Manifestation anti-gaz de Schiste
In Salah, toujours dans la rue
Des renforts policiers et militaires aéroportés sont arrivés à In Salah hier. Le wali de Tamanrasset, qui a ignoré le cri de détresse des habitants depuis 6 jours, a enfin daigné se déplacer pour parler aux délégués de la société civile à l’hôtel Tidikelt.
Arrivé en pompier, par vol militaire, le wali a entamé sa visite par une rencontre avec les autorités locales de la commune et de la daïra d’In Salah avant de partir en tournée à Dar Lahmar, où les puits de gaz de schiste sont contestés. Dernière information, un changement de la configuration de la délégation de la population, dont des ingénieurs en pétrole ont été écartés à la dernière minute.
Ville paralysée
Les gens semblaient impatients et peu enclins à croire que les autorités du pays ont répondu favorablement à leurs doléances. La population, n’a pas changé d’attitude. Même mobilisation, même détermination. Hommes, femmes et enfants sont toujours rassemblés devant le siège de la daïra d’In Salah.
On donne un chiffre. 2500 à 3000 personnes au même endroit en même temps. Les commerces sont fermés, les écoles, les administrations aussi. La ville est comme paralysée, encore sous l’onde de choc de cette mobilisation extraordinaire, cette colère, ce cri du cœur que les villes voisines ont repris en chœur.
In Ghar, Iguestene, Sahla Fougania, Sahla Tahtania, Aoulef, Tit, El Ménéa, Tamanrasset où une vague de solidarités a été déclenchée le plus naturellement du monde, mais encore plus au nord, dans les oasis sahariennes, à Oued Souf, Ouargla, Ghardaïa… Ceux qui connaissent In Salah savent que l’adhésion au mouvement anti-gaz de schiste est réelle, ces forages ont allumé un étincelle que certains croyaient éteinte depuis la révolte des Deghamcha en 1900, mais la peur de cette mort annoncée a profondément ébranlé une population paisible, fidèle au FLN de la Révolution, au pouvoir central et peu encline au changement brusque.
Elle a touché les foyers, les vieilles, les ménagères présentes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur et qui donnent le la à cette manifestation non-stop depuis 6 jours. Un cri du cœur, la peur d’un avenir incertain dans une région connue pour être le couloir des vents les plus forts, la chaleur la plus torride d’Algérie et peut-être du monde. Des extrêmes qui viennent de donner l’élan à la plus spectaculaire, la plus forte et la plus inédite manifestation pour la préservation du Sahara.
Presse antiémeute (Houria Alioua, ElWatan.com, 6 janvier 2015)
Imposante marche contre le gaz de schiste à Tamanrasset
Les étudiants du centre universitaire de la wilaya de Tamanrasset se sont joints au large mouvement de protestation préparé par les opposants à l’exploitation du gaz de schiste dans le sud.
Une imposante marche à laquelle ont participé plusieurs centaines de personnes, entre étudiants et enseignants, a été organisée, ce mardi 6 janvier, du centre universitaire vers le siège de la wilaya. Les organisateurs font état de plus de 2000 marcheurs qui ont pris part à cette action, en signe de solidarité avec les habitants d’In Salah qui ont investi la rue depuis le 31 décembre, pour manifester contre l’extraction du gaz piégé dans cette région où se trouvent les trois puits pilotes, dont deux sont récemment mis en service.
L’arrêt des travaux dans ce site implanté à quelques toises des périmètres agricoles des deux localité de Sahla, à 35 km de la capitale de Tidikelt, est la revendication des protestataires ayant brandit plusieurs banderoles où l’on peut lire « Le gaz se propage et le Sud agonise », « non au gaz de schiste », « ayez pitié en nos enfants, on en a marre de la marginalisation », « nous ne sommes pas contre l’économie de l’État, mais contre les projets nuisibles au citoyen ».
