Depuis dimanche 16 juin et la nomination par Morsi de 7 nouveaux gouverneurs des Frères Musulmans et un du groupe terroriste Jamma Al Islamiya (responsable de l’attentat terroriste qui avait tué 58 touristes en 1997 à Louxor) dans la région de Louxor, les affrontements ne cessent pas devant ou dans les sièges des gouvernorats de plusieurs villes.
Ainsi à Menoufya, les routes d’accès au gouvernorat sont coupées depuis trois jours par des manifestants tous comme les câbles téléphoniques du siège du gouvernorat. Le bâtiment du gouvernorat de Fayoum a été saccagé. À Gharbeya, des combats ont lieu pendant que le siège des Frères Musulmans a été incendié, tout comme le siège du FJP (parti des Frères Musulmans ) à Tanta et que le bâtiment du gouvernorat a été partiellement détruit et des armes de la police dérobées. À Damiette, le gouverneur n’a pas pu rentrer dans le siège du gouvernorat, bloqué par les manifestants. À Kafr el Sheikh le gouverneur a eu sa voiture brûlée pour la deuxième fois (déjà en février 2013) et sa maison attaquée au cocktail molotov. À Mahalla, les affrontements ont eu lieu dans les rues de la ville tandis que les sièges des gouvernorat d’Ismaïlia, Daqahliya et Beni Souef, étaient bloqués par des sit-in tout comme celui de Louxor où les salariés du tourisme portant des pancartes « Nous ne voulons pas des terroristes », ont appelé à maintenir le sit-in jusqu’au départ du gouverneur. Enfin le bureau du député Sayed Askar, ancien responsable des affaires religieuses au Parlement, a été saccagé.
En même temps la tension sociale grandit avec une inflation annuelle officielle de 8,2% (en mai) c’est-à-dire une augmentation des prix courants de parfois 40%. Le bureau des statistiques constatait ainsi une baisse des achats de 70%, les gens n’achetant plus que les produits de première nécessité. Les coupures d’électricité et la pénurie de carburants ont provoqué ces derniers jours une recrudescence des tensions à proximité des stations service avec des bagarres voire des tirs d’armes à feu et de nombreux barrages routiers comme sur la route Le Caire-Alexandrie ou de voies de chemins de fer par une population exaspérée provoquant des blessés parmi les manifestants ou la police. Dans ce contexte de difficultés économiques grandissantes on voit de plus en plus de gens réduits à piller les sites archéologiques comme à Beni Souef pour vendre des objets aux touristes, beaucoup d’enfants qui travaillent dès l’âge de 5 ans (on estime 1,6 millions d’enfants de 5 à 17 ans travaillent surtout dans l’agriculture ou comme domestiques) et des grèves qui éclatent pour les salaires (record mondial de manifestations depuis le début de l’année 2013) comme dernièrement les employés de l’université d’Alexandrie qui ont occasionné sa fermeture.
La campagne de signatures dite « Rebelle » de l’ensemble de l’opposition vient d’annoncer qu’elle avait récolté plus de 15 millions de signatures déclarant l’illégitimité du président Morsi et appelle à une manifestation massive le 30 juin pour le départ immédiat du président par l’occupation illimitée de la rue et des places ou pour des élections présidentielles anticipées comme le réclament les libéraux, socialistes nassériens et démocrates. En attendant le pouvoir multiplie les arrestations et condamnations d’opposants pendant que des groupes salafistes appellent à manifester de manière permanente du 21 au 30 juin et à former des comités populaires pour protéger le palais présidentiel qui sera la cible de la manifestation au Caire.
La révolution continue.
Jacques Chastaing le 20 juin 2013