Le régime en place instrumentalise la misère sociale et répand partout l’horreur meurtrière dans l’Azawad. À écouter le ministre malien de l’Administration à la cérémonie de remise de trophée à la presse écrite et orale, le vendredi 30 décembre 2011, Monsieur Kafougouna Koné avance, je cite :
« Il suffit d’aimer son pays et d’être discipliné pour le développer. » Il continue ainsi en donneur de leçon que le développement est à la portée de tous les Maliens. Ce régime oublie déjà que durant ces dix ans de règne le Mali n’a gagné qu’en misère : école malade, niveau de vie de plus en plus bas, détournement de fonds public comme le cas du Fonds Mondial contre le Sida… et l’Azawad laissé à la merci du trafic international de tout ordre.
Il existe derrière la façade du pouvoir institutionnalisé, des clans de responsables qui tirent un profit odieux des fonds mondiaux, des massacres, et qui ne sont pas mécontents de les voir se poursuivre, quand ils n’en sont pas les complices.
La prise de conscience de cette réalité a amené nombre d’intellectuels et de jeunes de l’Azawad à condamner, avec raison la violence et ses auteurs. Condamner la violence (répressions des années 1990), déplorer les morts (assassinats collectifs à Gao-Léré-Ber entre 1994-1996), mais la lassitude de l’horreur gagne du terrain et l’on s’installe désormais dans une sorte d’attentisme passif « jusqu’à [ce que] cela s’arrête » par crainte, à son retour, [que le système] instrumentalise tel ou tel groupe, comme par le passé.
L’Azawad est déchiré, et nous sommes des spectateurs muselés devant le drame de l’inhumanité. La complexité a produit une étrange simplification de la réalité et les analyses les plus réductrices rivalisent de profondeur (pour qui [a] lu la presse malienne à travers www.maliweb.net).
Le peuple de l’Azawad ne peut s’épanouir par des mesures répressives et des châtiments, mais [par] l’engagement de chacun à établir l’état de droit, le respect de la volonté populaire et une législation juste garantissant l’égalité des genres, des pauvres et des riches devant la loi. Faute d’une démocratie réelle, tous les projets de développement se sont soldés par l’échec. Ici c’est le règne du soupçon caractérisé, entretenu jour après jour par la phobie sécuritaire. Tout se passe comme si l’on ne traitait pas avec des citoyens, mais de potentiels suspects menaçant l’équilibre de la nation. Ceux revendiquant plus de justice sociale se voient associés aux dossiers politiques les plus nébuleux : la confiance ici, est considérée comme de la naïveté.
À conclure la stratégie de gouvernance « démocratique » (qui n’est que mise en scène) du Mali durant ces vingt dernières années, les Azawadis ne sont pas des citoyens dans l’État, mais plutôt des loups dans la bergerie.
Combien d’accords et d’engagements internationaux signés à travers le monde, sans être honorés (des accords de Tamanrasset en 1991 en passant par le Pacte National en 1992, et les accords d’Alger en 2006) ?
À cela s’ajoutent les plus beaux discours sur l’intégration, le respect de la diversité culturelle. Toutes ces mises en scène n’ont rien changé [à] la réalité du quotidien des Azawadis. Avec ces derniers le dialogue est une sommation… l’habilité consiste à soigner les formes. Incroyable, et insidieuse efficacité d’une entreprise qui aliène notre volonté et nous trompe sur notre personne.
Le constat est clair : nous croyons aujourd’hui, le risque de ne plus nous appartenir.
Quand l’avoir l’emporte tellement sur l’être, qu’il semble être devenu la seule condition du bien-être,
Quand la vitesse de l’information est plus importante que son analyse,
Quand l’image l’emporte sur le verbe,
Quand enfin le progrès devient pour lui-même, la justification de son bien fondé… alors il devient difficile de façonner son esprit, de déterminer ses repères, de masquer ses limites.
Khoumeidy Ag Acharatmane
du Mouvement National de Libération de l’Azawad, 1er janvier 2012.