Les protestataires exigent sans condition l’instauration d’un moratoire et l’extinction des torche de puits lancés à titre d’expérimentation dans le site de l’Ahnet. Rien ne semble altérer leur détermination à faire valoir cette revendication quitte à « bloquer les zones pétrolières et fermer les importants axes routiers menant de et vers Tamanrasset » menace-t-on. Les participants à cette marche, quadrillée par un impressionnant dispositif de sécurité en prévision de la réunion du CEMOC (comité d’État-major opérationnel conjoint) qui se tient parallèlement à la VIe région militaire, se disent prêts à durcir leur action si les autorités se murent encore dans le silence.
« Cette protestation de soutien aux manifestants d’In Salah n’est qu’un début. Nous n’allons pas nous taire jusqu’à l’aboutissement de notre plate forme de revendication » lancent les protestataires à l’adresse des responsables de la wilaya. Et de poursuivre : « Nous refusons de cautionner un projet polluant et qui ne profite, de surcroît, qu’aux pays étrangers. Les populations du Sahara ont été longtemps exploitée par la France qui tenait de concrétiser sa stratégie nucléaire au détriment de la vie des milliers de personnes utilisées comme cobayes. Aujourd’hui et après 52 ans d’indépendance on n’acceptera jamais qu’on soit traité de la sorte ».
Plus scientifiques, ils ont expliqué que le précédé adopté pour l’extraction du gaz de schiste, outre le fait qu’il contribue à augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES), est susceptible d’augmenter le taux de radon — un gaz radioactif incolore et inodore présent dans les sous sols — dans toute la région et localités environnantes. Ce qui accroît inévitablement le risque de cancer du poumon. Après l’eau inflammable, les microséismes et la pollution des nappes phréatiques, la hausse du radon représente ainsi une conséquence redoutable des gaz de schiste.
Joint par téléphone, le secrétaire de l’association des victimes des essais nucléaires d’In Eker, Ibba Boubekeur a mis en garde contre les dangers et les différentes menaces qui pèsent sur les populations de Tidekelt et l’Ahaggar. « En matière de technologie, l’Algérie n’est pas meilleure que les USA qui jouissent d’une expérience capitale en matière l’exploitation du gaz de schiste, et encore moins la France où le projet avait fait objet d’une large contestation eu égard à son impact négatif sur l’environnement et la santé publique. Il faut comprendre que le gaz de la roche-mère, devant être fracturé avec une grande quantité d’eau et de produits toxiques, est une source de cancers qui s’ajoute à la liste encore plus longue de craintes et de répercussions néfastes. Les riverains sont exposés à de hauts risques et des préjudices écologiques incommensurables. L’État doit se raviser avant que la situation ne prenne d’autres allures encore plus scandaleuses, » a conclu notre interlocuteur.
Presse antiémeute (Ravah Ighil, ElWatan.com, 6 janvier 2015)
Le Sud se mobilise contre le gaz de schiste
Le gouvernement recule ?
Le chef de daïra d’In Salah a annoncé hier, en fin d’après-midi, la suspension de l’exploitation des deux puits de gaz de schiste de Dar Lahmar, le premier champ de gaz de schiste d’Algérie.
Sur le point kilométrique 30 de la RN1, la fameuse transsaharienne, une bifurcation, à 18 km vers l’ouest, mène aux trois premiers puits de gaz de schiste. Deux sont entrés en exploitation dix jours plus tôt alors que le troisième serait en cours de réalisation, selon nos informations. Pendant ce temps, la mobilisation populaire prenait de l’ampleur à travers les villes voisines. Plusieurs localités du Sud se sont portées solidaires du mouvement de protestation contre l’exploitation du gaz de schiste entamée le 31 décembre par la société civile d’In Salah.
In Ghar, Tit, Tamanrasset et El Ménéa ont décrété hier la paralysie totale des commerces et administrations publiques pour rejoindre ceux d’In Salah où la mobilisation a atteint toutes les franges de la société. Même les grossistes et autres commerçants installés dans cette ville ont baissé rideaux en signe d’adhésion et rejoint la foule qui s’est regroupée dès les premières lueurs d’hier matin devant le portail de la daïra. La population de la daïra d’In Salah a fortement répondu aux appels d’une vingtaine d’associations de quartiers et de protection de l’environnement.
