Centre illégal de rétention des migrants de Nouadhibou : La Mauritanie ouvre la course aux chiffres
Le Centre de rétention de Nouadhibou ouvert en 2006 grâce au soutien de l’Espagne est illégal, et pour rien au monde, Caritas Nouadhibou n’entend le légitimer en y mettant les pieds. L’organisation humanitaire catholique qui rapporte les échos qui lui parviennent du centre, souligne des conditions de détention pas du tout enviables. « Les gens sont enfermés toute la journée, n’ont pas accès à la cour, ils ne sortent de leurs cellules que quand ils ont envie d’aller dans les toilettes ; il y a toujours un policier sur leur dos », rapporte Grégoire Cheuko, secrétaire général de Caritas Nouadhibou. Ce dernier est à Dakar depuis vendredi dans le cadre d’un séminaire de formation en prélude au sommet euro-africain sur la migration et le développement. Suivant les témoignages, poursuit-il, les gens sont mal accueillis, ils sont maltraités.
Pire, ajoute sa collègue Linda Khaly Ndiaye, comptable, « il n’y a pas de durée de rétention exacte dans ce centre, cela dépend du nombre que veulent les autorités mauritaniennes. Il n’y a pas de refoulement individuel, si vous êtes arrêté, arrivé au centre, vous vous retrouvez avec deux autres personnes, il va falloir attendre que vous atteignez un nombre pour remplir un camion. Et si dans trois voire quatre semaines, vous n’atteignez pas ce nombre, vous restez davantage sans nourriture ni eau. »
Avec le 10e Fonds européen pour le développement (Fed 2008-2012) pour un montant de 8 millions d’euros, l’Europe entraine nos États africains à faire une sorte de chasse aux chiffres. « Le phénomène des pirogues a considérablement diminué, mais puisqu’il y a de l’argent qui arrive, il faut bien justifier cet argent. Et du coup, pour une simple bagarre entre deux étrangers, on vous attrape, on vous emmène à la police, ou que vous oubliez vos papiers à la maison, on vous conduit au centre de rétention et vous refoule dans les jours ou semaines qui suivent. Tout simplement, parce qu’il faut remplir les listes, rapporter des chiffres au bailleur qui continue à vous financer », renchérissent nos interlocuteurs. Alors que le nombre d’arrivées sur les Îles Canaries a constamment diminué depuis le pic de plus de trente mille personnes en 2006, passant à moins de dix mille en 2008 et moins de trois mille en 2009, le nombre d’étrangers enfermés dans le centre de détention semble n’avoir réellement diminué que depuis 2010.
Les chiffres rendus publics par la Croix-rouge espagnole montrent que jusqu’à l’été 2008, le nombre de personnes détenues s’est maintenu à une moyenne de 360 personnes par mois. Des chiffres très élevés en comparaison de la chute des arrivées sur les Îles Canaries et qui semblent s’expliquer par des arrestations effectuées sur le territoire mauritanien sur de simples soupçons de tentative d’immigration « clandestine ». À les en croire, les gens qui sont détenus dans ce centre ne sont pas tous des personnes qui s’apprêtaient à partir pour l’Europe comme clandestins. Cela s’explique par le fait que, à un certain moment, quand les autorités mauritaniennes ont besoin de personnes pour remplir le centre, elles font des rafles par masse. En ce moment, on arrête tous les étrangers, sans distinction de gens qui travaillent à Nouadhibou depuis cinq ans, notamment des pêcheurs, des restauratrices, des candidats à l’immigration. Ces gens sont, après, renvoyés aux frontières entre le Mali et le Sénégal puis refoulés.
Leur presse (Abdoulaye Sidy, Wal Fadjri), 22 novembre 2011.