement d’un nouveau processus révolutionnaire, capable de libérer la puissance de toutes les subjectivités frappées de l’étonnement du premier homme avide de faire sien un monde qui lui est hostile.
Allons ! Propageons ces feux de joie.
TBH
Indymedia Paris, 10 août 2011.
Ne faut-il pas comprendre que la guerre sociale est inclue dans la guerre civile ? Elle n’en serait qu’une composante, voire une manière réductrice de concevoir la deuxième ? Si des « pauvres » se battent contre d’autres « pauvres », où est le problème ? L’essentiel étant que la ligne de front se dessinent sur le seul critère de la volonté de renverser ou conserver la domination.
Le problème ne serait-il pas plutôt de perpétuer ce mythe du « sujet révolutionnaire », idéalement incarné par l’image du « pauvre » ? Ne s’agirait-il pas d’un dispositif qui contraindrait à s’identifier à sa propre aliénation, à sa condition, aux catégories du spectacle ?
« (…)Cette génération qui à côté du nihilisme de masse et de son hédonisme narcotique, cherche à renouer avec le nihilisme véritable et sa force de création, en se jetant dans la guerre civile.(…) »
« (…)rien ne se fera sans la conscience de la guerre civile en cours, et la nécessité d’adopter une éthique guerrière implacable.(…) » [extraits du texte London Calling !!! ]
Guerre civile ou guerre sociale, il va falloir choisir…
« (…)Dans ce monde, il est dans l’intérêt des puissants et des exploiteurs que la guerre civile éclate partout… Cette guerre entre pauvres leur va très bien, parce qu’elle fait oublier qu’une autre guerre est possible : celle contre ce monde de fric et d’autorité et celle pour la liberté de chacun.(…) »
mais putain ou est ce que vous voyez que Tiqqun c’est libertaire?
J’aimerai comprendre…