Quand les femmes donnent l’exemple
Des dizaines d’hommes, des jeunes, des vieux, des enfants mais aussi et surtout une cinquantaine de femmes, se sont énergiquement opposés à l’exploitation du gaz de schiste dans le Sahara algérien, en tenant tête aux autorités et en maintenant leur mouvement de protestation. Ils se sont mobilisés durant toute la matinée de dimanche devant le siège de la daïra d’In Salah, où une délégation a fini par être reçue par le chef de daïra. L’annonce de la venue, mercredi prochain, d’une délégation ministérielle pour discuter avec la population n’a pas convaincu.
Les manifestants ont décidé de camper devant leur daïra où ils ont dressé une immense kheima pour continuer à sensibiliser la population acquise à cette action citoyenne pacifique s’opposant à l’entrée en production des puits de gaz de schiste dans l’Ahnet. Ainsi, après un sit-in grandiose qui a regroupé différentes franges de la société, venues des quatre coins de la ville d’In Salah, les citoyens étaient très déterminés à avoir des réponses concrètes, voire immédiates. « Nous attendrons ici même cette délégation d’Alger qu’on nous annonce avec autant de cérémonie », nous dit un des organisateurs, joint par téléphone.
Une délégation qui n’a pas pris la peine de se déplacer avant la fin de semaine, alors que la population n’a quasiment pas déserté la rue depuis le 31 janvier et qui a redoublé de manifestations depuis, bloquant des axes névralgiques de la ville, y compris ceux menant aux fameux puits de gaz de schiste, dont le lancement de la production une semaine plus tôt par le ministre de l’Énergie a eu l’effet d’une bombe parmi les habitants.
Poursuite des négociations
C’est à cet endroit qu’un deuxième round de négociations a été programmé en fin d’après-midi. Une nouvelle délégation de citoyens, une nouvelle attente. Le verdict est arrivé peu avant 17h. Le gouvernement aurait décidé la suspension de l’exploitation du gaz de schiste dans les deux puits en production. Une annonce qui laisse la foule perplexe. Comment en être sûr ? Que va-t-on décider ?
Des pétroliers du cru décident alors de se porter volontaires pour un déplacement sur le site même de Dar Lahmar, histoire de constater de visu que les torches ne brûlent plus. L’idée est de suspendre la production jusqu’à la venue, mercredi prochain, d’une délégation d’experts dépêchés par le ministère de l’Énergie afin d’organiser un forum populaire le lendemain. Le ministère veut donc expliquer sa démarche à une population hostile à tout ce qui a trait au forage de puits de gaz de schiste. Les manifestants restent sceptiques.
Les gens savent qu’In Salah n’est pas une région anodine sur l’échiquier national. « In Salah, zone stratégique, est la vraie capitale du gaz algérien, le plus grand réservoir d’eau du Sahara ne montre aucun signe de développement ou d’autosuffisance. Nous avons dit au chef de daïra, qu’il nous sera difficile de maîtriser la fougue juvénile, des gens qui attendent des réponses tangibles, un développement réel », nous répond Djouan Mohamed, président de l’association environnementale Shams. Et d’ajouter : « Nous n’avons pas profité du gaz conventionnel, ni des retombées de la manne pétrolière. Qu’y a-t-il après la misère, la mort ? Le gaz de schiste nous prendra le peu que nous avons et nous n’en voulons pas. »
Presse antiémeute (Ravah Ighil, ElWatan.com, 5 janvier 2015)
Gaz de schiste, la fracture
Les foyers de la contestation sociale se multiplient dans le sud du pays. Après Ghardaïa, secouée par une crise intercommunautaire qui s’est inscrite dans la durée, et Ouargla où le collectif des jeunes chômeurs s’est distingué tout au long de l’année qui vient de s’achever par des actions spectaculaires de protestation pour l’accès à l’emploi, c’est au tour de la localité d’In Salah d’être sous les feux de l’actualité.
