Communiqué de presse : procès du 12 juillet
La PAF va devoir peaufiner ses faux témoignages
Le 12 juillet 2011, trois de nos camarades comparaissaient pour des faits grotesques d’occupation illégale, rebellion en réunion et refus de prise d’empreintes.
Courant avril, alors qu’ils étaient en pleine activité pacifiste de Cop-Watching, nos trois amis avaient été arrêtés dans le principal squat de sans-papiers et demandeurs d’asile du Calaisis. Ce raid policier intervenant quelques jours après la publication sur les sites de Rue89 et des Inrocks de vidéos présentant ces même agents de la PAF agir de manière peu déontologique. Ceux-ci n’ont pas caché leur volonté de se faire justice eux-mêmes : immobilisation violente, coups et noms d’oiseaux volèrent une fois de plus ce jour-là !
Le système judiciaire français étant adapté pour protéger et légaliser au maximum les violences d’état, se défendre face à des déclarations mensongères de policiers assermentés n’est pas chose facile.
Convoqué à 8h30, il fallut cependant attendre jusqu’à 13 heures pour entendre le président énoncer les faits reprochés et donner la version des nombreux policiers ayant soumis de faux témoignages pour l’occasion. Ni les parties civiles (Fréderique Gourdin et Gael Bertaux), ni les quatre témoins policiers trouvés pour l’occasion n’ont pensé opportun de venir s’expliquer de vive voix devant la cour ! Avaient-ils peur de se retrouver face aux prévenus sans pouvoir utiliser les tonfa ou les lacrymogènes, ou bien peur de voir démonter leurs versions des faits en direct par notre avocate ? Après avoir écouté les réquisitions du procureur qui pour la globalité des faits demandait 3 mois de sursis pour chacun, maître Marie-Hélène Calonne a su relever les nombreuses incohérences des déclarations des policiers, mettre en avant la légitimité de l’action pacifique des activistes, véritables grains de sable dans le système répressif, et lier ce procès à la diffusion des vidéos et à la saisine du défenseur des droits de l’Homme sur les violences policières à Calais.
Le délibéré tomba à 16 heures en présence de la trentaine de militants restés toute la journée pour soutenir nos camarades. Les trois sont relaxés pour les faits de violences et d’occupation illégale et sont reconnus coupables mais sans peine pour le refus de prise d’empreintes. Le jugement pour les dernières charges ajoutées à la hâte contre deux des trois prévenus lors de l’action contre le CRA de Coquelle quelques jours auparavant (refus de se soumettre à un contrôle d’identité) est reporté au 8 septembre a 13h30.
Ce résultat est évidemment une victoire pour notre mouvement et achève une série de comparutions ridicules. Pour rappel, le 23 juin une militante a été relaxée pour des faits similaires de violence contre agent de la PAF, ce même jour trois de nos amis demandeurs d’asiles soudanais ont eux aussi été relaxés pour des accusations d’occupations illégales et le 29 juin une autre militante a été condamnée à 500€ d’amende (+1€ symbolique pour l’honneur du policier) pour outrage.
Prochain rendez-vous au TGI de Boulogne, jeudi 8 septembre à 13h30 !
Ni la répression, ni les intimidations ne feront plier notre détermination. Nous continuerons à surveiller et dénoncer les méthodes ultra-répressives de la police envers les exilés et à lutter pour la liberté de circulation et d’installation, la fermeture des centres de rétention et la fin des expulsions.
Legal Team NoBorder Calais (contact), 13 juillet 2011.
Trois militants No Border relaxés
Nouvelle passe d’armes entre les No Border et la police calaisienne ce mardi. Accusés de violences en réunion sur des gardiens de la paix, trois militants ont été relaxés au bénéfice du doute.
Pas facile de mettre d’accord des policiers et des militants No Border. Les premiers, à Calais, ont pour mission de contrôler l’identité des migrants installés dans la ville, d’empêcher les squats de perdurer et d’arrêter quiconque s’opposerait à ces consignes. Les seconds, pro-liberté de circulation, font le guet devant les entrepôts où se réfugient les étrangers et donnent l’alerte à l’arrivée de la police.
Les No Border filment aussi toutes les interventions policières, ce qui nous avait permis le 10 avril dernier de diffuser une partie de leur production cinématographique dans l’article Harcèlement policier à Calais : les vidéos qui font honte. On pouvait y observer un quotidien fait d’animosité de part et d’autre, malgré une familiarité parfois créée par l’habitude de se côtoyer, et des attitudes scandaleuses de la part de certains policiers envers les migrants ou les militants.
Depuis la diffusion de ces vidéos, nous avons continué à suivre la situation sur place. Pendant une semaine, aucune intervention policière n’a eu lieu. Une fois le bruit médiatique passé, elles ont évidemment repris. Le 21 avril, à 9 heures du matin, la PAF et des CRS débarquent à « l’African House » (une usine désaffectée reconvertie en squat des migrants, évacuée depuis), où des migrants dorment et des No Border attendent.
