Procès d’un militant anti-pub Jeudi 23 juin 2011 à Poitiers

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1308738744.jpgDans la nuit du 13 au 14 mars 2011, trois personnes sont arrêtées sur le campus universitaire de Poitiers et emmenées au commissariat de police, menottes aux poignets. Les faits qui leur sont reprochés : « destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes » (article 322-1 du code pénal). En l’objet, des graffiti sur des abribus publicitaires JCDecaux. L’audition des employés de l’entreprise de réclame révèle qu’aucune dégradation des panneaux n’est à déplorer, et que les feutres ayant servi aux messages inscrits sur les panneaux étaient effaçable. Les affiches qui avaient été retirées ont même été proprement roulées et laissées sur place. Et pourtant, la garde à vue des trois inculpé·e·s durera 19 heures, pendant lesquelles deux perquisitions seront faites au domicile de chacun·e, ainsi qu’un fichage ADN. Alors pourquoi de telles méthodes pour des faits d’une gravité si relative ?

Les actions anti-pub dérangent car ce ne sont pas de simples actes de dégradation, mais des actes politiques. JCDecaux se vante à juste titre d’être « la vitrine du monde », car s’attaquer à la publicité c’est s’attaquer au premier rempart de notre système basé sur le pouvoir et la consommation. La publicité est source et vecteur de tous les stéréotypes qui peuvent miner nos esprits (raciaux, sexistes, physiques, sociaux…) et pousse donc à davantage de discrimination. Elle est élitiste, entretient le culte de la perfection, créant chez les gens un sentiment d’infériorité et de frustration. Elle pousse à l’égoïsme, à l’uniformité et à la superficialité. Elle force à la surconsommation, au gaspillage, à la destruction de notre environnement. Elle même nécessite une exploitation démesurée des ressources naturelles et génère quantité de déchets. Elle est l’outil de propagande de firmes richissimes pouvant se permettre de nous assiéger de leurs messages sous toutes les formes possibles (télé, radio, téléphones, internet, boîte aux lettres, brochures, panneaux, gadgets…), occultant complètement le travail de personnes aux moyens plus modestes et ne pouvant pas se permettre une telle promotion. Elle est donc antidémocratique ! Les médias, presque tous rendus dépendants du revenu fourni par la pub, ne sont plus libres de diffuser l’information librement…

En outre, les autorités de la région sont particulièrement à cran concernant les actions anti-pub, celles-ci étant fréquentes notamment à Niort, la Rochelle et Poitiers. Elles sont  systématiquement l’occasion de plaintes de la part de JCDecaux, faisant dans le pathos argumentant que ce genre de vandalisme expose les casseurs et les passants à un danger certain et porte préjudice à l’entreprise (10e fortune de France, rappelons-le) et à leurs annonceurs (L’Oréal, Chanel, Bouygues, Coca Cola…). Pour mémoire, voici les peines démesurées proposées pour ces actes innommables :

• N., 500€ d’amende et 950€ de dommages-intérêts et de frais de justice, et 250€ de préjudice pour la soit disant dégradation d’une sucette JCDecaux et pour avoir refusé de se soumettre au prélèvement de son ADN, mais elle sera relaxée.

• M., 3578€ d’amende, 2 mois de sursis et 2 ans de mise à l’épreuve.

• Ge., 2 mois et demi de prison ferme en préventive et 10 mois avec sursis, ainsi que 53’000€ de dommage à rembourser à JCDecaux dont une partie pour des panneaux cassés qui ne lui ont pas été imputés.

• Gu., 70 heures de travaux d’intérêt général pour la dégradation d’une sucette.

Etc., etc.

Il est intéressant de remarquer que le code de l’environnement français (article L581-8) permet normalement de nous protéger de l’invasion publicitaire, notamment dans les secteurs sauvegardés tels que le centre-ville de Poitiers. Cependant, cette loi est rendue caduque par un arrêté préfectoral du 4 décembre 1989 considérant « qu’il apparaît souhaitable de maintenir certaines formes de publicité dans le secteur sauvegardé ». Pas d’autres explications.

Les élus de la ville, interpellés à propos de l’omniprésence publicitaire, ne trouvent comme justification que des arguments purement économiques, le renouvellement des abribus s’il était payé par l’impôt serait de 900’000€ à 1’080’000€. À titre de comparaison, le projet bling-bling Cœur d’Agglo représente 25 millions d’euros d’argent public. Des villes comme Forcalquier en France, ou Sao Paulo au Brésil ont fait le choix de ne plus être soumises au diktat de la pub, preuve que la publicité est bel et bien un choix politique, indissociable d’un modèle autoritaire et capitaliste dont nous ne pouvons plus, dont nous ne voulons plus. Pour une société d’entraide et de liberté. Non à la pub, non à la répression !

Le comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux affirme sa solidarité sans faille avec ce militant et appelle à venir le soutenir :

— Au rassemblement organisé mercredi 22 juin à 18h00 devant les Cordeliers (côté place du Marché).

— Le jour du procès, jeudi 23 juin à 8h30, au palais de justice. Apporter vos prospectus pour un déversement devant le tribunal !

Antirep 86, 22 juin 2011.

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