Six mois de prison pour le feu au commissariat de Bastia
Jeudi dernier, peu avant 9 heures, un incendie s’était déclaré au commissariat de Bastia, provoquant l’évacuation de tout le bâtiment et causant des dégâts à l’intérieur de celui-ci. Sans parler de la dizaine de personnes fortement incommodées par l’épaisse fumée qui s’était dégagée du local de rétention administrative. Et ce, malgré la diligence des fonctionnaires de police présents sur place, et qui étaient intervenus avant l’arrivée rapide des services de secours et d’incendie.
À l’origine de cet incident peu banal : le feu mis à son matelas par une personne en situation irrégulière et placée en ce lieu dans l’attente de son expulsion du territoire national, conformément à la mesure le visant après des délits commis à Ajaccio (conduite sans permis, refus d’obtempérer, détention d’arme de 6e catégorie).
« J’ai voulu en finir avec cette vie… »
Un homme de 25 ans et de nationalité tunisienne qui, dans le cadre d’une comparution immédiate, avait donc à répondre hier devant le tribunal correctionnel de Bastia des faits de « dégradation ou détérioration du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes » ainsi que de « violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ». Laquelle a entraîné des blessures involontaires à huit personnes [Trois des personnes intoxiquées, ainsi que l’État (via la direction départementale de la sécurité publique) se sont constitué parties civiles. Leurs intérêts seront examinés lors de l’audience du 15 février.] avec incapacité de travail n’excédant pas trois mois.
Questionné par le président Olivier Schweitzer sur les raisons qui avaient motivé cet acte, Atef Sediri a affirmé avoir voulu se donner la mort, car il ne supportait plus le stress lié à sa clandestinité et à sa situation de précarité. Outre son geste incendiaire, il avait d’ailleurs tenté, dans la foulée, de se taillader les veines avec un fragment de lame de rasoir. Peu convaincue sur la sincérité de cette tentative de suicide, la représentante du ministère public a plutôt considéré que « Satif Sediri préférait la détention en France à la liberté dans son pays. Parce que le retour est un échec, surtout dans ces conditions… » Retenant la mise en danger de la vie d’autrui (les fonctionnaires de police, une autre personne en garde à vue et les sauveteurs), Julie Colin a néanmoins requis contre lui une peine d’emprisonnement de huit mois.
Prison ferme = sursis à expulsion
Insistant sur la souffrance bien réelle de son client, Me Jean-Michel Albertini a plaidé « le geste d’extrême désespoir qui fait préférer la mort à cet échec qu’a justement évoqué Mme le procureur, et annihile la notion de danger que l’on fait courir aux autres… »
Après moins de dix minutes de délibéré, le tribunal a infligé à Atef Sediri une peine d’emprisonnement de six mois ferme. Paradoxalement, l’accusé pouvait voir dans cette condamnation un… sursis à son expulsion. Une forme de répit. Une affaire qui, par-delà cette sanction, pose quand même certaines questions sur la sécurité au commissariat de Bastia, en ce sens que l’alarme incendie ne s’est pas déclenchée tandis que le système de vidéosurveillance est quant à lui en panne depuis… cet été.
Sans compter que l’accusé n’aurait — à ses dires — pas été fouillé avant son placement en local de détention administrative, comme tend à le confirmer l’usage qu’il a pu faire de son briquet et d’une lame de rasoir.
Leur presse (Corse-Matin), 28 décembre 2011.
Incendie au commissariat de Bastia : douze personnes incommodées
Un feu s’est déclaré dans le local de rétention où se trouvait un étranger en situation irrégulière qui, intoxiqué par la fumée, est toujours hospitalisé. Parmi les onze autres personnes, figuraient dix policiers.
Vive émotion jeudi matin à l’hôtel de police de Bastia où peu avant 9 heures, un incendie s’est déclaré dans le local de rétention administrative situé au deuxième étage de l’aile nord du bâtiment.
Une épaisse fumée, provoquée semble-t-il par la combustion d’un matelas, s’est ensuite propagée à travers l’étage.
Un policier, affecté à ce service, s’est aussitôt porté au secours de l’étranger en situation irrégulière sur le territoire qui se trouvait dans ce local ; il a été vite rejoint par un autre fonctionnaire de garde au poste de police qui venait de voir sur un écran vidéo ce qui se passait. Puis, l’alerte ayant été donnée, d’autres policiers dont le directeur départemental de la Sécurité publique de la Haute-Corse, le commissaire divisionnaire Jean Dal Colletto, se sont rendus sur place.
En parallèle, ordre a été donné d’évacuer le commissariat.