Les citoyens de cette région riche en gaz et en eau souterraine sont sortis, ce week-end, dans la rue pour exiger l’arrêt du programme d’exploitation du gaz de schiste, dont le premier forage, mis en service à titre expérimental dans cette partie du grand Sud, a été inauguré la semaine dernière par Youcef Yousfi, ministre de l’Énergie.
Pour bien montrer leur détermination à ne pas lâcher prise jusqu’à la satisfaction de leur revendication, les contestataires ont tenu à frapper les esprits par cette initiative lourde de conséquences de bloquer symboliquement, lors de cette journée de protestation, l’accès aux champs gaziers. Les pouvoirs publics ont été surpris par la réaction de la population locale que l’on a sous-estimée et considérée peu encline à se mobiliser autour de préoccupations aussi « doctes » que l’on croyait être le seul apanage des politiques.
Il est dommage que les pouvoirs publics n’aient pas perçu ce signal fort de la population d’In Salah comme un signe de vitalité de la société et une action citoyenne pour leur envoyer, comme de coutume, les forces antiémeute érigées en instrument de dialogue dans le traitement des conflits ! La symbolique de ce mouvement est en effet forte pour n’entrevoir que des tentations velléitaires de quelques mains manipulatrices qui ne voudraient pas que l’Algérie figure, de par ses réserves prouvées en gaz de schiste, dans le gotha des pays producteurs.
Les habitants d’In Salah sont sortis dans la rue non pas pour réclamer des logements, du travail, leur part de la rente pétrolière, mais pour un combat existentiel. Ont-ils raison ? Ont-ils tort ? Leurs craintes quant aux conséquences du recours au procédé technique de la fracturation hydraulique sur l’environnement et les nappes phréatiques qui constituent une source de vie vitale pour ces régions désertiques sont-elles fondées ? Sont-elles exagérées ?
Comment pourrait-on le savoir alors que ce dossier si sensible, qui fait polémique partout dans le monde où le débat est sur la table, est géré chez nous dans le plus grand secret ? On a vu comment en France les partis politiques, la société civile, les écologistes, les experts, les parlementaires, le gouvernement se sont emparés de ce dossier à travers un débat public intense pour enfin trancher de manière consensuelle en faveur du rejet de l’option du gaz de schiste.
Face à la démission de la classe politique, du Parlement, du mouvement associatif que l’on n’a pas beaucoup entendu sur ce dossier, le gouvernement a tenté un passage en force en imposant le fait accompli en dehors de toute concertation avec les forces vives du pays et les experts. Les événements d’In Salah gagneraient à être médités par les décideurs pour ouvrir avec courage, lucidité et responsabilité un débat public sur ce dossier controversé afin de prendre les décisions, les plus appropriées, qui soient conformes aux intérêts stratégiques du pays. Loin de tout dogmatisme.
Presse antiémeute (Omar Berbiche, ElWatan.com, 5 janvier 2015)
Un blessé et quatre arrestations à In Salah
Affrontements entre manifestants et gendarmes
In Salah ne décolère pas. Bien au contraire, l’indifférence des autorités locales – qui ont répondu par des renforts de gendarmes à la manifestation pacifique qui s’est vite mue en blocage de la transsaharienne depuis 3 jours – n’a fait que renforcer la détermination et la mobilisation citoyennes.
Il s’agit d’un fait inédit à plus d’un titre dans une région où l’allégeance au pouvoir central n’est pas à prouver, une région qui a attendu patiemment et en silence un vrai programme de développement, surtout après les dernières découvertes gazières qui étaient censées rehausser tout le Tidikelt vers le statut de zone énergétique pourvoyeuse de richesse et dont les retombées devaient bénéficier en premier à ses habitants.
