Zabadani, « première ville libre de Syrie » ?
Assiégée et bombardée pendant six jours jusqu’au retrait de l’armée syrienne mercredi, Zabadani respire à nouveau. Cette ville située près de la capitale est même devenue le symbole de l’efficacité de la résistance armée contre le régime.
Après Benghazi la Libyenne, Zabadani la Syrienne ? Mercredi, plusieurs dizaines de chars et de véhicules blindés des forces du président Bachar al-Assad qui affrontaient des éléments de l’Armée syrienne libre (ASL), se sont retirés de cette localité située entre Damas et la frontière syro-libanaise. Assiégé et bombardé jour et nuit pendant six jours, le nouveau foyer de la révolte populaire contre le régime respire à nouveau. Ses habitants et les membres de l’Armée libre ont paradé dans la ville pour fêter l’évènement. (…)
Certains commentateurs et des activistes syriens n’ont pas hésité à qualifier Zabadani de « première ville libre de Syrie ».
Ce lieu de villégiature de 40’000 habitants, prisé pour son climat et habité en grande majorité par une population relativement aisée, principalement sunnite avec une minorité chrétienne, n’était pourtant pas prédestiné à devenir un bastion de la contestation ; contrairement à Deraa, cité désoeuvrée du sud du pays et berceau du soulèvement populaire. Un symbole d’autant plus fort que la bourgeoisie syrienne est souvent accusée d’appuyer le président Bachar al-Assad. Mais cette ville n’est pas seulement réputée pour sa douceur de vivre, elle est surtout stratégique d’un point de vue géographique, « puisqu’elle n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres au nord-est de la capitale mais aussi parce qu’elle est nichée dans une région montagneuse qui surplombe un certain nombre de résidences de l’élite du régime, dont la garde présidentielle », explique à FRANCE 24 Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du monde arabe et professeur à l’université Paris-XI.
Certains s’empressent aujourd’hui de la comparer à la ville de Benghazi, fief originel des rebelles libyens qui s’étaient soulevés l’an dernier contre le colonel Kadhafi. (…)
Leur presse (Marc Daou, France24.com, 20 janvier 2012)
Témoignage exclusif de Zabadani : « Comment nous avons fait reculer l’armée de Bachar al-Assad »
Après plus d’une semaine de combats, les chars de l’armée régulière syrienne se sont retirés jeudi de la petite ville de Zabadani située à la frontière syro-libanaise. Sur place notre Observateur explique que des soldats déserteurs sous équipés sont parvenus à repousser les tanks de l’armée régulière, mais qu’ils ne pourront pas tenir longtemps leurs positions.
Zabadani est une ville de villégiature située à près de 1200 mètres d’altitude et à 45 km à l’ouest de Damas, la capitale. Depuis plus d’une semaine, la ville était le terrain d’affrontements meurtriers entre l’armée régulière et les déserteurs qui s’y étaient réfugiés, certains depuis plusieurs mois.
Contre toute attente, jeudi soir, des militants ont annoncé que les chars de l’armée syrienne, ainsi que les véhicules blindés des soldats battaient en retraite et regagnaient les casernes situées à une petite dizaine de kilomètres de la ville. Seuls quelques points de contrôle seraient maintenus par l’armée régulière autour de Zabadani. Il s’agit du premier recul de l’armée syrienne depuis le début de la contestation en mars 2011. Les activistes en parlent aujourd’hui comme de la « première ville libre de Syrie ». (…)
Mohammad Ali est un des fondateurs du comité révolutionnaire syrien de Zabadani. Nous l’avons contacté alors qu’il manifestait dans le centre ville pour fêter le départ des troupes.
« Ces dix derniers jours la ville a été le terrain de combats extrêmement violents. Plusieurs quartiers ont été bombardés. Certains ont dit que le retrait des troupes s’était fait au terme d’un accord entre les deux armées mais ce n’est pas le cas. C’est la force et la résistance de nos combattants et des soldats déserteurs qui a fait reculer les chars de l’armée régulière. »
« Les soldats déserteurs sont arrivés par petits groupes, essentiellement sur les deux derniers mois. Ils ont choisi Zabadani parce qu’ils savent qu’ici quasiment tous les habitants ont une arme et que par conséquent la ville était plus à même de se défendre en cas d’attaque. Les armes sont nombreuses parce que nous sommes à quelques kilomètres de la frontière libanaise et beaucoup ont été acheminées pendant la guerre israélo-libanaise de 2006. Et comme c’est une frontière, c’est aussi un point de passage de trafic en tout genre. Mais nous ne disposons au final que d’AK47 et de pistolets. »
« L’autre raison qui a permis à nos soldats de faire reculer l’armée régulière, c’est que nous sommes dans une zone montagneuse, avec de nombreuses forêts. Deraa, à l’inverse, est une ville beaucoup plus facile d’accès pour les forces militaires. Alors qu’ici, les soldats déserteurs peuvent se cacher aux abords de la ville puis préparer leur contre attaque. Nous, nous savons où ils sont et nous les ravitaillons régulièrement en nourriture et en vêtements. »
« Nous n’avons pas de mitrailleuses, ni de tanks mais les déserteurs sont tous prêts à mourir pour défendre leur cause. Alors qu’en face, de nombreux éléments de l’armée régulière continuent de se battre parce qu’ils savent que s’ils font défection, l’armée se vengera sur leur famille, mais ils n’ont pas la même détermination que ceux qui se battent pour la liberté. »
« Pour autant, nous ne ferons pas le poids très longtemps, peut-être une semaine encore, mais pas beaucoup plus. Les soldats de Bachar al-Assad ne sont pas loin d’ici. S’ils attaquent à nouveau nous serons vite à cours de munitions et ils finiront par prendre le contrôle de la ville. »
« Si une zone d’exclusion aérienne était votée par la communauté internationale, cela permettrait à une partie des soldats de l’armée régulière de faire défection et de nous rejoindre. Aujourd’hui, beaucoup ont envie de le faire mais s’ils nous rejoignent à Zabadani, ils savent que l’armée régulière se mettra à bombarder la ville. Une aide internationale est donc aujourd’hui notre seul espoir. »
Leur presse (Mohammad Ali, avec la collaboration de Ségolène Malterre, Observers France 24, 20 janvier 2012).
