Ces ennemis qui vous veulent du bien
Neuf mille troubles à l’ordre public depuis un an, le patron de la DGSN, l’organisme qui sert d’habitude à faire avouer les autres, a lui-même avoué que c’en était trop pour les pauvres policiers qui se remettent à peine de leur augmentation. Cette « culture de l’émeute », magnifique oxymore puisque l’émeute est le contraire de la culture, accolée à des grèves sauvages et des mouvements de masse spontanés, résume bien ces dernières années d’affrontements d’échelle entre le groupe et la superstructure. Un choc thermique permanent entre une foule qui bouillonne et un État glacé, le premier n’ayant plus le temps d’attendre le décollage économique, le second prenant tout le sien en planant au-dessus de ses obligations, feignant d’oublier la menace quotidienne du crash. Est-ce à dire que l’Algérie est mal gouvernée ou que les Algériens en demandent trop, à l’image du personnel d’Air Algérie qui a demandé 106 % d’augmentation, avec une remarquable précision de chiffre ?
Sans entrer dans les jugements de valeur, il faut revenir à l’explication officielle des émeutes. Tous les gouvernants le disent régulièrement : les émeutes sont « normales » depuis l’accalmie relative sur le front terroriste et un semblant de paix retrouvée, les Algériens se sont emparés du champ de l’expression et revendiquent bruyamment. Ce qui implique un étonnant autre aveu. Le terrorisme contient les mouvements de protestation et garde en l’état la situation sociale, tout comme la pérennité de l’État, de ses hommes et de ses structures. Le terrorisme de base est donc l’allié objectif de ceux qui, au sommet de l’État, refusent les augmentations de salaire, les améliorations des conditions de vie et de travail de tous ceux qui veulent un présent meilleur que celui que leur offre le régime. Le terrorisme est l’ami du régime, ce sont les officiels qui le disent. Il n’y a donc pas lieu d’une condamnation, monsieur le juge.
Leur presse (Chawki Amari, El Watan.com), 19 juillet 2011.