Or, l’attente n’a pas donné grand-chose, estiment les habitants. Pis encore, après le gaz conventionnel, l’exploration puis l’entrée en exploitation du premier puits de gaz de schiste, quasiment en catimini, en présence du ministre de l’Énergie et d’un gradé de l’armée ont accentué le sentiment de mépris et la colère nourrie par des manques à tous les niveaux et l’absence d’une communication institutionnelle envers les populations concernées par ces nouveaux projets.
Des projets qui apportent leur lot d’appréhensions et de peur sur l’avenir de la région, son environnement, une eau de qualité contestée mais dont les seuls dangers se résument à l’hypertension et à la fluorose dentaire et osseuse. Rien, en somme par rapport aux effets toxiques des produits chimiques injectés depuis juin dernier dans les nappes phréatiques du Sahara.
Mobilisation
Le collectif d’associations et des citoyens anti-gaz de schiste à In Salah a appelé hier à une grande manifestation, qui se tiendra aujourd’hui devant la daïra d’In Salah. Toutes les franges de la société ont été conviées à ce nouveau rassemblement qui survient au lendemain de l’arrestation de quatre jeunes manifestants de la localité de Sahla, appréhendés par les gendarmes d’In Salah alors qu’ils bloquaient l’accès au site du premier puits de gaz de schiste de la région d’Ahnet, située à quelque 35 km de la ville d’In Salah. Les manifestants ont été violemment réprimés et conduits en ville, l’un d’eux a été gravement blessé après une chute sur un pneu qui brûlait, ce qui lui a causé de graves brûlures, d’où son évacuation en urgence à l’hôpital d’In Salah.
La déviation empruntée par les camionneurs, qui voulaient éviter le blocus de la zone pétrolière sur la transsaharienne sur l’axe reliant In Salah à Tamanrasset a en outre été rouverte à la circulation, quand les éléments de la Gendarmerie nationale, qui observaient jusque-là en retrait les manifestants ayant opté pour la radicalisation du mouvement en bloquant les issues, ont décidé d’intervenir au lever du jour.
Plusieurs comités de sages, de notables et d’imams pourtant très écoutés dans la région se sont succédé au carrefour des deux Sahla, pour faire fléchir les contestataires et les appeler à rentrer dans le rang de la majorité des habitants d’In Salah qui préfèrent l’action pacifique et tiennent à manifester et exprimer leurs doléances aux autorités locales.
Après le grand rassemblement du 1er janvier auquel ont pris part quelque 1500 personnes, selon des témoignages concordants de la ville d’In Salah, la lecture de la plateforme de revendications remise au chef de daïra chargé de la transmettre à la présidence de la République, les manifestants estiment que les pouvoirs publics ont eu le temps de préparer une réponse convaincante à une population qui demande un moratoire concernant l’exploitation du gaz de schiste dans le Sahara et l’organisation de manifestations scientifiques publiques et un débat ouvert à l’opinion nationale concernant l’exploitation des énergies non conventionnelles en Algérie. Pour l’heure, une grande campagne de sensibilisation est actuellement menée, des équipes font du porte-à-porte pour distribuer des tracts et des affichettes appelant à une mobilisation citoyenne très forte aujourd’hui.
Sitôt relâchés, les 4 manifestants arrêtés hier matin ont repris leurs positions au niveau du blocus de Sahla, arguant que « les autorités ont été destinataires d’une lettre officielle à laquelle aucune réponse n’a été donnée au moment où la rue bouillonnait à In Salah ». À In Salah-centre, le comité de pilotage de l’action citoyenne anti-gaz de schiste tenait une réunion pour décider de la suite des événements et coordonner les actions. Pendant ce temps, des renforts de la Gendarmerie nationale ont pris le départ de Ouargla pour In Salah pour contenir de nouvelles manifestations.
