Le groupe français Bolloré est mis en cause dans un rapport d’Oakland Institute, une ONG basée en Californie spécialiste du phénomène d’accaparement des terres. En Sierra Leone, le groupe s’installe sur 6500 hectares pour produire de l’huile de palme.
Ce rapport publié début avril 2012 pointe la location de 6500 hectares de terres agricoles destinées à la production d’huile de palme et de caoutchouc en Sierra Leone. En mars 2011, un contrat de location de ces terres situées dans la région du Malen a été signé entre le ministre sierra-léonais de l’Agriculture et la Socfin Agricultural Company (SAC), filiale locale du groupe Socfin (Société financière des caoutchoucs) basé au Luxembourg et dont Bolloré [possède] 39 % des parts. La société cherche encore 5000 hectares de plus. L’investissement initial — estimé à $ 100 millions — assorti de promesses de création d’emplois, d’une rémunération pour les exploitations agricoles perdues et de construction d’infrastructures, a bénéficié d’un large soutien gouvernemental.
La publication du rapport a coïncidé avec la tenue du 1er au 4 avril d’une assemblée nationale des collectivités touchées par l’accaparement des terres, réunissant une centaine d’agriculteurs et de militants des droits fonciers, dans la capitale Freetown. Les délégués à la conférence, la première de ce genre, ont exhorté le gouvernement à réexaminer les transactions foncières et à prendre des mesures pour rééquilibrer les contrats et les droits entre les communautés rurales et les puissants investisseurs étrangers. Un observatoire de la société civile pour assurer le suivi des investissements agro-alimentaires a également été lancé.
Populations mécontentes
Pour le moins, le projet ne semble pas soulever l’adhésion des populations locales. En octobre 2011, 40 manifestants ont été arrêtés suite à des heurts entre les villageois et Socfin. Les habitants ont critiqué le manque de transparence autour de la transaction ainsi que l’absence de réelle consultation et d’information sur les déplacements de populations qui pouvaient en résulter. Ils ont également soulevé des problèmes relatifs à l’insuffisance des indemnisations, à la corruption, et aux pressions exercées sur les propriétaires fonciers et chefs de villages.
Le terrain loué par Socfin englobe une trentaine de villages et quelque 120 propriétaires fonciers familiaux. Lors de la signature du bail en mars 2011, Socfin avait convenu du paiement d’indemnités pour la perte des exploitations existantes dans les zones d’opération, en plus d’un paiement annuel des loyers aux propriétaires fonciers. Directeur général de Socfin, Gerben Haringsma, avait également assuré que l’entreprise s’engageait à construire un hôpital résident, un réseau de routes, des écoles et des logements, pour un coût de $19 millions. En outre, Socfin avait pris l’engagement de payer $ 75’000 par année pour des projets de développement social et estimé que des possibilités d’emploi seraient créées pour 10’000 personnes, avec une préférence particulière accordée aux locaux.
Un schéma qui se reproduit
« Les griefs formulés par les agriculteurs en Sierra Leone sur les plantations de palmiers à huile sont pratiquement identiques à ceux des communautés paysannes à travers le monde concernant les autres investissements réalisés par les filiales Socfin », souligne le rapport. Des cas similaires d’accaparement des terres ont été signalés ces dernières années au Liberia, au Cameroun et au Cambodge.
Leur presse (Marchés Tropicaux et Méditerranéens, 16 avril 2012)
Le rapport de l’Oakland Institute à télécharger (format PDF, en anglais)