Ces derniers temps la presse indépendante se retrouve en justice. À Marseille, CQFD est attaqué par une boîte matrimoniale [« De l’international au tribunal », cqfd-journal.org]. À Amiens, c’est Fakir qui est menacé par le groupe Casino [« Le Groupe Casino tremble devant Fakir (et réclame 75’000 €) », fakirpresse.info]. À Chambéry, le parquet s’acharne contre La Voix des Allobroges [« Le parquet s’assoit sur la liberté de la presse », lavoixdesallobroges.org]. Ailleurs les Indymedias et Le Jura Libertaire composent avec les coups de pression du ministère de l’Intérieur [« “Anti-Flics” ? Et bien plus que ça ! Que vivent les Indymedias ! », lille.indymedia.org]. Étant nous-mêmes embarqué-es dans une procédure pour diffamation, nous exprimons ici notre soutien à ces médias libres que certaines personnes aimeraient museler. Nous sommes fragiles financièrement, mais forts en gueule, c’est en partie ce qui les pousse à faire appel à la justice, pour taper là où ça fait mal : le compte en banque [Rue89 a aussi pas mal de procès aux fesses, notamment celui intenté par le groupe Bolloré : « Rue89 croule sous les procès, aidez-nous à payer l’avocat ! », rue89.com]. Mais… si les choses s’inversaient ?
On avait déjà exprimé l’idée de saisir la justice, pour blaguer, le jour où les flics avaient tenté d’interdire nos criées. La mairie nous avait renvoyé un « arrêté » arbitraire qui « autorisait » nos ventes dans quelques endroits paumés. C’était contraire à plusieurs lois en vigueur, ça nous donnait de quoi répondre [« À la criée ! », labrique.net]… Mais on s’en moquait. Maintenant, pour être honnêtes, il nous arrive de perdre patience. Surtout quand les bleus nous collent aux basques ! Récemment, la municipale nous a menacé-es d’un procès verbal si on ne déguerpissait pas du marché de Wazemmes. Bizarre, les socialistes y tractent sans être inquiété-es. Alors pourquoi pas nous ? Selon Jacques Mutez, conseiller municipal délégué aux marchés de plein air, c’est à cause du « règlement » qui défend 1) « toute forme d’expression quelle qu’elle soit » dans un certain « périmètre » et 2) de… « crier » [« Votre journal il est connu ? Il est attractif ? Y’a des gens qui viennent, qui se déplacent pour l’acheter… vous n’êtes pas forcément obligés de crier… », suggère M. Mutez] ! Soit, dans ce cas faisons dans le « réglementaire », nous aussi, puisque c’est à ce petit jeu qu’on tente de nous assaisonner. La loi du 29 juillet 1881, la loi Bichet de 1947 et celle du 9 décembre 2004 interdisent formellement de contraindre la diffusion de presse imprimée dans l’espace public. Le règlement de la mairie serait contraire à la loi ? C’est ce que M. Mutez accorde à demi-mots. Même s’il va « vérifier » parce qu’il n’a pas « le truc en tête », il concède, penaud : « C’est vrai qu’un règlement est inférieur à une loi »…
Qu’on se rassure, la perspective d’entamer une procédure judiciaire pour faire valoir notre droit de diffuser notre canard reste et restera une vaste blague. Et puis, si on commence à poursuivre la mairie, on n’a pas fini. Il s’agirait ensuite d’attaquer toutes les forces obscures qui entravent la libre communication de la critique sociale. La Brique n’ira donc pas pleurer devant la justice. Elle continuera à attaquer par le verbe, écrit, crié, dans ses pages, dans la rue… et à se défendre sur tous les fronts. Si ça vous branche, venez crier avec nous.
La Brique no 27, mai-juin 2011.