Presse antiémeute (Houria Alioua, ElWatan.com, 4 janvier 2015)
In Salah : Très forte mobilisation populaire contre le gaz de schiste
La mobilisation citoyenne anti gaz de schiste gagne du terrain. Après In Salah, c’est au tour de In Ghar, Tit, Tamanrasset et El Ménéa de se joindre à la protestation en décrétant la paralysie totale des commerces et administrations publiques. Tous les axes routiers situés desservant la RN 1 sont également bloqués.
Ainsi, après un sit-in imposant qui a regroupé toute la matinée, différentes franges de la société, venues des quatre coins de la ville d’In Salah et l’annonce d’une visite ministérielle mercredi prochain, la population d’In Salah n’a pas renoncé à son piquet de grève générale lancé le matin même.
Une kheima a été dressée en face du siège de la daïra ou des dizaines de manifestants se sont regroupé des les premières lueurs du matin. « Nous attendrons ici même cette délégation d’Alger » nous dit un des organisateurs, joint par téléphone en début d’après-midi.
Une délégation qui n’a pas pris la peine de se déplacer avant la fin de semaine alors que la population n’a quasiment pas déserté la rue depuis le 31 janvier et qui a redoublé de manifestations depuis, bloquant des axes névralgiques de la ville y compris ceux menant au fameux puits de gaz de schiste, dont le lancement de la production une semaine plus tôt par le ministre de l’énergie a eu l’effet d’une bombe au sein de la population locale.
Presse antiémeute (Houria Alioua, ElWatan.com, 4 janvier 2015)
Les pouvoirs publics devancés par la société civile de In Salah
L’association Shams pour la préservation de l’environnement, la promotion de l’usage des énergies renouvelables et le développement durable d’In Salah a été la première à attirer l’attention du gouvernement sur les dangers de l’exploitation de certains gaz toxique sur les nappes phréatiques et l’environnement en général.
Dans une correspondance datant du 18 août 2014, son président faisait part des appréhensions de la population quant à l’injection, au niveau du champ gazier de Hassi Moumen, à 35 km au Nord de la ville d’In Salah « d’eaux extraites du Gaz ». Un procédé par lequel, Sonatrach et ses associés procéderont à l’injection de l’eau extraite (par déshydrations) du Gaz Humide.
Un puits injecteur et des installations de pompage était alors en construction avec une entrée en exploitation prévue durant le premier trimestre de l’année 2015. Shams exprimait dés lors une « inquiétude forte, justifiée et due au faits que cette eau est forcément contaminée par des produits chimiques, qu’elle est très salée (eau de saumure), en grande quantité, et que l’injection sera opérée á une profondeur de 1400 m ».
Les même appréhensions quant aux garanties concernant l’exploitation du gaz de schiste ont été formulées quelques mois plus tard au directeur de l’environnement de Tamanrasset et mêmes les ministères de tutelle et les entreprises étrangères activant dans la région notamment après la persistance des infiltrations dans les nappes phréatiques constatées en 2013 et les débordements d’égouts d’El Barka.
Des sujets qui ont été couverts au moment opportun par El Watan dans son édition destinée à la région Sud. Cette association œuvrant pour l’action citoyenne a également interpellé les autorités sur les différents problèmes relatifs à la situation économique catastrophiques de la région, aux conditions climatiques rudes exacerbées par les problèmes d’électricité qui ont causé une trentaine de morts l’été dernier, mais aussi la dégradation de la qualité de vie des citoyens.
Le risque de la dégradation de l’eau, ressource vitale, fossile non renouvelable au Sahara a poussé l’association à appeler à une forte mobilisation contre le gaz de schiste. Un mouvement qui a depuis, atteint plusieurs wilayas du sud du pays, brassant un vaste élan de solidarité et de sympathie à travers tout le pays ou un sentiment d’avenir bradé s’installe. En tant que mouvement de la société civile, les habitants d’In Salah ont prouvé un haut sens de la citoyenneté et de la conscience environnementale qui forcent l’admiration.