Ce mardi, trois militants passent devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer pour occupation illicite de ce terrain (en réunion) appartenant à l’office HLM de Calais, rébellion en réunion et refus de donner leurs empreintes. Jans et Lauren P. comparaissent, Lauren L. est absente. Ils partagent la jeunesse (entre 20 et 26 ans), l’anglais pour langue maternelle et une détermination sans faille à ne rien dire en garde à vue.
Dans la salle, une vingtaine de leurs camarades en sweats à capuche, venus de Calais, de Lille, de Paris ou d’Angleterre. Arrivés à 8h30, heure de la convocation, ils ont déployé des banderoles devant le Palais de justice. Le mini-tribunal de Boulogne n’a pas l’habitude de cette foule de punks sans chiens et de jeunes rebelles. Les agents de sécurité, responsables d’un glorieux portique, débarrassent les No Border de leurs chaînes et ceintures pour qu’ils arrêtent de sonner en passant.
Le président du tribunal rappelle les faits : Jans et les deux Lauren, « membres de la mouvance No Border », auraient résisté à leur interpellation sur ce terrain squatté. Lauren P. est accusée de s’être jetée sur une gardienne de la paix pour tenter de lui arracher la caméra fixée à son épaule. La justice reproche à Jans d’avoir attaqué à son tour pour défendre son amie, et porté un coup au policier qui la maîtrisait. La jeune fille aurait alors pu charger un autre fonctionnaire. Lauren L., enfin, se serait précipitée sur un de ses collègues.
Un corps-à-corps qui se termine au commissariat, et dont ne subsiste, selon le médecin légiste qui a examiné les policiers, aucune « stigmate lésionnelle visible ». En résumé, le policier dit « aïe », le médecin note « aïe », mais ne peut que se fier à la parole de son patient sans bleus ni bosses. Le patient demande 200 euros de dommages et intérêts.
Les prévenus nient les violences et donnent une autre version. Pour Lauren P., « la police cible les militants qui ont des caméras » :
« J’ai suivi une femme policier qui entrait dans l’entrepôt, en la filmant. Les migrants montaient sur le toit pour s’enfuir, elle a retiré l’échelle. Elle est allée contrôler l’identité d’un premier migrant, puis d’un deuxième. Je la suivais toujours, elle était de plus en plus hostile envers moi, mettait sa main devant, se retournait, m’empêchait de filmer. Je la contournais, à un moment j’ai décidé de m’asseoir. Elle a saisi la caméra, l’a retiré de ma main et a marché dessus. Quatre policiers m’ont alors traînée par terre puis menottée. À l’extérieur, j’ai donné mon passeport, puis attendu quelques minutes avant d’être emmenée au commissariat. »
Lauren P. dit avoir récupéré sa caméra « détruite » et « sans carte mémoire » à sa sortie de garde à vue. Trois plaintes ont déjà été déposées par les deux Lauren contre des policiers qui les auraient malmenées. Jans, lui, aborde la même question :
« Quand la police est arrivée, on a fait ce qu’on fait tous les matins : sifflé pour avertir les gens. Nous sommes là à cause des brutalités policières, c’est pour ça que nous avons des caméras. »
« Oui oui, vous êtes la bonne conscience du monde », ironise le président. Se fiant à la jurisprudence, la procureure demande d’abandonner les poursuites pour occupation illégale et requiert pour chaque prévenu trois mois de sursis pour le reste. Elle écarte « la volonté d’impunité » prêtée aux policiers par les militants, rappelant que Lauren P. « vient importuner, filmer, tourner autour. Ils empêchent les forces de l’ordre d’agir et nuisent à l’interpellation ». Et, un peu fataliste :
« Le conflit entre les No Border et la police ne date pas d’hier, il n’est pas né de l’affaire que vous avez à juger aujourd’hui et il va perdurer dans les mois qui viennent. »
L’avocate de la défense, Marie-Hélène Calonne, plaide le parole contre parole, en soulignant des contradictions dans les récits des policiers, et le « pacifisme » des militants. « On aurait bien aimé savoir ce qu’a filmé la policière, mais pas de chance, sa caméra ne fonctionnait pas ce jour-là. » Elle s’appuie également sur le contexte, connu comme délétère :
« Les vidéos dérangent. Celles qui ont été publiées ne l’ont pas été sur un petit site de n’importe quoi, ou sur Youtube, mais par Rue89 et Les Inrocks, qui ont tous les deux titré “Des vidéos qui font honte”. Effectivement ce sont des vidéos qui font honte à la police et à la façon dont elle travaille. »
Les prévenus sont relaxés au bénéfice du doute pour les faits de rébellion et condamnés pour le refus d’empreinte, mais avec une dispense de peine. Jugement accueilli par une salve d’applaudissements. Le 8 septembre, les deux Lauren repasseront au tribunal pour une action au centre de rétention administrative de Coquelles.
Sur le bureau du tout nouveau Défenseur des droits trône le dossier sur les violences policières à Calais, déposé comme un cadeau de bienvenue par les No Border, avec le soutien de 19 associations et syndicats.
Leur presse (Camille Polloni, Les Inrocks), 13 juillet 2011.