Une seule personne toujours hospitalisée
Le Codis de Haute-Corse a enclenché la « générale ville » du centre de secours principal de Bastia et mobilisé également trois ambulances supplémentaires, deux de la caserne Bastia et une de celle de Sisco. Un important dispositif complété par l’engagement sur zone du médecin-chef du Sdis, le lieutenant-colonel Daniel di Giambattista, et d’une équipe médicale du Samu 2B.
Les secouristes ont pris en charge douze personnes qui avaient inhalé, à plus ou moins forte dose, de la fumée dont une qui, sévèrement intoxiquée, était inconsciente. Parmi elles, figurait l’homme qui se trouvait dans le local de rétention, une personne placée non loin de là en garde à vue et dix fonctionnaires de police qui travaillaient à l’étage ainsi que ceux qui se sont portés au secours de l’étranger. Ce sont ces derniers d’ailleurs qui ont été le plus incommodés par la fumée car « notre premier réflexe, dans cette situation d’urgence, a été de venir en aide à la personne qui se trouvait dans le local de rétention », raconte le commissaire Dal Colletto.
Une « action courageuse » saluée par le délégué départemental pour la Haute-Corse du syndicat Unité SGP-Police Force ouvrière, Cyril Bianchi. Le maire de Bastia, Émile Zuccarelli, et le directeur général des services de la ville, Antoine Scofoni, se sont rendus sur les lieux pour apporter leur soutien au personnel de l’hôtel de police.
Toutes les personnes intoxiquées ou incommodées, sauf une, ont été transportées au centre hospitalier général où dans la majorité des cas, elles ont été placées sous assistance respiratoire pendant plusieurs heures. Elles ont pu quitter Falconaja dans l’après-midi à l’exception de l’étranger qui, même si son état de santé s’est amélioré, y est toujours hospitalisé.
Un local de rétention inutilisable
Si les flammes ont causé peu de dégâts — le feu ayant été vite circonscrit par les pompiers —, ce n’est pas le cas de la fumée. Le local de rétention, point de départ de l’incendie, est une « pièce de 20 mètres carrés hermétique qui, fortement enfumée, était difficile d’accès », souligne le commandant Jean-Paul Bastiani, adjoint du chef du groupement des sapeurs-pompiers de Bastia : « Nous avons été obligés d’enlever une baie vitrée renforcée et de mettre en place un ventilateur afin de pouvoir évacuer la fumée. »
Une opération de désenfumage qui a duré environ une heure et a été suivie de près par le lieutenant-colonel Jean-Luc Beccari, directeur adjoint du Sdis 2B.
Ce local de rétention est, pour l’instant, inutilisable.
L’enquête de flagrance confiée par le procureur de la République à la direction de la Sécurité publique va s’efforcer de déterminer l’origine du sinistre qui, à l’heure actuelle, n’est « pas encore clairement établie » a indiqué le secrétaire général de la préfecture de la Haute-Corse, Laurent Gandra-Moreno, qui était présent hier matin sur les lieux. Une enquête administrative pourrait également être ordonnée. L’enquête « ne faisant que commencer », les autorités se sont refusées à tout commentaire.
Cependant, l’hypothèse la plus probable est que le feu pourrait avoir été mis volontairement par l’occupant du local de rétention, un ressortissant nord-africain qui, sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière, devait embarquer hier à bord d’un avion en partance pour le Continent.
Il pourrait ainsi avoir tenté de mettre fin à ses jours car, ne voulant pas quitter sa chambre enfumée, il a opposé de la résistance aux policiers alors que ceux-ci venaient le secourir.
Si c’est avéré, l’enquête devra alors dire de quelle manière cet homme a pu se procurer un briquet ou des allumettes.
En effet, si le régime de surveillance est moins strict que dans le cas d’une garde à vue, toute personne placée en rétention administrative est toutefois démunie de tout objet susceptible d’être dangereux pour elle-même ou autrui.
L’alarme incendie n’a pas fonctionné
Le syndicat Unité SGP-Police FO s’est ému de cet événement qui risque de poser selon lui des problèmes de fonctionnement. « Les policiers du commissariat de Bastia travaillent à flux très tendus, déplore Cyril Bianchi. Lorsque survient un accident qui sort de l’ordinaire comme celui-ci, cela peut entraîner des difficultés dans l’organisation du travail le temps que les personnels se rétablissent. »
Ce syndicat pointe également du doigt la défaillance de l’alarme anti-incendie qui « ne s’est pas déclenchée » hier matin. Ce problème n’est pourtant pas nouveau. « Nous avions signalé ce dysfonctionnement début décembre lors de la réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, précise son délégué départemental, Mais malgré cela, l’Administration n’a pas fait ce qu’il fallait. »
Leur presse (Corse-Matin), 23 décembre 2011.