Les rebelles repoussent l’armée syrienne hors de Douma
L’armée syrienne libre (ASL), composée de soldats déserteurs, a repoussé samedi les forces de sécurité hors de Douma, faubourg de la périphérie nord de Damas, rapportent des opposants qui font état de combats acharnés en soirée.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH, basé à Londres), les insurgés se sont retirés de Douma après avoir pris le contrôle de certaines parties de la ville, épicentre du mouvement de contestation du régime du président Bachar al Assad depuis dix mois.
« Il semble qu’ils aient choisi de ne pas rester sur place, notamment parce que cela aurait offert une excuse au régime pour bombarder la zone », a déclaré à Reuters Rami Abdelrahman, le président de l’OSDH.
Les affrontements ont éclaté samedi après-midi lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une cérémonie funéraire, tuant quatre personnes. Les heurts qui s’en sont suivis ont fait des dizaines de blessés, selon les insurgés.
« Personne ne peut entrer ou sortir de Douma à l’heure actuelle », a raconté samedi sur Skype à Reuters un militant anti-Assad. « C’est la première fois que les insurgés ne se contentent pas de simples attaques éclairs. »
« Ce soir, ils ont commencé à ériger des barrages dans les rues et je peux entendre des coups de feu et des explosions à quelques minutes d’intervalle », a ajouté cet habitant de Douma, située à 14 km au nord-ouest de la capitale.
Selon des habitants de Douma et de la ville voisine de Harasta, les forces de sécurité se trouveraient actuellement à l’extérieur de la ville.
Leur presse (Reuters, 22 janvier 2012)
La contestation encouragée en Syrie par la « victoire » de Zabadani
Selon les Comités Locaux de Coordination, 455 manifestations se sont déroulées vendredi 20 janvier sur l’ensemble du territoire syrien. Suite à l’amnistie générale décrétée le 15 janvier par le chef de l’État, la journée avait été placée sous le slogan des « Prisonniers de la Liberté ».
Par le nombre de leurs participants, ces rassemblements ont confirmé que, plus de 10 mois après le début de leur mouvement, les Syriens étaient toujours aussi nombreux, en dépit des risques encourus, à descendre dans les rues pour réclamer le départ du président Bachar Al Assad et de son régime. (…)
La réapparition de certains détenus ne faisait pas oublier que, en Syrie, selon un panneau aperçu à Qamichli, si « les prisonniers sont dans des prisons ceintes de quatre murs, le peuple vit dans une prison cernée par quatre frontières ». Il s’agissait donc de rappeler au monde que des dizaines de milliers de Syriens et Syriennes continuaient de croupir dans les geôles du régime, exposés à tout moment à la torture, aux mauvais traitements et à la mort.
Dans de nombreuses villes et villages, les pancartes des manifestants ont mis la communauté internationale en garde contre la poursuite, par le pouvoir syrien et ses services de sécurité, de leur politique répressive et de leurs atrocités. La population avait besoin d’aide et de protection. Elle voulait que soit mise en place une zone protégée.
En attendant, les contestataires n’avaient pas d’autre recours que l’Armée Syrienne Libre. C’est elle qui les protégeait en leur permettant de poursuivre là où elle était présente leurs manifestations pacifiques. Ils contestaient donc à tout le monde, y compris aux opposants syriens en Syrie et à l’étranger… dont certains ont été nommés, le droit de s’exprimer en leur nom pour la dénoncer. Eux iraient jusqu’au bout de leur projet : la chute du régime.
Ils suppliaient enfin la communauté internationale de ne pas prêter l’oreille aux discours alarmistes que tenaient les responsables de certaines communautés religieuses. Contrairement à ce que ceux-ci affirmaient, leur mouvement n’était pas sectaire mais politique.
Leur presse (blog du monde.fr Un Œil sur la Syrie, 21 janvier 2012)