… comment la justice s’achemine vers un non lieu ou un procès bidon
Les malformés du Taser
Le 29 novembre dernier à Colombes (Hauts-de-Seine), Mahamadou Marega, 38 ans, menace son proriétaire avec un marteau. À 1h30 il était mort, gisant dans son vomi, entravé dans la cabine de l’ascenseur. Dix policiers de la brigade anticriminalité lui auraient administré « deux bons coups » de matraque, des gaz lacrymos et six décharges de Taser. Soit trois tirs d’un brigadier et d’un gardien de la paix dont l’un n’avait plus le droit d’utiliser le pistolet à impulsions électriques depuis quinze jours.
Plus inquiétant encore, l’affolement que dépeignent les jeunes poulets dépêchés sur place : « Il est devenu hystérique. Son regard avait changé. Il avait l’air d’un fou. (…). Je l’ai gazé (…) Il a foncé sur moi », raconte l’un d’eux. La panique monte : « J’étais démuni, avec ma matraque (…). J’ai appuyé sur la détente. Comme il n’avait pas réagi à cette décharge, j’ai rallumé mon Taser. (…) J’ai gardé mon doigt sur la détente jusqu’à tant qu’il laisse ses bras aller derrière. » Un autre flic ne se souvient même plus de ce qu’il a « fait du Taser ». Enfin, Marega est « maîtrisé », puis porté dans l’ascenseur : « Il ne gueulait plus… ». Et pour cause.
Dans un premier temps, les experts ont conclu à « une insuffisance respiratoire massive par inhalation de gaz dans un contexte de plusieurs contacts par tir de Taser ». Une seconde expertise attribue la mort à la drépanocytose — maladie des globules rouges — dont le malheureux était porteur sans le savoir, comme la plupart de ceux qui en sont atteints. Le mal, latent, peut se muer en crise mortelle lors d’un fort stress.
Reçus par le juge d’instruction, le 8 juin, les proches de Marega et leur avocate ont tenté d’en savoir plus. En vain. Et, le 8 juillet, la juge a refusé à Me Canu-Bernard la plupart des investigations qu’elle réclamait, dont la confrontation des policiers en sa présence.
Dommage, cela aurait permis de comprendre pourquoi le Taser est laissé aux mains des flics inexpérimentés. Et de se demander s’il ne serait pas prudent d’interdire une arme qui se révèle fatale aux « drépanocytaires ». Soit 50 millions de personnes dans le monde.
Leur presse (Dominique Simonnot, Le Canard enchaîné), 13 juillet 2011.