La suite du récit d’un camarade barcelonais :
Ce matin je me réveille en écoutant la conférence de presse en direct du chef de la police sur Catalunya-Informació (l’équivalent local de France-Info). Vingt minutes de manipulations de l’information, calomnies et tentatives de division. Selon lui un représentant du camp aurait demandé de l’aide à la police pour gérer la situation de la veille et le calme relatif durant la nuit serait issu d’une collaboration étroite entre eux et nous. Deux jours après avoir agressé plusieurs centaines d’indigné-e-s, il ne manque pas de culot. Les médias relaient une fois de plus tel quel le discours du pouvoir… Tou-te-s les journalistes croisé-e-s sur le camp aujourd’hui seront fermement critiqués là-dessus.
Sur la place, une question est sur toutes les lèvres : Doit-on partir ou maintenir le campement? Le débat de ce soir se prépare toute la journée. Chaque jour, la commission « facilitation » dynamise, modère et essaye de faire que l’assemblée soit la plus horizontale et la moins chaotique possible. Aujourd’hui, cette réunion pour préparer la réunion (sic) regroupe plus d’une trentaine de personnes et on se casse la tête pour trouver un moyen de faire que chacun-e fasse sienne la prise de décision de ce soir.
À 21h, commence la traditionnelle « casserolada » mais aujourd’hui elle dure moins longtemps. Au bout d’une demi-heure, monte sur le camion sono Paco Ibañez et toute la place chante la Mala Reputacion version en castillan de la Mauvaise Réputation de Brassens…
Encore une fois, quand commence l’assemblée générale, la sensation donnée par cette place remplie de part en part est émouvante. Les commissions défilent, puis vient la liste interminable des comités de quartier nous invitant à leurs réunions ou mobilisations. Les « féministes indignées » lisent un communiqué questionnant la posture de la non-violence [ver traduction 12] et introduisent aux réflexions sur le sujet l’idée d’autodéfense… Des messages de soutien sont lu depuis Athènes (10.000 personnes rassemblées), et Paris où ce matin la police a expulsé le campement. Aussitôt un appel à se rassembler devant le consulat, situé à 200 mètres est lancé et la proposition de faire un cordon devant la porte, pour empêcher l’accès, est reprise massivement. Suite à la proposition de l’inter-commission, concernant le maintien ou non du campement, on décide de repousser la décision à mardi pour avoir le temps de réfléchir calmement aux suites à donner au mouvement.
Dans le tour de parole ouvert, l’énergie exprimée est très positive. Personne ne parle de partir et bien au contraire certains affirment vouloir rester jusqu’à l’abrogation des coupures budgétaires et la démission du ministre de l’Intérieur… Une fille monte sur le camion hyper-agitée: « Je n’ai pas dormi depuis 48 heures, et pas pour la drogue mais pour l’enthousiasme que je partage avec vous ici. Ce soir je dois rentrer à la Modelo (prison du centre de Barcelona), au centre psychiatrique, mais je n’y vais pas pour me laisser enfermer, j’y vais pour diffuser à l’intérieur ce qui se passe ici ! Les prisonniers aussi sont avec nous ! Ne les oublions pas ! Je vous invite à lancer des campements devant les prisons, devant la Modelo, devant Can Brians, devant 4 Camins… » C’est la première fois qu’est évoquée cette question mais autour de moi les gens sont émus et plutôt réceptifs.
L’assemblée se termine et plus de 500 personnes se dirigent vers le consulat. L’avenue est coupée et la foule chante « Los pueblos unidos jamas seran vencidos », « Paris tu n’es pas seul », « Sarkozy assassin ». Quelqu’un rappelle au mégaphone que c’est l’anniversaire du début de la semaine sanglante, le massacre par l’armée des révoltés de la Commune de Paris. Un homme — le sosie de Léo Ferré — commence a réciter des poèmes révolutionnaires. La foule est en liesse et crie « sans poésie, pas de révolution ». Quand je pars me coucher autour d’une heure du matin il y a encore des tonnes de gens et certain-e-s apportent leur tente et leur sac de couchage pour camper devant la porte…
Liste francophone de diffusion d’infos relatives aux squats, 31 mai 2011.