Et dans l’attente de la suite des événements maintenant que le gouvernement a décidé de suspendre l’exploitation du gaz de schiste dans l’Ahnet, Shams demande aux pouvoirs publics d’appliquer le principe n 15 de la déclaration de Rio ratifiée par l’Algérie, à savoir les principes de prudence et de prévention. Bien avant la mobilisation, les cadres de Shams, avaient proposé leur contribution à une solution écologique, durable qui permettra á Sonatrach d’exploiter le champs gazier d’In Salah sans atteinte irréversible à cette ressource stratégique. Ni le gouvernement, ni Sonatrach n’y ont prêté attention.
Presse antiémeute (Houria Alioua, ElWatan.com, 4 janvier 2015)
Gaz de Schiste à In Salah : La population demande un moratoire au Président
Des dizaines de citoyens d’In Salah ont poursuivi, vendredi, leur mouvement de protestation entamé le 31 décembre. Après quelques heures d’ouverture, la Transsaharienne, au carrefour des deux Sahla, à 35 km de la ville, a encore été fermée à la circulation. Depuis deux jours, les manifestants arborent des banderoles et scandent des slogans en arabe et en français : « Oui au solaire thermique, non au gaz de schiste », « Non à l’extermination du Sud par le gaz de schiste », « In Salah agonise »…
Les jeunes semblent déterminés. La délégation qui s’est entretenue jeudi avec le chef de daïra a expressément demandé que ses doléances soient transmises directement au président de la République. Ce courrier, signé par les représentants d’une vingtaine de quartiers d’In Salah, demande un moratoire contre le gaz de schiste.
Prenant la parole à tour de rôle, les présidents des associations locales de protection de l’environnement se disent choqués par l’attitude du ministre de l’Énergie à In Salah. « Il est arrivé et est parti comme un voleur », disent-ils. Il a seulement constaté que le forage fonctionnait et il est reparti. Aucune consultation de la population, aucun contact avec le maire, le chef de daïra ou les élus locaux.
À In Salah, à quoi sert le gaz ?
Pour des membres actifs de la société civile, In Salah renaît de ses cendres et compte peser sur cette décision aussi brusque que méprisante de commencer l’exploitation du gaz de schiste avant la date annoncée par le gouvernement l’été dernier, à savoir l’horizon 2020. « Le Tidikelt fait le décompte de ses acquis : rien », écrit une activiste de la région. In Salah est le gisement ouvert à toutes sortes de pompages : le gaz vers l’étranger, l’eau vers Tamanrasset, l’électricité vers d’autres régions et rien pour In Salah où le vent de sable, la canicule et le néant mettent la population dans une situation que personne ne leur envie.
À In Salah, la situation est tellement invivable que les habitants ressentent cette offense gouvernementale comme une humiliation de trop. Conjuguée à l’oubli et à la négligence des décideurs depuis l’indépendance, la capitale du Tidikelt, cette paume de la main ouverte et hospitalière, l’humiliation donne envie de tout fermer et d’attendre de voir venir. Les habitants donnent un ultimatum au gouvernement.
Moratoire
Le gouvernement est devant un exercice difficile de communication et de conviction. Les gens d’In Salah veulent de vrais arguments. « Si l’État veut forer pour extraire le gaz de schiste, il faudra qu’il nous démontre, via des experts au-dessus de tout soupçon, que cette activité est sans risque pour l’humain, la faune et la flore », disent-ils.
Un député a dit qu’il a voté contre la loi des hydrocarbures, mais que les voix des élus restent insignifiantes dans une configuration qui pousse à l’unanimisme. Certains citoyens ont réalisé, cette semaine, qu’ils travaillaient pour l’entreprise qui compte les assassiner. Quelques intervenants ont été plus radicaux : c’est un non définitif au gaz de schiste, une fermeture immédiate du forage qu’ils exigent. Et devant l’absence de réaction des autorités, les manifestants bloquent toujours la RN1.
Presse antiémeute (Houria Alioua, ElWatan.com, 3 janvier 2015)